Les représentants de l’Alliance Sahel font part de leurs préoccupations concernant la zone. Réunis en Assemblée générale, ils se sont accordés sur une série de décisions à prendre afin de poursuivre leurs activités et renforcer leurs interventions au bénéfice des populations.
Par Laurent Allais
La troisième Assemblée générale de l’Alliance Sahel s’est achevée à Madrid, le 4 avril 2022. Présidant la réunion, le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a rappelé l’importance de maintenir l’attention sur le Sahel : « La coordination des principaux acteurs du développement est plus nécessaire que jamais. C’est le moment pour nous, partenaires, de renouveler notre engagement pour le développement et la stabilité du Sahel, au bénéfice des populations sahéliennes. »
L’Alliance Sahel est une plateforme de coordination internationale des bailleurs de fonds des pays sahéliens. Sa création, en 2017, répond à la nécessité de venir en soutien aux pays du G5 Sahel : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad. L’Alliance se veut un mécanisme de renforcement de la coordination des partenaires pour une aide plus rapide, plus efficace et mieux ciblée en faveur des zones vulnérables, évitant le « saupoudrage » de l’aide.
Le Sahel est autant une terre d’opportunités que de défis. Bien que la région dispose d’abondantes ressources humaines, culturelles et naturelles, offrant un important potentiel de croissance et de développement, les défis profondément enracinés auxquels elle fait face affectent grandement la prospérité et la paix. De nombreuses zones dans les pays du G5 Sahel sont en proie à une montée des conflits et des tensions. Près de 2,5 millions de personnes ont fui leur foyer au cours de la dernière décennie. Environ 6,7 millions de personnes ont besoin d’assistance alimentaire en urgence, un chiffre qui pourrait atteindre 10,5 millions de personnes si des mesures ne sont pas prises très rapidement.
À cette situation déjà critique s’ajoute l’impact sans précédent de la guerre en Ukraine sur le marché mondial des céréales et des fertilisants pour l’approvisionnement des pays et l’assistance destinée aux populations souffrant d’insécurité alimentaire. Enfin , la pandémie de la Covid-19 a amplifié les fragilités économiques, sanitaires et nutritionnelles auxquelles étaient déjà confrontées les populations.
« Face à cette situation, il faut comprendre que si nous, pays sahéliens, sommes responsables de l’avenir de nos États en tant que dirigeants, nous restons dépendants de l’environnement politique, économique et financier international, sur lequel nous avons peu de prise. Aussi, la situation sécuritaire dans nos pays, nous rappelle l’urgence du développement et notre responsabilité particulière en la matière », a reconnu Mahamat Hamid Koua, président du Conseil des ministres du G5 Sahel.
Des engagements triplés
Les membres de l’Alliance Sahel ont réaffirmé leur volonté de rester pleinement engagés aux côtés des populations sahéliennes : depuis 2017, le nombre de projets qu’ils financent a triplé, tout comme les engagements financiers, passés de 7,3 à 23 milliards d’euros aujourd’hui.
L’Alliance met en œuvre le Programme de développement d’urgence (PDU) du G5 Sahel. « Le PDU a montré des impacts rapides et tangibles », juge l’Alliance. Qui chiffre son bilan : 1 080 000 bénéficiaires ont déjà eu un accès amélioré à l’eau ; 125 000 personnes ont bénéficié d’une assistance alimentaire ; 1 572 structures contribuant à la prévention des conflits et à la cohésion sociale ont été créées et 414 000 personnes ont été formées au dialogue, à la gestion et à la médiation des conflits.
De nouvelles phases des projets financés sont en cours d’instruction ou d’exécution, permettant un quasi-doublement (514 millions d’euros à ce jour) du montant initialement mobilisé par les membres de l’Alliance au bénéfice de ce programme.
Un œil sur les pays périphériques
Au chapitre des recommandations, l’Alliance préconise de maintenir et d’adapter le soutien au bénéfice des populations, « dans un contexte d’instabilité et d’insécurité croissantes », afin de ne pas compromettre les gains qui ont pu être obtenus en matière de développement. Il est nécessaire, réitère-t-elle – en pleine incertitude sur la situation au Mali –, de respecter les droits humains, les principes humanitaires et le droit international humanitaire, y inclus par les forces de défense et sécurité.
L’Alliance renouvelle son soutien au G5 Sahel, « partenaire privilégié pour la coopération au Sahel », mais ses membres sont « conscients des défis que traverse actuellement cette institution ». Allusions aux troubles politiques au Mali, au Burkina Faso et au Tchad, notamment.
« Le vrai potentiel du Sahel, c’est la jeunesse elle-même », a déclaré Mahamat Hamid Koua, ministre tchadien de l’Économie, de la planification, du développement et de la coopération internationale.
L’institution entend apporter une réponse coordonnée aux populations sahéliennes et à la hauteur des enjeux de la crise alimentaire. Elle poursuivra les efforts dans les zones les plus fragiles tout en amplifiant les actions dans les zones de prévention, afin de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité et de limiter l’expansion des conflits et des crises.
L’Alliance ne néglige pas la nécessité de renforcer le soutien collectif aux zones fragiles périphériques situées entre les pays du G5 Sahel et les pays côtiers du Golfe de Guinée, dans une logique de prévention.
Enfin, elle intensifiera ses appuis en faveur des jeunes et des femmes, en particulier pour leur insertion dans la vie politique. Enfin, l’Alliance recherche toutes les synergies avec l’Initiative de la Grande Muraille verte.
@LA