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Politique

Les défis politiques et économiques de l’Angola

Les défis politiques et économiques de l’Angola
  • Publiéoctobre 24, 2022

Avec des réformes économiques ambitieuses qui n’ont pas encore donné lieu à une forte croissance, le MPLA voit son poids électoral diminuer. Le président João Lourenço doit envisager de nouvelles options pour reconquérir les électeurs.

 

Quelques jours après que les élections ont reconduit au pouvoir le président sortant João Lourenço et son Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), l’élite du pays a assisté aux funérailles de José Eduardo dos Santos, qui a dirigé le pays de 1979 à 2017 et était lui-même chef du MPLA. À cette occasion, Lourenço n’a pas reçu la réaction qu’il aurait pu espérer.

« Le chef de l’opposition, Adalberto Costa Junior, lorsqu’il est arrivé aux funérailles, a été applaudi », relate Gonçalo Falcão, qui dirige le pôle Angola du cabinet d’avocats américain Mayer Brown. « Cela ne s’est pas produit pour le président. »

Entre autres développements pour son pays, le MPLA pourrait doubler son programme de privatisation ; des dizaines d’entreprises dans divers secteurs sont destinées à être vendues, mais beaucoup d’opérations ont été retardées par la pandémie.

Cet incident est le reflet d’une semaine qui a marqué la fin d’une époque pour l’Angola. En enterrant José dos Santos, le peuple angolais a également voté pour le MPLA, qui a obtenu la majorité la plus étroite à ce jour, soit 51,17 % seulement, ce qui représente une baisse de 9,9 points par rapport aux précédentes élections.

L’Unita, le parti d’opposition, a augmenté de manière significative son vote à 43,94%, remportant 90 sièges contre 124 pour le MPLA, ce qui a considérablement modifié le paysage politique. Pour la première fois, le parti au pouvoir devra lutter pour apporter des amendements constitutionnels par lui-même.

Les résultats des élections reflètent une érosion continue du soutien au MPLA, qui gouverne le pays depuis son indépendance du Portugal en 1975 et qui, en 2008, à son apogée, bénéficiait d’un soutien de 81,6 %.

« C’est un moment de péril pour le parti au pouvoir alors que le pays approche des 50 ans d’indépendance », explique Alex Vines, directeur du programme Afrique à Chatham House, à Londres.

À bien des égards, l’élection peut être interprétée davantage comme une protestation dirigée contre le MPLA que comme un soutien à l’Unita, l’adversaire du MPLA dans la guerre civile qui a suivi l’indépendance de l’Angola et qui s’est terminée en 2002 avec la défaite de l’Unita.

 

Priorité à l’emploi et aux gains à court terme

 « Le vote n’est pas intrinsèquement pour l’opposition, mais plus un vote de protestation avec une abstention en hausse à 55,17%. C’est l’histoire de cette élection. Le taux de participation a été beaucoup plus faible », explique Alex Vines.

La frustration provenait principalement de la classe moyenne urbaine et de la jeunesse angolaise dont la vie ne s’est pas améliorée au cours des cinq dernières années, malgré les réformes économiques dont le MPLA a fait grand cas.

João Lourenço

« L’essentiel, c’est que la population souffre de la misère depuis des décennies et que rien n’a changé depuis l’entrée en fonction du président jusqu’à aujourd’hui », considère Gonçalo Falcão. « Vous ne voyez pas d’améliorations dans les infrastructures et les bidonvilles. La vie des gens ne s’est pas améliorée, malgré tous les efforts du gouvernement en matière de privatisation et de diversification de l’économie. »

Certes, expliquent nos deux interlocuteurs, le MPLA a pris de nombreuses bonnes décisions économiques au cours des cinq dernières années, mais le gouvernement a dû faire face à d’énormes vents contraires qui ont empêché le peuple angolais d’en ressentir les effets. La croissance du PIB ne devrait être que de 3% cette année selon le FMI, après une modeste croissance de 0,7% en 2021, après la récession de 5,6 % l’année précédente.

« Le MPLA avait en fait une bonne équipe économique et qu’ils ont géré l’économie pendant une période très difficile », juge Alex Vines. « Ils ont eu un terrible héritage de l’ancien président pendant 38 ans et les caisses étaient assez vides lorsque Lourenço est arrivé au pouvoir en août 2017. Ensuite, le pays a subi le ralentissement des produits de base, qui s’est poursuivi l’année dernière, en plus de la crise sanitaire. »

Environ la moitié des 14 millions d’électeurs inscrits en Angola ont moins de 36 ans et le taux de chômage des jeunes est d’environ 60 %.

La priorité absolue pour le MPLA doit être la création d’emplois et l’amélioration de la vie du peuple angolais. « Le gouvernement va continuer à suivre le même plan économique qu’avant. Il s’agit essentiellement d’ouvrir l’économie, d’accroître les privatisations et de diversifier l’économie. C’est l’objectif principal, mais la population n’a pas bénéficié de ces réformes, qui prennent du temps », explique Gonçalo Falcão, de Mayer Brown.

En outre, à court terme, le gouvernement pourrait recourir à la solution rapide des subventions. « Comme nous le voyons dans l’Ouest, les subventions reviennent à la mode », déclare Alex Vines. « Nous verrons des subventions utilisées pour amortir les forts vents contraires de l’inflation et donner le sentiment que le gouvernement tend la main à ceux qui l’ont sanctionné lors des élections. »

Un autre domaine où le MPLA pourrait regagner le cœur des citoyens est de s’attaquer au logement et à l’approvisionnement en énergie, des questions importantes dans un pays où près de la moitié de la population urbaine vit dans des bidonvilles, selon Statista.

« L’État doit créer des emplois et, grâce à ces emplois, aider les gens à financer des logements neufs et bon marché, équipés d’eau et d’électricité. Il doit apporter des améliorations de base à la vie de la population », explique Gonçalo Falcão.

 

Le pétrole, les mines et les investissements étrangers

Les réformes économiques, notamment les tentatives de réforme pour lutter contre la corruption, les privatisations et les efforts pour attirer les investissements étrangers, ont déjà commencé à porter leurs fruits et pourraient donner au gouvernement un coup de pouce indispensable.

Au cours des deux dernières années, des entreprises étrangères comme le groupe De Beers sont entrées dans le pays. « L’Angola dispose d’un secteur minier très puissant qui est encore inexploité », explique Gonçalo Falcão, il est de nouveau exploré par des entreprises étrangères. »

La promesse de l’exploitation minière ne se limite pas aux diamants, mais comprend également des minéraux plus traditionnels comme le cuivre ainsi que les terres rares.

Le pétrole est une autre ressource qui promet de continuer à soutenir l’économie angolaise.

L’Angola a récemment dépassé le Nigeria pour devenir le premier producteur de pétrole en Afrique. L’offre mondiale de pétrole devrait encore se resserrer lorsque l’embargo de l’Union européenne sur le pétrole russe prendra effet, le 5 décembre.

À l’inverse, l’un des défis auxquels le MPLA est confronté est l’augmentation des taux d’intérêt mondiaux, qui pourrait accroître le ratio dette/PIB du pays.

« Cela va limiter la marge de manœuvre du gouvernement angolais en matière d’emprunts publics et c’est quelque chose qu’il devra gérer avec soin, mais je pense qu’il sera en mesure de le faire en raison de l’augmentation des revenus pétroliers », juge Alex Vines.

L’Angola a d’autres opportunités de développement économique, mais beaucoup dépend de la capacité du parti à stopper l’érosion de sa base et à regagner le soutien du peuple angolais.

À titre d’exemple Gonçalo Falcão souligne les possibilités pour le MPLA de doubler son programme de privatisation – des dizaines d’entreprises dans divers secteurs sont destinées à être vendues, dont beaucoup ont été retardées par la pandémie. Le pays pourrait également se concentrer sur la croissance agricole. Grand producteur continental voici un demi-siècle, l’Angola dépense aujourd’hui 2,4 milliards de dollars par an en importations alimentaires, selon Statista.

Ces plans dépendent de la capacité du MPLA à continuer de courtiser avec succès les investissements étrangers, mais cela pourrait être compliqué par la nécessité de courtiser ses anciens partisans.

@NA

Écrit par
Heidi Garnett

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