Les arrestations de civils au plus haut depuis six ans

Selon Verisk Maplecroft, la montée en flèche des troubles civils, alimentée par les tensions politiques, l’insécurité alimentaire et l’inefficacité des gouvernements, menace la stabilité, perturbe les entreprises et provoque des crises sociales et économiques.
Les tensions politiques, les manifestations et les émeutes de ces derniers mois propulsent l’Afrique à un niveau de troubles civils inégalé depuis six ans, selon une étude menée par la société d’intelligence économique Verisk Maplecroft. L’analyse redoute que la situation devrait s’aggraver tout au long de l’année 2023, soulignant les défis croissants auxquels sont confrontées les entreprises opérant dans la région.
Les perturbations des chaînes d’approvisionnement, les dommages matériels, l’augmentation des coûts d’assurance et les menaces pour la sécurité des employés sont autant de risques auxquels les entreprises doivent faire face.
Selon l’étude, 36 pays africains ont connu une augmentation des risques entre le deuxième trimestre 2022 et ce deuxième trimestre 2023, marquant la plus forte augmentation annuelle du continent depuis la création de l’ensemble de données en 2017, révèle l’indice des troubles civils de Verisk Maplecroft.
Le nombre de pays africains désormais catégorisés comme présentant un risque élevé ou extrême de troubles civils est également passé à 37, un bond significatif par rapport aux 28 pays ainsi classés voici six ans.
L’impact de ces troubles s’est répercuté sur l’ensemble de la région, des pays comme la RD Congo, l’Angola et le Kenya étant les plus touchés. En perdant respectivement 32, 29 et 28 places dans le classement, ces pays ont vu leur profil de risque de troubles civils se détériorer rapidement.
L’étude du cabinet fait écho à ses conclusions précédentes, qui ont identifié des niveaux records de risques politiques, y compris les troubles civils, l’intensité des conflits et l’instabilité gouvernementale, à l’échelle mondiale au début de cette année.
Aleix Montana, analyste pour l’Afrique chez Verisk Maplecroft, prévient qu’il ne faut pas sous-estimer les conséquences de la montée en puissance de la dynamique mondiale des risques dans ces pays.
« Alors que le continent est confronté à des pénuries alimentaires croissantes, à l’inefficacité généralisée des gouvernements et à une série d’élections controversées, la fréquence et l’ampleur des manifestations devraient augmenter dans les mois à venir », juge l’analyste.
Coût élevé de la crise alimentaire
L’insécurité alimentaire reste l’un des principaux catalyseurs des troubles, alimentant des niveaux de vulnérabilité déjà élevés dans toute l’Afrique. La hausse galopante des prix des denrées alimentaires de base a contraint les pays à dépendre fortement des importations pour répondre à la demande nationale.
L’Afrique compte actuellement 16 des 20 pays les plus à risque selon l’indice de sécurité alimentaire (ISA) de Verisk Maplecroft, qui mesure la disponibilité, la stabilité et l’accès aux approvisionnements alimentaires. Des pays en difficulté tels que la Somalie, le Sud-Soudan et la RD Congo figurent parmi les pays les plus touchés par l’insécurité alimentaire. Au cours des deux dernières années, le continent a connu la plus forte augmentation du risque de sécurité alimentaire par rapport à toute autre région, ce qui renforce la probabilité de manifestations de masse pour réclamer l’accès à la nourriture.
Le Sud-Soudan, qui doit faire face à des approvisionnements alimentaires insuffisants et à une hausse vertigineuse du coût de la vie, a déjà été le théâtre de manifestations au cours du premier semestre 2023. Particulièrement répandues parmi les populations déplacées à l’intérieur du pays, ces manifestations soulignent l’incapacité du gouvernement à fournir une aide vitale en termes de nourriture et de produits de base.

Des scènes similaires se sont déroulées en RD Congo, où les manifestants de Goma, dans la province du Nord-Kivu, sont descendus dans la rue en mars 2023 pour réclamer l’accès à la nourriture et protester contre la mort de dix personnes par famine dans un camp de personnes déplacées à l’intérieur du pays.
Les perspectives économiques incertaines de plusieurs pays africains et les effets croissants du changement climatique ne font qu’ajouter à ce sombre tableau et suscitent une inquiétude croissante. Des régions telles que le Sahel, l’Afrique centrale et la Corne de l’Afrique sont aux prises avec la plus longue sécheresse de l’histoire récente, ce qui accroît la probabilité de troubles dans les mois à venir.
L’inefficacité des gouvernements à résoudre des problèmes clés tels que l’inflation, le chômage et l’effritement des infrastructures publiques ne fait qu’alimenter le mécontentement de la population. La corrélation entre les indices de Verisk Maplecroft relatifs aux troubles civils et à l’efficacité des gouvernements met ce lien en évidence.
Un calendrier électoral chargé
L’Afrique du Sud en est un exemple. Au cours de l’année écoulée, le pays a connu une forte augmentation du risque sur l’indice d’efficacité du gouvernement, perdant 24 places et se retrouvant au 111e rang mondial des pays les plus à risque. L’inefficacité du gouvernement a alimenté une recrudescence des troubles, le gouvernement du président Ramaphosa s’efforçant de s’attaquer à des problèmes tels que le chômage, la corruption et les pannes d’électricité récurrentes du pays.
Le pays a connu un total de 692 incidents de protestation et d’émeute au premier trimestre 2023, en hausse par rapport aux 456 des trois premiers mois de 2022.
De nombreuses élections présidentielles et législatives ont déjà eu lieu ou sont prévues dans les mois à venir ; pourtant, l’incertitude politique et les inquiétudes concernant les processus électoraux posent des risques supplémentaires. Les événements récents au Nigeria, où les partisans de l’opposition ont protesté pour obtenir un nouveau vote en raison d’irrégularités présumées, soulignent la possibilité d’une augmentation des protestations à travers le continent.
L’escalade des troubles civils en Afrique pose des problèmes aux entreprises opérant dans la région. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement, les dommages matériels, l’augmentation des coûts d’assurance et les menaces pour la sécurité des employés sont autant de risques auxquels les entreprises doivent faire face.
L’Afrique étant confrontée à cette tendance alarmante, il devient de plus en plus urgent de procéder à des évaluations stratégiques, d’élaborer des plans d’urgence et de prendre des mesures pour s’attaquer aux causes profondes des troubles afin de garantir la stabilité, la croissance économique et le bien-être des communautés à travers le continent, conclut le rapport.
@NA