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Politique

Le Nigeria doit tirer les leçons des années perdues

Le Nigeria doit tirer les leçons des années perdues
  • Publiémai 29, 2023

Bola Tinubu prête serment ce 29 mai. Le nouveau président du Nigeria dispose d’un énorme capital de réussite, mais l’échec n’est pas une option dans le pays le plus peuplé d’Afrique.

 

Investi ce 29 mai, Bola Ahmed Tinubu ne jouira sans doute pas de l’état de grâce dont bénéficient les nouveaux présidents. Les défis auxquels est confronté le nouveau dirigeant de la plus grande économie d’Afrique sont énormes. La menace de la faillite plane sur un pays dont la dette publique totale pourrait atteindre 77 000 milliards de nairas (172 milliards de dollars) cette année. L’inflation a dépassé les 22 % cette année, aggravant la pauvreté de dizaines de millions de personnes.

Il est dommage que cette jeune puissance culturelle et entrepreneuriale reste sous l’emprise d’une génération de dirigeants qui ont si manifestement manqué à leurs devoirs envers leurs concitoyens. Mais il faudra faire avec Bola Tinubu.

Pour les Nigérians éloignés des bulles de Lagos et d’Abuja, l’insécurité est une réalité de la vie, qu’il s’agisse des affrontements incessants entre agriculteurs et éleveurs dans le centre du pays, de l’insurrection islamiste en cours dans le Nord-Est ou des attaques visant les installations pétrolières dans le delta du Niger. Le secteur pétrolier hypertrophié, otage d’intérêts particuliers, continue de corrompre la politique et la société, malgré de timides tentatives de réforme.

Comment en est-on arrivé là ? Il ne serait pas trop imprudent de qualifier le passage au pouvoir du prédécesseur Muhammadu Buhari d’années perdues pour le Nigeria. Mentalement rigide et économiquement inflexible, le major-général et politicien vétéran n’a jamais réussi à maîtriser son pays dynamique et ambitieux de plus de 200 millions d’habitants.

Sous sa direction, la croissance n’a jamais dépassé les 3,6 % enregistrés en 2021, alors que le pays sortait de la pandémie – une bagatelle pour un pays naturellement entreprenant dont la population augmente de 2,6 % par an –, tandis qu’il a supervisé les récessions de 2016 et de 2020.

Bien sûr, tous les maux du pays ne sont pas imputables à l’ex-président. Son mandat de huit ans a été marqué par l’impact de la pandémie de coronavirus – que Buhari a remarquablement pris au sérieux – et par les retombées économiques de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Bon nombre des problèmes les plus tenaces du Nigeria, notamment les performances insuffisantes de l’industrie pétrolière, le gaspillage des subventions aux carburants, le manque criant d’infrastructures et l’insécurité omniprésente, sont antérieurs au dernier mandat de Muhammadu Buhari.

 

Les défis de Tinubu

Néanmoins, ses prescriptions politiques dépassées montrent qu’il n’a guère évolué depuis sa première expérience en tant que dirigeant militaire au milieu des années 1980. Du contrôle des importations aux restrictions monétaires en passant par la fermeture des frontières, les interventions économiques de Buhari ont été mal pensées et mal exécutées.

Elles ont eu tendance à museler le secteur privé plutôt qu’à lui donner les moyens d’agir. Les grands projets d’importance économique, y compris la raffinerie Dangote, potentiellement transformatrice, qui vient d’être inauguée, ont été entravés par des retards. Malgré son penchant pour les « solutions » militaires, son héritage en matière d’insécurité est un conflit larvé.

Dans quelle mesure Bola Tinubu sera-t-il différent ? Étant donné que le septuagénaire est issu du même parti, le All Progressives Congress, que Buhari, le scepticisme s’impose quant à sa capacité à offrir le nouveau élan dont le Nigeria a besoin. Ses prestations en bois et ses mises en scène lors de la campagne, ainsi que la manière contestée dont il a remporté l’élection et le mandat limité des électeurs, suscitent un malaise supplémentaire.

La méga-raffinerie Dangote a été inaugurée le 22 mai 2023.
La méga-raffinerie Dangote a été inaugurée le 22 mai 2023.

 

Pourtant, il y a des raisons, bien que limitées, d’être optimiste. En tant que gouverneur de Lagos au début des années 2000, Bola Tinubu a supervisé la croissance, alimentée par les investissements étrangers. Il a fait savoir qu’il était plus ouvert à l’idée de libérer le pouvoir du secteur privé en s’éloignant des politiques économiques étatistes de Muhammadu Buhari. L’un des premiers tests sera de savoir s’il ira jusqu’au bout de son projet d’abrogation des subventions aux carburants, dont le coût est estimé à 10 milliards de dollars par an.

Il n’y a pas de temps à perdre. Le Nigeria – et par extension l’Afrique –  ne peut tout simplement pas se permettre une autre décennie perdue. Il est dommage que cette jeune puissance culturelle et entrepreneuriale reste sous l’emprise d’une génération de dirigeants qui ont si manifestement manqué à leurs devoirs envers leurs concitoyens. Mais il faudra faire avec Bola Tinubu, c’est sur ses épaules que repose le destin du géant africain.

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@NA

 

Écrit par
Par David Thomas

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