Le Maroc réfute certaines informations de presse faisant état de la demande d’adhésion du Royaume au sein des BRICS. Une telle démarche aurait du sens, mais des tensions diplomatiques avec l’Afrique du Sud l’emportent.
Le Royaume chérifien a-t-il demandé son adhésion au groupe des BRICS ? Oui, déclarait le 18 août 2023 Naledi Pandor, ministre sud-africaine des Relations internationales et de la coopération. Lors du sommet des BRICS, qui se tiendra à compter de ce 22 août, « les dirigeants des BRICS devraient discuter de la question de l’élargissement de l’adhésion aux BRICS ».
Elle a ajouté que « le contexte géopolitique actuel a suscité un regain d’intérêt pour l’adhésion aux BRICS, les pays du Sud cherchant des alternatives dans un monde multipolaire », et a noté que Rabat a soumis une demande d’adhésion formelle. D’autres pays africains – l’Algérie, l’Égypte, l’Éthiopie, le Nigeria et le Sénégal –, auraient exprimé leur intérêt pour une adhésion.
« Le Maroc n’a pas vraiment besoin d’adhérer aux BRICS ; ce serait un choix que les décideurs politiques ont fait juste pour apparaître comme une couverture, au cas où il y aurait des problèmes avec l’Occident à l’avenir. »
La presse marocaine n’a pas manqué de réagir avec vigueur, les heures suivantes. L’agence officielle MAP, citant une « source autorisée » du ministère des Affaires étrangères, signale que le Maroc ne se rendra pas en Afrique du Sud – a-t-il seulement été invité ?, s’interroge la presse marocaine – , et ne participera pas au sommet des BRICS, à quelque niveau que ce soit. Y compris à la réunion « BRICS – Afrique », prévue le 24 août à Johannesbourg.
Cette « source autorisée » considère qu’il ne s’agit pas ici d’une initiative des BRICS ou de l’Union africaine, mais d’une réunion décidée par l’Afrique du Sud. Or, à Rabat, on juge que l’Afrique du Sud « a toujours manifesté une hostilité primaire vis-à-vis du Royaume ». Allusion aux désaccords sur la question du Sahara occidental. Et le Maroc de critiquer la manière dont Pretoria organise cette réunion des BRICS, accusant l’Afrique du Sud de « servir un agenda inavoué ».
Toutefois, le Maroc entretient des relations étroites avec l’institution des BRICS et nouant avec ses membres (sauf l’Afrique du Sud !) des accords de partenariat stratégique. Selon les analystes marocains, la politique étrangère du Maroc privilégie le multilatéralisme, mais évite que les plateformes multilatérales soient détournées pour servir des agendas nationaux des États.
Une hypothèse (d’école) qui a du sens
Imad Harb, directeur de la recherche et de l’analyse au Centre arabe de Washington, jugeait pourtant, avant le démenti de MAP, que la candidature du Maroc aurait quelque sens. Le Maroc tient à signifier qu’« il n’a pas à être redevable de ses liens avec l’Occident et qu’il cherche d’autres partenaires ». Le pays « cherche à obtenir davantage d’investissements des BRICS, en particulier de la Chine, et davantage de relations commerciales bilatérales ».
Par exemple, « le Maroc veut bénéficier de l’initiative Belt and Road (BRI), notamment parce que son économie est un peu plus moderne que d’autres sur le continent africain », confie Imad Harb à Harry Clynch, tandis que « la Chine peut également bénéficier des exportations de phosphate ».
Pure hypothèse d’école, donc, que l’adhésion du Maroc aux BRICS. Pourtant, Ahmed Aboudouh, de Chatham House reconnaît que du point de vue économique, cette démarche « signifie beaucoup ».
L’opération « faciliterait davantage d’investissements directs sur le marché marocain, davantage d’échanges commerciaux et davantage de plateformes de financement et d’emprunt supplémentaires à des conditions favorables. En outre, elle offre aux entreprises marocaines une opportunité sans précédent d’accéder à certains des plus grands marchés du monde ». De plus, confie Ahmed Aboudouh, membre de l’Atlantic Concil, le Maroc bénéficierait de l’importation de technologies de pointe de la Chine et de l’Inde dans le cadre de sa tentative de devenir un centre technologique africain de premier plan.
Sur le plan politique, ajoute l’expert, « cela consoliderait les liens du Maroc avec des poids lourds comme la Chine, l’Inde et la Russie et servirait à reconnaître le Royaume comme une puissance moyenne montante sur la scène internationale ».
Cependant, il serait exagéré de suggérer que le Maroc s’aligne diplomatiquement sur la Chine et la Russie au détriment de ses relations avec l’Occident. Ahmed Aboudouh affirme que « personne en Afrique du Nord ne suggère que cela fait partie d’une stratégie de réalignement ».
« Les États-Unis et la France sont, et resteront, les principaux acteurs extérieurs de la région en matière de politique et de sécurité ; il ne s’agit pas de choisir entre les BRICS et les chèques occidentaux. »
Imad Harb nuance : « Le Maroc n’a pas vraiment besoin d’adhérer aux BRICS ; ce serait un choix que les décideurs politiques ont fait juste pour apparaître comme une couverture, au cas où il y aurait des problèmes avec l’Occident à l’avenir. »
LA, avec Harry Clynch
@NA