Le Mali de l’après Barkhane

Tandis que les Français sont partis, les soldats des Nations unies n’ont guère de marge de manœuvre pour agir, dans un Mali confronté à la violence. Si celle-ci vient essentiellement des groupes djihadistes, le climat reste délétère, déplore Alioune Tine, envoyé de l’ONU.
Cette fois, c’est fait, les derniers soldats français de la force Barkhane ont quitté le Mali. Avec un bilan mitigé : les groupes djihadistes sont toujours présents dans le pays, mais leur rêve de créer un califat islamique au cœur du Sahel ne s’est pas matérialisé. Désormais, ils affronteront, outre les forces internationales restées sur place – si on leur laisse le loisir d’exercer leur mission –, l’armée régulière appuyée par la Russie et des mercenaires, russes également.
L’envoyé de l’ONU salue « l’adoption par les autorités maliennes d’un calendrier de transition d’une durée de 24 mois, ainsi que d’un chronogramme détaillant les différentes étapes menant aux élections et au retour à un régime civil ».
À ce propos, des soldats britanniques et allemands de la Minusma relatent, cette semaine, la présence de forces russes à Gao, dans le nord du Mali. Ils ont repéré deux avions, dont un L-39 Albatros, précise un document du commandement allemand de la Défense, cité par l’agence Reuters. Ils ont également observé une vingtaine de personnes vêtues d’uniformes n’appartenant pas à l’armée malienne, en train de décharger des équipements d’un avion malien. « Ils étaient certainement des membres des forces de sécurité russes, le L-39 ayant vraisemblablement été piloté par des soldats russes, les forces maliennes n’étant pas en mesure de le faire », décrit ce document.
S’agit-il d’« instructeurs » comme les appellent les autorités maliennes, ou de « mercenaires du groupe Wagner », comme le dénoncent régulièrement les experts américains ou européens ? Quoi qu’il en soit, cette double présence russe ne fait guère de doute. En début de semaine, quatre mercenaires de Wagner ont été tués par un groupe djihadiste, dans la région de Mopti. Tandis que l’armée malienne, qui conduit de nombreuses opérations pour traquer ces groupes djihadistes, ne masque pas la présence à ses côtés de soldats russes.
Auteur d’un rapport pour le compte des États-Unis, Alioune Tine s’inquiète des accusations d’exactions à l’encontre de l’armée malienne et de ses alliés russes. Le chercheur sénégalais, qui a effectué une mission dans le pays entre le 1er et le 12 août, ne se trompe pas d’ennemi : il explique bien que les groupes terroristes djihadistes sont les principaux fauteurs de violence et d’atteintes aux droits humains.
Suspicion et méfiance
Dans certaines zones, les djihadistes exercent des pressions violentes sur les populations afin d’imposer leur vision de la charia, continuant à pratiquer des enlèvements de civils.
Alioune Tine déplore « un climat délétère marqué par la suspicion et la méfiance, avec un rétrécissement continu de l’espace civique, le durcissement des autorités maliennes de transition, et un malaise qui n’épargne pas les partenaires internationaux ».

Diplomate, l’expert onusien a néanmoins salué les récents efforts des autorités maliennes en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel au Mali et la mise en œuvre de l’accord pour la Paix et la réconciliation, signé en 2015. « Je salue l’adoption par les autorités maliennes d’un calendrier de transition d’une durée de 24 mois, ainsi que d’un chronogramme détaillant les différentes étapes menant aux élections et au retour à un régime civil. »
Ce qui ne l’empêche pas de déplorer les dénégations des autorités maliennes face à l’évidence – la présence de mercenaires russes dans le pays – et de leur demander, ainsi qu’à la Minusma, de tout faire pour éviter l’usage abusif de la force. Alioune Tine constate « le rétrécissement continu de l’espace civique », y compris la censure – ou l’autocensure – des médias et des acteurs de la société civile.
Reste à savoir quels seront les alliés du Mali demain. La population, dont une grande partie applaudit le départ des Français, se montre méfiante vis-à-vis des forces de la Minusma. Certains (et certaines) activistes se réclamant du panafricanisme se chargeant d’entretenir un climat anti-occidental, plus particulièrement anti-Français. L’Allemagne a suspendu ses opérations militaires, menées dans le cadre de la Minusma. Les Allemands ont été désagréablement surpris de la décision des autorités maliennes de leur interdire le survol de leur territoire. Ce, au lendemain d’une mission d’évacuation de soldats maliens blessés par des hélicoptères allemands… Reste aussi à savoir quelles sont les exigences du Kremlin pour intensifier – de manière officielle et à grand renfort de publicité, cette fois – son aide logistique et matérielle au Mali.
@NA