Le G5 Sahel se mobilise contre le terrorisme
Mieux s’opposer aux groupes terroristes n’est cependant pas le seul objectif. La mobilisation des États membres du G5S s’inscrit dans un mouvement de remise en cause de l’efficacité de la Minusma, dont la toile de fond est une volonté de promouvoir des « solutions africaines » de sécurité collective. « Nous estimons que la présence des Casques bleus en Afrique n’a pas donné des résultats. Nous pensons que l’Union africaine doit prendre en charge la lutte contre le terrorisme et c’est nous qui devrions fournir les Casques bleus et la communauté internationale doit nous accompagner », estime le président de la Guinée, et de l’Union africaine, Alpha Condé.
Pour plusieurs observateurs également, un corollaire à la promotion de solutions africaines est le souci de la France de chercher « un ticket de sortie » permettant d’alléger le dispositif de l’opération militaire Barkhane en favorisant une appropriation de leur sécurité par les États sahéliens eux-mêmes. « L’enjeu est d’importance pour Paris : plus vite cette force sera sur pied, plus vite Paris pourra, sinon mettre un terme, du moins réduire le format de l’opération Barkhane, qui lui coûte au bas mot 600 millions d’euros chaque année », résume Thomas Hofnung dans Le Monde.
Un défi financier
Le 21 juin, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la Résolution 2 359 dans laquelle il salue le déploiement d’une force conjointe des États membre du G5 Sahel. Contrairement à ce qui était initialement souhaité, du fait d’une opposition américaine et britannique, cette force n’a pas reçu de mandat formel.
De même, la question du soutien financier et de l’assistance technique par les partenaires a été repoussée à une « conférence de planification » ultérieure. Cette question financière est un des noeuds de la force promue par les chefs d’États du G5 Sahel. À la veille de sommet à Bamako, seule l’Union européenne a promis de débloquer 50 millions d’euros pour faciliter son envol, auxquels s’ajoutent 8 millions promis par la France d’ici à la fin de l’année. C’est peu, bien loin en tout cas des 423 millions d’euros espérés par les chefs d’États sahéliens.
Autre nuage, le président tchadien Idriss Déby Itno, dont le pays est confronté à une situation économique et sociale difficile, fait monter les enchères. Affirmant que ses troupes ne pouvaient pas être partout, il a suggéré fortement que la communauté internationale, à commencer par la France, mette davantage la main au portefeuille si elle voulait réellement soutenir la mise en place du G5 Sahel et que les militaires tchadiens continuent de s’impliquer dans la sécurité sous-régionale.
« Je suis absolument certain que les Tchadiens sont déçus. Ils estiment que le Tchad en a trop fait, qu’il doit se retirer. Nous sommes arrivés au bout de nos limites », a indiqué Idriss Déby lors d’un entretien diffusé par TV5 Monde. Avant de préciser qu’à défaut d’une réponse de ses partenaires, « le Tchad ne serait plus en mesure de garder autant de soldats à l’extérieur de son territoire ».
Cet enjeu financier, majeur pour des pays sahéliens aux budgets sous pression, n’est toutefois pas le seul. Pour l’anthropologue André Bourgeot, se pose la question de la compétence. « Les armées nationales ont-elles reçu une formation suffisante pour lutter contre le terrorisme ? », s’interroge-t-il. « Déployer plus de troupes va ajouter à l’embouteillage sécuritaire sur place, redoute de son côté Rinaldo Depagne, directeur du département d’Afrique de l’Ouest de l’International Crisis Group (ICG). Et pose aussi la question de la coordination entre des pays qui ont du mal à travailler ensemble, alors que les groupes terroristes, eux, ont beaucoup plus de capacités à coopérer et à s’allier».
Enfin, si le Mali et ses frontières s’annoncent déjà comme le premier théâtre d’opérations, la question de savoir contre qui et quoi cette force va être précisément engagée – groupes terroristes exclusivement ou non – n’est pas claire, tout comme son articulation avec les armées nationales ou la réaction de l’Algérie.
Ne pas s’enfermer dans le sécuritaire
Si le renforcement de la sécurité est nécessaire, tout comme l’appropriation de leur sécurité par les États sahéliens, il ne saurait suffire. « Demander une meilleure gouvernance, plus de distance avec l’argent public et donc moins de corruption, plus d’inclusion sociale, une meilleure professionnalisation de forces de sécurité moins tribalisées, des mesures favorisant de bonnes politiques frontalières, tout cela contribuera à mieux combattre l’extrémisme violent », rappelle Ahmedou Ould Abdallah, ex-secrétaire général adjoint de l’ONU.