Le Burkina Faso face à « une coalition internationale »

Les ONG réclament une enquête indépendante et approfondie après les massacres commis dans le nord du Burkina Faso, par des individus vêtus d’uniformes des Forces de sécurité. Le gouvernement défend l’armée et réfute la présence de Wagner sur son sol.
« Une coalition internationale contre le Burkina Faso. » C’est ainsi que le colonel Kassoum Coulibaly (photo ci-dessus), ministre de la Défense qualifie les attaques portées contre le pays, réfutant les accusations portées contre l’armée. Le pays fait l’objet d’attaques incessantes de groupes djihadistes ainsi que de nombreuses « violations de l’espace aérien », révèle le ministre Coulibaly.
« Nous voulons que les autorités nous donnent des explications. Nous voulons que les victimes obtiennent justice. »
Selon qui cette « coalition » – dont on ne connaît pas les membres –, se constituerait après le rapprochement du Faso avec la Russie. « Beaucoup de personnes pensent que les Russes nous guident mais les Burkinabé ne sont pas des enfants ; la Russie ne nous dicte aucune loi », a-t-il expliqué lors d’une réunion publique à Ouagadougou. « La Russie ne nous donne rien, nous luttons avec les contribution des Burkinabé à l’effort de guerre. » Pas moins de six ministres ont pris la parole, le 3 mai, afin de défendre le point de vue du gouvernement du Burkina Faso.
Lequel Faso nie la présence sur son sol de mercenaires de Wagner ; son rapprochement avec la Russie se borne à rechercher des moyens pour entrainer et payer les « Volontaires pour la défense de la Patrie ».
Lesquels n’ont pas pu éviter le massacre perpétré à Karma, dans le nord du pays. Soit une région où plusieurs groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda et à l’État islamique dans le Grand Sahara contrôlent des portions de territoire, et mènent des attaques contre les civils et les Forces armées.
L’État reconnaît désormais que 136 corps ont été inhumés fin avril, après le passage meurtrier d’hommes en uniformes militaires. S’agit-il de membres de l’armée régulière ? Certaines ONG le prétendent et la Justice enquête. Douze personnes auraient été entendues par le procureur de Ouagadougou. Selon le gouvernement, qui se fie à une enquête de l’agence nationale du Renseignement, les djihadistes sont pourtant « désorganisés ». C’est pourquoi, considère le colonel-ministre Coulibaly, ils font preuve de « perfidie » en commettant leurs exactions habillés en tenues militaires.
Les ONG réclament justice
« Les autorités du Burkina Faso ont condamné le massacre de Karma, et ont déclaré qu’une enquête est en cours », résume Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch (HRW). « Mais pour que les victimes de ces horribles meurtres et les membres de leurs familles puissent obtenir justice, la communauté internationale devrait s’assurer que l’enquête promise soit crédible et indépendante, et que tous les responsables soient traduits en justice. »
Selon des témoins interrogés par cette ONG, les meurtres ont eu lieu au cours d’une opération de six heures menée par l’armée. Toujours selon ces témoins, ce massacre a été perpétré en représailles aux attaques menées par des groupes islamistes armés contre des soldats et des milices pro-gouvernementales au début du mois.
Des organisations locales, dont le Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC), un important groupe de défense des droits burkinabè, ont attribué les meurtres de Karma à l’armée burkinabè, révèle HRW. Qui cite Daouda Diallo, secrétaire général du CISC et lauréat du prix Martin Ennals 2022 pour les droits humains : « Nous voulons que les autorités nous donnent des explications. Nous voulons que les victimes obtiennent justice. » Amnisty International, soupçonnant aussi un rôle directe de certaines Forces de sécurité, réclame une enquête.
« Des moyens conséquents sont mis à la disposition du parquet de Ouahigouya pour des avancées significatives dans ce dossier choquant », a répondu le directeur de la justice militaire.
C’est dans ce contexte que le ministre Kassoum Coulibaly s’est adressé au peuple burkinabé : «Si la maison brûle, donnons-nous la main pour éteindre le feu. La lutte n’est pas une affaire des hommes de tenue, des coutumiers…, c’est l’affaire de tous les Burkinabè. Notre pays est en train d’être brûlé. Sauvons notre pays. Soyons solidaires. »
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En bref
Charles Sawadogo brièvement incarcéré
Le lanceur d’alerte Wendpouiré Charles Sawadogo, interpellé et soupçonné d’« intelligence avec l’étranger en vue de destituer le régime en place », a été libéré le 1er mai après quatre jours de garde à vue. Aucune charge n’a été retenue contre lui
« On le soupçonnait d’avoir perçu de l’argent de l’étranger pour déstabiliser la transition » a expliqué un proche cité par TV5 Monde, précisant que « son domicile a été perquisitionné et ses téléphones saisis ». Toutefois, l’enquête n’est pas close.
Wendpouiré Charles Sawadogo est lanceur d’alerte très suivi sur les réseaux sociaux.
@NA