L’Algérie souhaite intégrer les BRICS

Conformément aux vœux du président Tebboune exprimés en juillet, l’Algérie demande son adhésion au cercle des BRICS qui comporte aujourd’hui cinq pays. Une démarche aussi économique que politique, tournée vers la Chine et la Russie.
BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud. Devra-t-on prochainement revoir cet acronyme et y caser un « A » ? Suivant la volonté exprimée en juillet 2022 par le président Abdelmadjid Tebboune, l’Algérie a officiellement déposé une demande d’adhésion à ce groupe économique et politique restreint.
L’annonce en a été faite par Leila Zerrouki, envoyée spéciale du ministère algérien des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, chargée des grands partenariats internationaux. Qui laisse à sa hiérarchie le soin de commenter plus avant cette décision. Il est vrai que les demandes s’effectuent directement de chef d’État à chef d’État, les BRICS n’étant pas une organisation structurée comme l’Union africaine, par exemple. Une réunion prochaine des pays membres des BRICS, qui se déroulera à Pékin, devrait préciser les conditions d’adhésion pour d’autres pays.
Sur le plan politique, l’Algérie se rapprocherait de pays hostiles aux États-Unis, eux-mêmes proches du voisin et rival marocain. Reste à savoir quelle sera la réaction des Occidentaux, notamment de la France, face à cette candidature.
En juin, le président Tebboune avait assisté – en visioconférence – à la dernière réunion de cette instance, organisée par la Chine (photo ci-dessus). Les participants avaient exprimé le souhait d’inclure de nouveaux membres. Déjà, la Russie, par la voix de son représentant spécial du président russe pour le Moyen-Orient et l’Afrique et vice-ministre des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, a salué la décision de l’Algérie. « La Russie n’a aucune objection au désir de l’Algérie de rejoindre le groupe BRICS, et le président Tebboune a écrit au président Poutine à ce sujet », avait déclaré l’ambassadeur de Russie en Algérie, Valerian Shuaev, le 8 septembre.
Il avait été suivi, quelques jours plus tard, soit lors de l’assemblée générale des Nations unies, par le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi. Rien d’étonnant à ce soutien : la Chine est devenue au fil des ans l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Algérie, fournissant entre 7 à 8 milliards de dollars par an de biens et services, essentiellement des biens de production. Enfin, selon certains observateurs, l’élection récente de Lula au Brésil pourrait faire pencher la balance en faveur du dossier algérien.
Un pionnier du non-alignement
Fondé en 2001, le groupe des BRICS était initialement composé de quatre pays l’Afrique du Sud ne l’ayant intégré qu’en 2011. S’il s’agit à l’origine un regroupement de pays sur la base de considérations économiques, la structure informelle a vite pris un tour plus politique. Les pays collaborent en matière de lutte contre les trafics, le terrorisme, devenant parfois un « contre-pouvoir » à l’OTAN. Ce dont ne manque pas de se féliciter un certain Vladimir Poutine.
Les BRICS représentent 25 % du PIB mondial et 18% des échanges, selon les estimations les plus récentes, qui ne tiennent pas compte, bien sûr, du conflit en Ukraine. « L’adhésion au groupe BRICS est tributaire de conditions économiques, dont l’Algérie satisfait une grande partie », avait déclaré le président Tebboune en juillet. Selon qui l’entrée au sein de ce groupe « mettrait l’Algérie, pays pionnier du non-alignement, à l’abri des tiraillements entre les deux pôles ».
Sur le plan économique, joindre ce groupe permettrait au pays de poursuivre et d’accélérer sa politique de diversification des échanges, une nécessité reconnue de longue date par le pouvoir mais qui tarde à prendre forme concrète. De facto, faire partie des BRICS n’a aucun intérêt, aujourd’hui, pour un pays dont les hydrocarbures représentent 98% des exportations. Lorsque l’objectif de l’État de ramener cette part à 80%, à moyen terme, sera atteint, alors cette adhésion prendra davantage de sens.
Cette démarche rejoint aussi la politique conjoncturelle visant à bloquer les produits de base ou à lutter contre la spéculation, dans un contexte de tensions sociales exacerbées par la hausse des prix. À horizon 2025-2030, l’adhésion à ce groupe de pays permettrait à l’Algérie de mieux renégocier ses relations commerciales avec les pays européens.

Sur le plan politique, l’Algérie se rapprocherait de pays hostiles aux États-Unis, eux-mêmes proches du voisin et rival marocain.
Reste à savoir quelle sera la réaction des Occidentaux, notamment de la France, face à cette candidature. Sur ce point, rien de spécifique n’a filtré d’une rencontre impromptue entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, à l’occasion de la COP27 de Charm-El-Cheik. Le président français a félicité son homologue algérien pour le succès de la 31ᵉ session du Sommet arabe, achevé le 2 novembre.
@NA