La voie diplomatique privilégiée à l’égard du Niger

La CEDEAO se réunit ce 10 août afin d’analyser la situation au Niger. Ses représentants n’ont pas eu l’autorisation de se rendre à Niamey. Une intervention militaire semble exclue à court terme mais demeure une option.
Au fil des heures, diplomatie et tensions se succèdent, dans la crise que traverse le Niger. Les putschistes ont-ils réalisé un joli coup ? L’avenir le dira : ils ont nommé un civil, Ali Mahaman Lamine Zeine, au poste de Premier ministre. L’homme n’est pas un inconnu. Économiste de formation, il a été ministre de l’Économie et des finances entre 2002 et 2010. Il a occupé, en 2001, le poste de directeur de Cabinet du président Mamadou Tandja. Ce dernier ayant été renversé par un coup d’État en 2010. Ali Mahaman Lamine Zeine a aussi été représentant de la Banque africaine de développement au Tchad, en Côte d’Ivoire et au Gabon.
L’espace aérien est toujours fermé et Niamey poursuit ses accusations contre ses voisins et la France, accusés de préparer une intervention militaire.
De son côté, le lieutenant-colonel Habibou Assoumane a été nommé commandant de la garde présidentielle.
Du côté diplomatique ? La CEDEAO essaie de nouer le dialogue, mais ses émissaires ne sont officiellement pas les bienvenus à Niamey. L’organisation ouest-africaine privilégie la voie diplomatique mais n’exclut toujours pas le recours à la force pour rétablir l’ordre constitutionnel. Pourtant, l’ultimatum fixé au dimanche 6 août a fait long feu. Il est vrai que les autres pays du Sahel ont très vite exprimé leurs réticences à une opération militaire, tandis que d’autres dirigeants semblent à leur tour privilégier la voie diplomatique.
Au Nigeria, les sénateurs ont appelé à renforcer l’« option politique et diplomatique », refusant d’accorder un blanc-seing au président Bola Tinubu pour une intervention militaire. De son côté, le président algérien bdelmadjid Tebboune considère qu’une intervention constituerait une « menace directe » contre son pays, autre voisin du Niger. Les pays européens se disent aussi désireux de poursuivre la voie diplomatique.
De leur côté, les États-Unis tentent de jouer les médiateurs. Une responsable de la diplomatie américaine a rencontré les putschistes, le 7 mai mais les discussions n’ont pas abouti à un calendrier de négociations. « Ces discussions ont été très franches et par moments assez difficiles », a-t-elle reconnu devant la presse. Selon elle, les auteurs du coup d’État n’ont guère été réceptifs aux demandes de retour à un régime civil, mais ont exprimé avoir conscience des risques d’une alliance éventuelle avec la Russie.
Une intervention militaire se prépare-t-elle ?
« La diplomatie est le moyen à suivre ; c’est la démarche de la CEDEAO, et c’est aussi notre démarche, nous soutenons les efforts de la CEDEAO pour rétablir l’ordre constitutionnel », a déclaré le chef de la diplomatie américaine, Antony, Blinken, au micro de RFI. Le secrétaire d’État juge que le coup d’État « n’a pas été orchestré par la Russie ou par Wagner » ; toutefois, « dans la mesure où ils en profitent – et on voit là la répétition de ce qui s’est passé dans d’autres pays, où ils n’ont apporté que des mauvaises choses dans leur sillage –, ce n’est pas une bonne chose ».
Les voisins maliens et burkinabè ont choisi leur camp : ils envoient une délégation conjointe à Niamey, afin d’exprimer leur « solidarité » avec le Niger ; ou plus exactement avec ses nouveaux dirigeants.
Ce 10 août à Abuja, la CEDEAO se réunira donc à nouveau en « Sommet extraordinaire » afin d’« examiner la situation ». Il ne devrait pas en sortir de décisions d’ordre militaire. En attendant, l’espace aérien est toujours fermé et Niamey poursuit ses accusations contre ses voisins et la France, accusés de préparer une intervention militaire. Les putschistes affirment qu’un « prédéploiement » de militaires destinés à intervenir au Niger se manifeste dans « deux pays d’Afrique centrale » non désignés. Rien ne vient étayer cette accusation à ce stade.
De plus, Paris dément les accusations des nouveaux dirigeants nigériens selon lesquels la France a violé l’espace aérien du Niger et même « libéré des terroristes ». La France est accusée de mettre en œuvre « un plan de déstabilisation du pays ». Quoi qu’il en soit, si la France avait fait part d’une « attitude intransigeante » vis-à-vis des putschistes, dans les jours qui ont suivi le coup d’État, le 26 juillet, elle semble désormais faire preuve de davantage de prudence. « Nous soutenons pleinement les efforts des pays de la région pour restaurer la paix », précise à l’AFP un diplomate.

D’autre part, l’inquiétude se fait tout à coup plus vive concernant le sort réservé à Mohamed Bazoum, toujours retenu par la junte. Ainsi que sur le sort du fils de l’ambassadrice du Niger en France, arrêté à Niamey sous un prétexte de détournement présumé de fonds publics. L’ambassadrice, démise de ses fonctions, ne cesse de clamer sa fidélité au président déchu Bazoum.
@NA