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Politique

« La Russie poursuivra son travail en Afrique »

« La Russie poursuivra son travail en Afrique »
  • Publiéjuin 27, 2023

Avec ou sans Wagner, il n’est pas question pour les autorités russes de lâcher les partenaires africains comme la Centrafrique ou le Mali, rassure la diplomatie russe. Qui n’évoque pas le rôle spécifique et contesté que jouent les mercenaires envoyés sur le continent.

 

Après la rébellion du groupe Wagner aux portes de Moscou, le 24 juin 2023, la mise à l’écart de son dirigeant, Evguéni Prigojine, l’incertitude est entière quant au devenir de la présence russe en Afrique.

Ou plutôt des présences russes, car il faut distinguer les appuis directs de Moscou et ceux, bien plus officieux, du groupe de mercenaires. Selon Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères (photo ci-dessus), le coup de force ne change rien aux relations de la Russie avec ses alliés africains.

« Moscou ne peut guère courir le risque de démanteler totalement cette milice privée et perdre ainsi les avantages acquis, tant sur le plan militaire que diplomatique », juge un analyste américain.

« En plus de leurs contacts avec Wagner, les gouvernements de la République centrafricaine et du Mali ont des contacts officiels avec nos dirigeants, par l’intermédiaire de leurs gouvernements. À leur demande, plusieurs centaines de militaires travaillent en Centrafrique en tant qu’instructeurs. Ce travail sera bien sûr poursuivi », a-t-il déclaré, le 26 juin, à la chaîne russe RT. À noter que le ministre ne parle que des militaires envoyés directement par le Kremlin et ne se prononce pas au nom de Wagner, contrairement à ce qu’ont pu laisser penser des informations de presse publiées ce 27 juin, basées sur une mauvaise traduction de ses propos.

Le ministre a révélé que le président Poutine avait reçu « beaucoup d’appels » de la part de ses amis étrangers « pour exprimer des mots de soutien ». Quant aux autres pays, ceux qui dénoncent l’invasion en Ukraine, « franchement, je m’en fiche. Les relations avec l’Occident sont détruites, alors un épisode de plus ou de moins… », a-t-il lâché.

Du côté des pays africains, où l’on a suivi cet « épisode » avec attention, on ne souhaite pas commenter officiellement, mais dans le même temps, on ne veut pas non plus que les choses changent. La République centrafricaine est l’un des pays les plus ouvertement en faveur de l’ingérence russe. Le ministre conseiller spécial du président centrafricain, Fidèle Gouandjika, a déclaré à l’AFP que son pays a signé, en 2018, « un accord de coopération avec la Fédération de Russie et non avec Wagner ». Poursuivant : « La Russie a sous-traité avec Wagner, si la Russie n’est pas d’accord avec Wagner, alors elle nous enverra un nouveau contingent ». Feignant d’ignorer les intérêts propres du groupe de mercenaire dans le pays, différents de ceux de la Russie, le ministre a estimé que l’« affaire entre Evgueni Prigojine et Vladimir Poutine ne nous regarde pas, c’est une affaire interne à la Russie ». Fidèle Gouandjika estime toutefois que dans tous les théâtres d’opérations, « les soldats de Wagner vont peut-être changer de chef, mais ils continueront d’opérer pour le compte de la Fédération de Russie ».

 

L’avertissement américain

Le ministre feint également d’ignorer les accusations portées par différentes ONG relatives à des exactions sur le terrain de la part de Wagner. Accusations souvent relayées par l’armée régulière centrafricaine et par des groupes rebelles. Tous relatent des crimes commis contre les civils. Et dénoncent l’attitude intéressée, pour ne pas dire prédatrice, de Wagner vis-à-vis des ressources – l’or principalement – de la Centrafrique. De nombreuses sociétés russes directement liées au groupe de mercenaires ou à Evgueni Prigojine exploitent les gisements.

De son côté, le Mali reste silencieux ; le pays qui vient de demander aux troupes de la Minusma de quitter son territoire, n’a jamais caché son intérêt pour un soutien russe. Et comme officiellement, Wagner n’y est pas présent…

Fidèle Gouandjika est est ministre conseiller spécial du chef de l'Etat centrafricain, Faustin Archange Touadera.
Fidèle Gouandjika est est ministre conseiller spécial du chef de l’Etat centrafricain, Faustin Archange Touadera.

Attention, préviennent les États-Unis : « À chaque fois que Wagner entre dans un pays, mort et destruction s’en suivent… », a lâché un porte-parole du département d’État en conférence de presse, le 26 juin. « Wagner exploite les populations locales, nous les voyons extraire les richesses locales, commettre des violations des droits humains », a-t-il ajouté.

Selon les spécialistes de la Russie, le Kremlin va punir Evgueni Prigojine et les « putschistes » mais continuera de préserver l’activité de Wagner en Afrique. « Moscou ne peut guère courir le risque de démanteler totalement cette milice privée et perdre ainsi les avantages acquis, tant sur le plan militaire que diplomatique », juge un analyste américain de 14North Strategies.

Sachant que « le réseau Pigojine est devenu l’acteur dominant de la présence russe en Afrique subsaharienne », fait observer Maxime Audinet, de l’IRSEM Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM). « La délégation de pans entiers du pouvoir régalien à Wagner, pour agir là où l’État russe ne souhaitait pas s’impliquer, a donné à cet acteur des marges de manœuvre beaucoup plus importantes qu’escompté. »

@NA

 

 

Écrit par
Laurent Allais

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