La Russie doit se préparer à des migrations africaines

L’analyse du cercle de réflexions russe Valdai suggère que l’émigration africaine vers la Russie, essentiellement liée à la formation, aujourd’hui, sera bien supérieure dans les décennies à venir. Charge aux Russes de s’y préparer.
Le 25 juillet 2023, Saint-Pétersbourg accueillera la conférence russo-africaine du club Valdai, intitulée « La Russie et les pays africains : Traditions d’interaction établies et perspectives de coopération dans un monde nouveau. »
Cette conférence d’une journée est organisée à deux jours du deuxième sommet Russie-Afrique, par un club d’universitaires, de journalistes et de chercheurs russes, réputé proche du pouvoir de Vladimir Poutine. À l’approche du Sommet, le club publie un rapport sur les relations économiques et sociales entre la Fédération de Russie et l’Afrique, suggérant quelques recommandations pour le long terme.
L’Union soviétique, en son temps, a ouvertement soutenu et aidé les pays africains à choisir la voie de l’autodétermination et de la liberté de choix. La Russie a apporté une aide considérable aux économies africaines jeunes et en pleine croissance.
Parmi les thèmes abordés, le rapport se penche sur celui des migrations d’Africains vers la Russie. Celles-ci sont encore « insignifiantes » et essentiellement le fait d’étudiants. En 2022, 38 885 Africains séjournaient légalement en Russie : 3 332 d’entre eux avaient un permis de séjour, 319 avaient un permis de travail valide, 874 avaient reçu la citoyenneté, et 34 360 Africains venaient pour étudier. Les plus grands contingents étaient originaires d’Égypte (15 668 personnes), du Maroc (3 438), du Nigeria (1 754), d’Algérie (1 458) et du Zimbabwe (1 262).
En Russie, l’attitude à l’égard des Africains en Russie est dominée par la méfiance, et ce depuis longtemps, reconnaissent les auteurs. Qui y voient en partie un « héritage » de l’époque soviétique, lorsque l’on parlait d’« amitié russo-africaine » mais que la grande majorité des citoyens soviétiques n’avaient jamais vu d’Africains ! « L’amitié proclamée avec l’Afrique est restée un concept purement hypothétique pour un citoyen ordinaire de l’URSS. » D’ailleurs, l’« attitude glaciale des Russes à l’égard des Africains est due, entre autres, à leur mauvaise connaissance de la culture du continent africain et au manque d’informations complètes et périodiques sur l’Afrique dans les médias russes », jugent les auteurs.
Pour remédier à cette attitude, en juin 2022, le Club russo-africain a été créé, réunissant des personnalités de tous les horizons, de Russie et des pays africains. Les activités du club visent à développer l’amitié et les liens globaux entre la Russie et les pays africains. Par exemple, en travaillant à l’ouverture du Musée des cultures africaines, basé sur le modèle du Musée d’État de l’art oriental, à Moscou.
De faibles connexions
D’autre part, en décembre 2022, Le Caire a accueilli le Forum des anciens étudiants des universités soviétiques et russes du Moyen-Orient et d’Afrique. L’une des premières étapes pour un changement de vision entre les Russes et les Africains.
Au cours des cinq dernières années, le nombre de citoyens de pays africains en Russie est donc resté pratiquement inchangé. Si l’on compare ce chiffre à l’estimation de 2019, qui prévoyait jusqu’à 40 000 migrants africains séjournant en Russie à cette époque, on constate qu’il est resté à peu près le même. Une telle résistance suggère que, malgré son important potentiel migratoire, « la Russie n’est pas encore connectée aux pays africains par le biais d‘un véritable réseau migratoire », observe le rapport. La migration de main-d’œuvre s’élève à plusieurs centaines de personnes, la migration pour la résidence permanente est également d’une ampleur limitée ; la migration économique est presque inexistante.
L’Égypte et le Maroc représentent plus de la moitié des étudiants africains venant en Russie. Parmi les pays d’Afrique du Nord pour la période 2018-2022, l’Égypte arrive en tête en nombre de migrants à des fins éducatives en Russie et de nombre de personnes adoptant la citoyenneté russe. La Tunisie, l’Algérie et le Maroc sont les trois premiers pays en nombre de migrants issus de l’éducation et de nombre de personnes adoptant la citoyenneté russe, ce qui est nettement inférieur aux chiffres de l’Égypte, mais supérieur aux pays d’Afrique occidentale, centrale, orientale et australe.

L’interaction de la Russie avec deux pays d’Afrique subsaharienne, le Nigeria (Afrique de l’Ouest) et le Cameroun (Afrique centrale), est plus prononcée. Pour autant, « les migrants d’Afrique qui se sont installés en Russie et ont reçu la citoyenneté russe sont à peine perceptibles et ne sont même pas représentés dans l’arène politique », observent les chercheurs.
Et pourtant, « la croissance démographique du continent se poursuit. En raison de la concurrence accrue pour les ressources et des risques croissants d’instabilité économique et politique, les flux migratoires forcés de l’Afrique vers la Russie pourraient devenir une nouvelle composante de la situation migratoire dès le moyen terme », jugent les auteurs. Qui préviennent : « Cela vaut la peine de s’y préparer à l’avance. »
Dans ce contexte, les chercheurs attirent l’attention sur plusieurs points essentiels. Premièrement, la politique d’intégration et d’adaptation des migrants en Russie doit être « modernisée ».
Vaincre la xénophobie
Les mesures peuvent inclure un financement accru, un soutien aux organisations non gouvernementales travaillant à l’intégration et à l’adaptation des immigrés dans la Fédération, la formation de journalistes à la couverture de l’Afrique et une coopération constructive avec les communautés africaines en Russie.
Deuxièmement, l’intensification du travail avec les pays africains et le développement de liens avec eux nécessitent de comprendre que cela entraînera une augmentation de l’ampleur de l’immigration économique, et plus tard de l’immigration de réfugiés des pays africains vers la Russie, et par la suite une augmentation du nombre de Russes d’origine africaine et du nombre de Russes d’origine mixte ayant des ascendances africaines.
L’Afrique est à Saint-Pétersbourg les 27 et 28 juillet
« À cet égard, la lutte contre la xénophobie et la phobie des migrants deviendra une question encore plus urgente et aiguë. » Dans ce cas, « la société russe, et pas seulement les migrants africains eux-mêmes, devra également être préparée à l’évolution de la situation migratoire », écrit le rapport. Troisièmement, dans le cadre du travail avec les migrants motivés par l’éducation, il serait utile d’effectuer un suivi annuel complet des étudiants africains qui étudient en Russie et des candidats africains qui prévoient d’étudier en Russie, sur la base de sondages réalisés en Russie et dans les pays africains.
Voilà un des éléments qui pourrait amener à la « Russafrica » que les auteurs appellent de leurs vœux, précisant bien sûr qu’à leur sens, cette relation doit s’éloigner de la vision caricaturale de la « Françafrique ».
Dès lors, « la Russie doit continuer à confirmer son engagement à poursuivre le partenariat avec l’Afrique par des actions concrètes ». Un cadre doit être formulé à tous les niveaux, y compris les niveaux politique, économique et humanitaire. « Nos pays ont le potentiel pour un grand avenir mutuellement bénéfique », jugent les auteurs en conclusion du rapport.
L’Union soviétique, en son temps, a ouvertement soutenu et aidé les pays africains à choisir la voie de l’autodétermination et de la liberté de choix. La Russie a apporté une aide considérable aux économies africaines jeunes et en pleine croissance.
« La compréhension des fondements profonds de la coopération entre la Russie et l’Afrique, la connaissance des problèmes auxquels sont confrontés les Africains et la compréhension de l’essence de leur demande de coopération peuvent constituer un sérieux avantage concurrentiel pour la Russie dans l’environnement géopolitique actuel. »
À l’avenir, il semble « très prometteur » de mieux coordonner les propositions de la Russie concernant la coopération appliquée avec l’Afrique « sur la base des mécanismes et des formats développés par les pays africains eux-mêmes », jugent les auteurs. Qui font allusion ici aux calendriers de l’Union africaine, comme l’Agenda 2063.
À voir si ce cap sera pris lors du Sommet Russie-Afrique, ou si les considérations de l’actualité l’emporteront.
Rapport complet disponible ICI.
@NA
2 Commentaires
L’ analyse des relations entre l’Afrique et l’Union Soviétique, ensuite avec la Russie est d’une grande facture. Les données telles qu’elles sont présentées, correspondent à la réalité des faits. L’ on ne saurait occulter la main tendue de l’Union Soviétique aux pays africains et aux indépendantistes qui la sollicitaient lors des période pré et post indépendance .
Des écrivains africains ont rendu hommage Moscou à ce sujet, à l’instar du Prêtre jésuite Camerounais Engelbert MVENG dans un poème intitulé » MOSCOU » , dédié » A Mme Galina TCHERNOVA »
« Je n’ai pas colonisé
Je n’ai pas occupé
Et pas annexé
Et pas envahi
Et pas opprimé
Et pas saccagé
Je n’ai pas alourdi le destin des caravanes humaines d’aucune cargaison neuve d’idéologies et d’ambitions
( ) J’ai libéré l’Afrique des servitudes
L’Afrique maternelle, je l’ai libérée de tout carcan
Je n’ai pas colonisé, ni exploité , ni opprimé ………………………………….. »
BALAFON
J’ajoute que le poème est tiré du recueil de poèmes l BALAFON , paru aux Editions CLE.
S’agissant du rejet et des violences dont sont victimes les Noirs subsahariens en Russie et dans d’autres pays de l’Est, il est devenu impératif pour les gouvernants de ces pays de faire changer la donne ; une nécessité .