La RD Congo face au fléau de la corruption

La Présidence de la RD Congo rappelle combien la lutte contre la corruption et les mauvaises pratiques de gouvernance est au cœur de la politique de Félix Tshisekedi. La probable inculpation d’un de ses conseillers, pris la main dans le pot de confiture, jette le trouble.
L’affaire embarrasse la RD Congo et fragilise l’entourage présidentiel. Tandis que Félix Tshisekedi s’exprime à la tribune des Nations unies, que le Président doit faire face aux menaces sécuritaires, l’un de ses conseillers est convoqué par le Parquet, ce 21 septembre 2022, pour s’expliquer après des accusations de corruption.
Vidiye Tshimanga (photo), c’est son nom, a démissionné de son poste de conseiller après les révélations du journal Le Temps, publiées le 15 septembre. Une enquête menée par le consortium d’investigations OCCRP décrit la manière dont ce conseiller de la Présidence proposait ses services – rémunérés – à des investisseurs (réels ou supposés) dans les intérêts miniers du pays. Plusieurs vidéos tournées en caméra cachée le montrent en train de réclamer sa commission en échange de ses « services ».
Une grande partie des revenus miniers a longtemps été siphonnée hors de la RD Congo pour se retrouver entre les mains d’affairistes peu scrupuleux. Ce fléau aurait fait perdre au pays 62 milliards de dollars depuis le début de l’année 2022.
Protestant de sa bonne foi, le conseiller a présenté sa démission par « obligation éthique », dès le lendemain. Dans une lettre, il dénonce un « montage grossier », affirmant détenir un enregistrement qui contredit le sens que les « commanditaires » de la vidéo « ont voulu donner à des propos sortis de leur contexte ».
Dans le dernier enregistrement, en effet, le conseiller refuse de s’associer à ses interlocuteurs, mais il semble clair qu’il avait alors flairé le piège qui lui était tendu. Les pseudos investisseurs multipliant les allusions directes à une rétribution illégale. Cet entretien ne remet pas en cause le bien-fondé des précédentes vidéos publiées par la presse. Notamment celles, insiste Le Temps, « sur ses montages offshore, un supposé accord avec la compagnie minière canadienne Ivanhoe ou le fait qu’il agirait au nom du président congolais ».
Pour la population de RD Congo, le fait même qu’un conseiller du président accepte ce genre d’entretien confidentiel dans un riche hôtel de Londres – et accepte de copieux repas gastronomiques –, constitue une faute en soi. Cette affaire, qui intervient quelques semaines après une polémique sur le salaire jugé exorbitant des députés, discrédite un peu plus le pouvoir, dans un pays souvent montré du doigt pour sa mauvaise gouvernance.
Réaction de la Présidence
D’autres faits ont entraîné la colère d’une partie des Congolais, ces derniers mois, comme la révélation des montants dépensés pour la rénovation de la résidence présidentielle du mont Ngaliema, ou les sommes engagés par l’État lors de la visite du roi des Belges, en juin 2022. Sans oublier l’histoire de ce directeur de cabinet de la Présidence – déjà –, condamné pour corruption et finalement acquitté « faute de preuves » et qui reprend ses activités politiques à l’est du pays.
Pourtant, « la lutte contre la corruption est l’un des piliers de l’action du président de la République », a tenu à faire savoir la Présidence, sitôt connue l’affaire Tshimanga. « Toute personne, y compris au sein du cabinet du président de la République, dont le comportement avéré aura enfreint la loi, la déontologie de sa fonction, ou le règlement d’ordre intérieur du Cabinet présidentiel, subira la rigueur de leurs effets. »
Et la Présidence de rappeler la création de l’Agence nationale de prévention et de lutte contre la corruption, la réhabilitation de l’Inspection générale des finances, la redynamisation de la Cour des comptes, ainsi que le processus de digitalisation de l’administration publique, comme « preuves » de la volonté de l’État de combattre le fléau.
Certains avancent déjà l’hypothèse que le conseiller Vidiye Tshimanga aurait été victime de tensions internes au cabinet présidentiel, certains membres auraient voulu piéger un conseiller jugé trop influent afin de l’écarter.
Victime de la « malédiction des ressources », une grande partie des revenus miniers a longtemps été siphonnée hors de la RD Congo pour se retrouver entre les mains d’affairistes peu scrupuleux. En mai 2022, le géant suisse Glencore a accepté de verser 1,15 milliard de dollars aux autorités américaines pour régler les accusations de corruption liées à ses investissements, au Congo et ailleurs.
Selon le Réseau des parlementaires africains contre la corruption en RD Congo, ce fléau a fait perdre au pays 62 milliards de dollars depuis le début de l’année 2022.
@NA