La paix, un objectif d’investissement

La sécurité et la paix en Afrique doivent constituer un objectif des décisions d’investissement, juge la Banque africaine de développement. La BAD fait la promotion de produits innovants comme des obligations indexées sur la paix et noue un accord de partenariat avec Interpeace.
Le Forum sur la résilience en Afrique s’est tenu à Abidjan, du 3 au 5 octobre, sous le thème « Financer la paix, la sécurité et le développement pour une Afrique résiliente ».
Alors que l’Afrique fait partie des zones les plus instables du monde, « nous devons inverser les tendances actuelles et construire une alliance de partenaires pour une nouvelle approche de l’investissement en faveur de la paix. Cela changera le paradigme développement-paix-sécurité sur notre continent », y a déclaré, entre autres intervenants, le président de la BAD (Banque africaine de développement), Akinwumi Adesina.
En écho, Marie-Laure Akin-Olugbade , vice-présidente de la BAD, a souligné qu’en « adoptant des actions basées sur la paix, nous pouvons éliminer la violence ». Et qu’en tant qu’acteurs du développement, « nous devons placer les communautés que nous servons au cœur de nos actions ». Il s’agit, dans une stratégie panafricaine de développement, de mettre fin notamment au « triangle du désastre » : pauvreté rurale, chômage des jeunes et dégradation de l’environnement.
« Le Forum sur la résilience en Afrique est un appel à l’action pour travailler ensemble et passer du dialogue politique à l’investissement, et de l’investissement à l’impact », avait prévenu Akinwumi Adesina.
Nous voyons en Afrique le besoin urgent d’approches novatrices pour financer la paix, la sécurité et le développement dans les pays africains en situation de fragilité ou en conflit. Cela ne peut se faire qu’à travers une collaboration étroite entre gouvernements, secteur privé, société civile et partenaires du développement.
Dans le cadre de cet engagement, la BAD collabore avec l’Union africaine et les Communautés économiques régionales pour développer l’initiative innovante des « Obligations d’investissement indexées sur la sécurité » (SIIB), nécessitant un minimum de cinq milliards de dollars d’ici à 2030. Les SIIB offrent une stratégie d’investissement holistique combinant la consolidation de la paix et l’expertise en matière de développement pour compenser les implications fiscales des dépenses élevées dans le secteur de la sécurité.
Il existe des arguments en faveur d’approches positives pour la paix qui relient les besoins humanitaires, de développement, de paix et de sécurité, a expliqué, lors d’un panel, Noura Hamladji, directrice Afrique et administratrice adjointe du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement).
Les vieilles recettes ne marchent plus
Qui estime que la chronologie aide humanitaire-aide à la reconstruction post-conflit n’est plus valable.
« L’aide au développement, l’aide à des activités génératrices de revenus pour les populations touchées par les conflits, la mise en place d’infrastructures sociales de base (écoles, centres de santé, eau, assainissement) sont aussi valables que l’action humanitaire », a souligné Noura Hamladji.
« Nous avons besoin d’investissements massifs dans les pays en conflit », a-t-elle insisté, déplorant le gel de l’aide publique au développement dans certains cas alors que les communautés ont besoin de soutien.
De son côté, le vice-président du CICR (Comité international de la Croix-rouge), Gilles Carbonnier, a salué les partenariats naissants entre institutions financières de développement et acteurs humanitaires. Il a cité l’accord entre le CICR et la BAD destiné à renforcer la résilience des populations du Sahel, notamment au Niger, au Tchad et au Mali.
« L’espoir a créé un environnement favorable à la paix. Nous devons, dans les conflits, protéger les civils, mais aussi les infrastructures (écoles, centres de santé, etc) qui sont des biens publics », a-t-il plaidé. Gilles Carbonnier a souligné que l’accord avec la Banque avait permis au CICR d’aider un millier de personnes à développer des activités génératrices de revenus.

« Il y a des enfants qui naissent et grandissent dans des camps de réfugiés, et d’où ils deviennent des adultes… Tout ce que ces personnes nous demandent, c’est de mener une vie normale », a soutenu El Hadj As Sy, membre du Conseil d’administration d’Interpeace. Interpeace est une organisation internationale de consolidation de la paix. Avec qui la BAD a conclu un Mécanisme de financement de la paix, à l’occasion du Forum.
Première étape au Mozambique
« Cette étroite collaboration entre la BAD et notre organisation affirme notre engagement commun à catalyser les capitaux privés et publics pour œuvrer en faveur d’un monde plus inclusif, plus équitable et plus pacifique. Ce partenariat démontrera à l’ensemble du système multilatéral et international de financement du développement la nécessité, les avantages, le potentiel et le caractère pratique des approches de financement de la paix sur le continent et au-delà. Il fera croître le financement de la paix comme approche d’investissement thématique en développant rapidement et avec succès des filières de financement de la paix, et en promouvant les réseaux et les capacités de financement de la paix sur le terrain en Afrique », s’est félicité Elhadj As Sy.
Différents domaines de collaboration sont décrits dans le protocole d’accord. Comme le renforcement technique et le renforcement des capacités pour intégrer des approches de financement de la paix qui produisent un impact en matière de paix et dans le dialogue politique. Ainsi que le soutien consultatif et la collaboration pour développer une réserve de structures de financement de la paix qui produisent des impacts sur la paix. Il est prévu un engagement multipartite et la création d’un terrain propice à un soutien politique plus large et à un soutien des investisseurs au financement de la paix.
Dans le cadre de ce partenariat, les partenaires ont déjà lancé un projet de recherche commun sur les opportunités d’investissement favorables à la paix au Mozambique.

@NA