La Libye a besoin d’institutions fortes

Un volumineux ouvrage consacré à la Libye envisage les voies politiques permettant au pays de retrouver la stabilité et la croissance économique inclusive. Seule une vision à long terme permettra d’éviter de reproduire les errements de ces dix dernières années.
Le conflit en Libye n’a pas seulement entraîné une perte significative des gains de développement pour ses citoyens, il a aussi directement affecté le bien-être des pays voisins, de la région du Sahel et de l’Europe. Tel est le constat d’un imposant ouvrage édité par la Banque mondiale, Le long chemin vers des institutions inclusives en Libye, un recueil de défis et de besoins.
Après une phase de transition peu concluante, la Libye reste bloquée dans une impasse politique. L’héritage institutionnel de l’histoire complexe du pays, combiné à une décennie d’instabilité, a conduit à des indicateurs de développement et à une capacité institutionnelle qui ne correspondent pas à son statut de pays à revenu intermédiaire.
« Il est impératif que les compétences techniques fondamentales soient introduites et normalisées afin de garantir que les institutions clés puissent fonctionner efficacement. »
Sans nul doute, explique l’ouvrage, « la réconciliation et la stabilité politique sont essentielles pour assurer un avenir socio-économique durable à la Libye ». Les discussions économiques peuvent constituer un complément précieux au processus politique, en aidant la Libye à progresser vers la paix et un règlement politique au fil du temps. Aider la Libye sur la voie de la paix, du développement et de la reconstruction a des retombées positives et peut créer des opportunités économiques significatives dans le cadre de la coopération régionale.
Cet ouvrage se veut un « manuel » de référence, visant à fournir des informations et des points de vue pour des discussions plus larges sur la Libye, à l’intention des gouvernements, de la société civile et du monde universitaire.
Ses auteurs considèrent que les connaissances de divers acteurs et institutions peuvent contribuer à une perspective à moyen et long terme pour soutenir la transition. Co-dirigés par Hend Irhiam, Michael Schaeffer et Kanae Watanabe, les 21 chapitres de l’ouvrage s’appuient sur des expériences nationales et internationales pour décrire les défis socio-économiques à moyen et long terme de la Libye dans tous les secteurs et toutes les questions, en s’appuyant sur des données et des analyses disponibles mais limitées, collectées ces dernières années.
Ne pas céder au pessimisme
« Des institutions fortes au service de la population sont un aspect essentiel pour aider la Libye à construire une économie plus robuste et plus résistante », résume Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Le développement d’une vision commune à moyen et long terme pour une nation politiquement, économiquement et socialement inclusive est vital pour l’avenir durable de la Libye. »
Évoquant « les défis » auxquels est confronté le gouvernement d’unité nationale de la Libye, ses progrès « limités » et « la vulnérabilité » de l’accord de partage du pouvoir, il est facile d’adopter « une vision sombre des perspectives » du pouvoir actuel en ce qui concerne sa capacité à maintenir la paix et à entamer la reconstruction du pays, jugent les auteurs. Pour autant, « considéré comme une passerelle à court terme vers une stabilité à long terme, l’accord de partage du pouvoir peut toutefois offrir une occasion unique de mettre fin au conflit, de construire une vision commune du développement et de jeter les bases d’un nouveau contrat social ».

Pour assurer cette transition, les Libyens et leurs soutiens internationaux doivent éviter de réduire le problème à la tenue d’élections nationales à une date précise. « Même lorsque les élections auront lieu, la Libye continuera à se débattre avec des questions qui n’ont pas été abordées lors de la formation du gouvernement d’union nationale et par celui-ci », font observer les auteurs. De plus, des élections dans le contexte d’un système politique corrompu dominé par des politiques identitaires reproduiront probablement la structure gouvernementale existante plutôt que de rassembler une coalition efficace d’acteurs politiques et de technocrates alignés.
L’expérience internationale en matière de résolution des conflits suggère que les acteurs nationaux et les parties extérieures, tout en continuant à soutenir le gouvernement d’unité national et l’accord de partage du pouvoir, peuvent permettre une transition vers une résolution politique durable. « Cela peut se faire en renforçant les structures institutionnelles contraignantes, en développant les capacités du gouvernement dans son ensemble, en promouvant la bonne gouvernance et en travaillant avec les communautés libyennes pour faire avancer une vision nationale commune. »
Il faut une vision nationale
Même si ces efforts prennent du temps et ne constituent pas une panacée pour la myriade de défis auxquels la Libye est confrontée, « ils jettent les bases de l’institutionnalisation, de l’engagement civique et du rétablissement de la confiance du public, qui garantiront un plus grand engagement des citoyens et une gouvernance durable à l’avenir ».
L’accord de paix actuel offre un moment opportun pour s’engager dans le développement d’une vision à court et moyen terme pour une Libye politique, économique et socialement inclusive, avec une ouverture à l’évaluation des risques au fur et à mesure de l’évolution de la situation, poursuit l’ouvrage, dans un chapitre plus économique.
En effet, l’« absence de vision unifiée peut faire dérailler très rapidement tout processus de transition politique et engendrer de nouvelles violences ». Or, la Libye souffre d’un manque fondamental d’accord sur une vision nationale partagée pour guider la transformation institutionnelle, économique et territoriale. Des efforts actifs ont été déployés pour favoriser cet accord, mais le chemin a été difficile.
Le défi consiste à construire un État légitime dans un contexte où l’administration et les institutions publiques sont faibles. « Il est impératif que les compétences techniques fondamentales, telles que l’administration de base, l’élaboration et la mise en œuvre de politiques fondées sur des données probantes, soient introduites et normalisées afin de garantir que les institutions clés puissent fonctionner efficacement. »
En fait, les faiblesses structurelles de l’économie libyenne exigent une planification et une mise en œuvre à long terme, ce qui n’a pas été possible jusqu’à présent. Pourtant, l’« amélioration de la viabilité budgétaire est un ingrédient clé de la stabilité et d’une paix durable ».
@NA