La force des Nations unies quitte le Mali

L’ONU a souscrit à la demande du Mali, en acceptant que la Minusma mette fin à sa mission. Un échec de la mission internationale qui fait craindre un aggravement des menaces sécuritaire dans la région du Sahel.
Cette fois, c’est acté. Le Conseil de sécurité des Nations unies, ce 30 juin 2023, n’a pu qu’acter la demande du Mali de mettre fin à la mission de la Minusma. Dès à présent, les Casques bleus sur place n’ont plus de mission spécifique. Ils cessent leurs activités et se préparent à partir, ce qui devrait être fait « d’ici le 31 décembre ».
Si les États-Unis ont fait part de leurs regrets devant ce choix, auquel ils ont participé « à contrecœur », la diplomatie française n’a pas commenté cette décision. En revanche, l’ambassadeur du Ghana a reconnu le rôle crucial de la Minusma pour sécuriser le pays et a appelé à la junte malienne à prendre ses responsabilités vis-à-vis de ses voisins.
La Minusma comptabilise 174 personnels morts dans des attaques depuis dix ans, un triste record pour une mission de l’ONU. Cette mission était aussi la plus coûteuse, environ 1,2 milliard de dollars par an.
Les représentants des États-Unis, après le vote, ont appelé les autorités de la transition à ne pas rompre le processus électoral, et à coopérer pleinement au départ : toute entrave, tout chaos, pourrait profiter aux terroristes.
La Mission des Nations unies au Mali était présente dans le pays depuis 2013 – pour prendre le relais de l’intervention française –, afin de sécuriser les populations et soutenir le processus démocratique. Elle doit aussi vérifier que des groupes armés ne se déploient pas dans le pays.
Selon les autorités maliennes, cette mission s’est soldée par « un échec », d’où sa demande de départ « sans délai », quinze jours avant le renouvellement de la mission. Sans délai, voilà qui ne semblait pas raisonnable aux yeux des Casques bleus, d’où d’intenses négociations, ces derniers jours, pour un calendrier plus souple.
Ce 30 juin, le représentant malien aux Nations unies a insisté sur l’échec militaire de la Minusma. Toutefois, il a reconnu son utilité en matière d’assistance humanitaire. Il a regretté que le Conseil continue de voir la situation au Mali comme menaçante en dépit des résultats enregistrés.
De son côté, Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a « renouvelé le soutien indéfectible de son pays en faveur du Mali tant dans le domaine militaro-technique qu’en matière d’assistance humanitaire et économique », selon un communiqué publié dans la soirée.
Une suite de différends
Après d’intenses négociations, les deux parties se sont donc finalement accordées sur un départ accéléré sous six mois, une rupture qui intervient dans un contexte de tensions entre les militaires au pouvoir et l’organisation onusienne et alors que le pays est toujours confronté à une grave crise sécuritaire.
La Minusma serait composée de 11 700 militaires et 1 600 policiers, issus d’une cinquantaine de pays. Sa mission a été sans cesse entravée, ces dernières années, par le contexte sécuritaire du pays, et celui du Sahel en général. Un temps circonscrite au nord de la région, la menace terroriste gagne du terrain dans le centre, dans la zone dite des « trois frontières » (Burkina Faso, Mali, Niger). Les groupes islamistes armés liés à la nébuleuse État islamique y multiplient les attaques contre les populations civiles et les Casques bleus censés les protéger.
Au 30 juin 2023, la Force comptabilise 174 personnels morts dans des attaques depuis dix ans, un triste record pour une mission de l’ONU. Cette mission était aussi la plus coûteuse, environ 1,2 milliard de dollars par an.
Sans cacher certaines critiques, le président Ibrahim Boubacar Keïta avait accepté que la Minusma, qui n’avait pas vocation à combattre le terrorisme, renforce ses équipes. Mais l’arrivée de militaires maliens au pouvoir, bien déterminés à restaurer le pouvoir de l’armée malienne, a modifié la donne. D’autant que la Minusma peine à persuader les groupes armés du nord du pays, portant signataire d’un accord de paix en 2015, de reconnaître pleinement l’autorité de Bamako. Cet accord signé à Alger « est aujourd’hui au point mort. On a vu une dégradation de la relation entre le gouvernement et les groupes armés signataires, qui ne siègent plus, depuis un certain nombre de mois, au sein du comité de suivi de l’accord », reconnaît Niagalé Bagayoko, de l’African Security Sector Network, interrogée par France 24. Cet accord semble d’ailleurs caduc, dans la mesure où les groupes du Nord, eux, ne s’opposaient pas à l’action de la Minusma.
Enfin, dernier contentieux, les dénonciations par la Minusma des atteintes aux droits de l’homme au Mali. Le mois dernier, les Nations unies ont publié un rapport accusant l’armée malienne, aidés d’« éléments extérieurs » – comprendre : des mercenaires de Wagner –, d’exactions à Moura, entrainant la mort de quelque 500 personnes. Cela en était trop pour Bamako.
@NA