La Cedeao affirme son autorité

Levée des sanctions contre le Mali, satisfecit devant les progrès enregistrés au Burkina Faso, intransigeance face au pouvoir en Guinée, la CEDEAO tente d’accélérer le retour démocratique en Afrique de l’Ouest.
Par Laurent Allais
Les Maliens accueillent la nouvelle avec soulagement. La CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), a décidé, le 3 juillet 2022, de lever les sanctions économiques et financières prises à l’égard du Mali.
Certes, la crise financière et sécuritaire que connaît le pays n’est pas levée d’un coup de baguette magique, mais cette décision communautaire permet aux Maliens de commercer davantage et de recevoir des fonds internationaux.
La CEDEAO a choisi Umaro Sissoco Embalo, chef d’État de la Guinée-Bissau, comme nouveau président. Charge à celui qui a été lui-même victime d’une tentative de coup d’État, en février 2022, de mener à bien le processus démocratique en Afrique de l’Ouest.
Si « le Sommet a décidé de lever toutes les sanctions économiques et financières à partir de ce jour», pour reprendre les termes du président de la Commission Jean-Claude Kassi Brou, la CEDEAO maintient les sanctions individuelles et la suspension du Mali de ses instances, jusqu’au retour de l’ordre constitutionnel.
Le calendrier de retour au pouvoir élu reste l’objet de tensions, de même que le sort politique que voudront s’attribuer les militaires au pouvoir aujourd’hui. Les chefs d’État auraient fait savoir à ces derniers que, conformément à la charte, les militaires de la junte ne peuvent pas être candidats à l’élection présidentielle.
Toutefois, le blocage institutionnel de ces derniers mois semble enfin brisé. Le Mali a accepté diverses conditions à la levée des sanctions économiques. Les autorités ont dévoilé, fin juin, un calendrier électoral fixant la présidentielle à février 2024, le référendum constitutionnel à mars 2023, et les législatives entre octobre et novembre 2023. Calendrier qui complète l’adoption, le 17 juin, d’une nouvelle loi électorale et l’installation d’une commission chargée de rédiger une nouvelle Constitution.
« Les partenaires maliens ont vraiment fait ce travail, cela a été fait, cela a été discuté et revu. Nous avons donc pris connaissance de ce chronogramme. C’est évidemment cela que nous allons suivre ensemble : la CEDEAO, la partie malienne et d’autres partenaires également. Et le sommet a souhaité également que tout le processus soit fait de manière inclusive avec toutes les parties prenantes au Mali, la classe politique, la société civile », explique Jean-Claude Brou à RFI, ce 4 juillet.
D’autre part, la CEDEAO a trouvé un accord avec le Burkina Faso sur un calendrier de 24 mois avant le retour des civils au pouvoir. Cette échéance a débuté le 1er juillet 2022.
« Sur le Burkina Faso, nous avons demandé à la junte de revoir sa copie. Elle demandait 36 mois. Aujourd’hui tout le monde est d’accord que c’est 24 mois de transition », explique à l’AFP un participant au sommet. Cette reculade de la junte au pouvoir fait suite à la visite de Mahamadou Issoufou, à Ouagadougou. L’ancien président du Niger a salué l’« ouverture au dialogue » des militaires qui ont accepté d’échanger sur « le chronogramme de la transition ». Celui-ci sera présenté tout prochainement aux Burkinabè.
Boni Yayi, médiateur en Guinée
Les autorités burkinabè prévoyaient jusqu’ici les dates du 24 décembre 2024 pour un référendum constitutionnel et du 25 février 2025 pour la tenue d’élections législatives et présidentielles.
Autre signe de détente : l’ancien président déchu Roch Marc Christian Kaboré est « totalement libre », ont assuré les dirigeants burkinabè. Déclaration confirmée par ses partisans, mais il semble que l’ancien président devra suivre de mystérieuses « réunions de travail » avec les autorités avant que d’être pleinement libre de ses mouvements.
Concernant la Guinée, en revanche, la CEDEAO continue de refuser le calendrier de 36 mois de transition toujours proposé par le pouvoir militaire ; pour autant, l’instance régionale n’impose pas de nouvelles sanctions. Face au refus du pouvoir de rencontrer Mohamed Ibn Chambas, elle a confié la tâche de médiateur à Thomas Boni Yayi. Une personnalité acceptée, cette fois par le pouvoir en place, qui veut montrer sa volonté de dialogue.
L’ancien président du Bénin doit rencontrer au plus vite les responsables politiques de la Guinée, au pouvoir ou dans l’opposition. « Nous pensons qu’avec la présence du médiateur, les choses vont évoluer plus favorablement, plus positivement, et qu’on va pouvoir faire des avancées », commente Jean-Claude Brou. Lequel est à compter de ce jour le nouveau gouverneur de la BCEAO (Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest).
@NA