G5 Sahel : La force conjointe est à parfaire
Officiellement créée depuis bientôt un an et composée théoriquement de 5 000 hommes, la Force conjointe n’est pas encore pleinement opérationnelle. Faute de moyens et d’équipements.
Bamako, Bruno Fanucchi
Les terroristes se jouant des frontières, qui ne peuvent être hermétiques et contrôlées dans l’immensité de la zone subsaharienne, les pays du G5 Sahel ont eu l’idée de créer une Force conjointe à laquelle participeraient des bataillons dédiés de chacun des pays membres. Si l’idée est excellente, sa réalisation concrète semble cependant plus compliquée en raison de deux facteurs principaux : les moyens financiers importants que nécessitent une telle force et la formation des unités qui sera de longue haleine pour que celles-ci soient pleinement opérationnelles.
Une question essentielle se pose à présent : la Force conjointe du G5 Sahel a-t-elle vocation à remplacer un jour l’opération Barkhane et ses 4 000 soldats français ? « Ce n’est ni dans l’esprit du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, ni dans l’esprit du président français », assure le nouveau ministre malien de la Défense, Tièna Coulibaly.
Au lendemain de la Conférence internationale de haut niveau consacrée au G5 Sahel et réunissant les pays donateurs, qui s’est déroulée à Bruxelles le 23 février 2018 et a officiellement débloqué – sur le papier du moins – quelque 414 millions d’euros, les choses avancent en fonction de l’engagement plus ou moins déterminé des pays du G5 : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad.
Officiellement créée en juin 2017 et placée sous l’autorité du général Didier Dacko, ancien chef d’état-major général des Forces armées maliennes, la Force conjointe du G5 Sahel dispose à ce jour de sept bataillons, soit au total environ 5 000 hommes. En théorie, un bataillon de 700 hommes pour chacun des cinq pays engagés, mais en réalité deux bataillons pour le Mali et le Niger qui, bordés à l’Ouest comme à l’Est par un autre pays du G5, doivent sécuriser toutes leurs frontières. À terme, la Force devrait compter jusqu’à 10 000 hommes, mais il faudra encore les former et les équiper.
Après le Mali, c’est désormais le Niger du président Mahamadou Issoufou qui préside depuis le mois de février 2018 les destinées du G5 Sahel, et un PC tactique a été inauguré à Niamey, la capitale nigérienne, alors que le QG opérationnel de la Force conjointe est basé à Sévaré, au coeur du Mali.
Dans un premier temps, la Force conjointe a décidé de concentrer ses efforts dans le centre du Mali, où la menace djihadiste semble quasi permanente, comme en témoigne la mort le 21 février dernier de deux soldats français du 1er Régiment de Spahis de Valence, tués dans la région de Ménaka par un engin explosif improvisé qui a sauté au passage de leur véhicule blindé.
C’est le chef de corps du 1er Spahis qui était délibérément visé : l’assassinat d’un colonel français en opération aurait eu pour effet de galvaniser tous les « apprentis djihadistes » et les « cellules dormantes » qui rêvent de passer à l’action dans toute l’Afrique subsaharienne. Et au Mali en particulier, où les attaques contre les forces internationales sont presque quotidiennes comme en témoigne encore l’attaque d’un camp de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali) à Aguelhok le 5 avril, où deux soldats tchadiens ont trouvé la mort et dix autres ont été blessés.
« Cette force n’a pas pour objectif de remplacer Barkhane »
Une question essentielle se pose à présent : la Force conjointe du G5 Sahel a-t-elle vocation à remplacer un jour l’opération Barkhane et ses 4 000 soldats français ? « Ce n’est ni dans l’esprit du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, ni dans l’esprit du président français », assure le nouveau ministre malien de la Défense, Tièna Coulibaly.
« À Gao comme à Bamako, le président Macron a répété que Barkhane resterait au Mali tant que cela sera nécessaire à la lutte contre le terrorisme et que le combat qu’il mène pour le G5 Sahel n’a pas pour objectif de remplacer Barkhane », ajoute-t-il, expliquant que « les zones d’intervention de Barkhane et de la Force conjointe sont d’ailleurs différentes, à l’exception près d’une petite intersection dans la zone dite des “ trois frontières” entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso ».