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Politique

Fragile retour au calme au Sénégal

Fragile retour au calme au Sénégal
  • Publiéjuin 7, 2023

Les forces politiques sénégalaises appellent au calme, après les émeutes des trois premiers jours de juin. Les Sénégalais attendent la prise de position de Macky Sall, tandis que l’opposant Ousmane Sonko est écarté de la course à la présidentielle de 2024.

 

Le Sénégal revient progressivement au calme, en ce début de semaine. Le pays panse ses plaies et attend la réaction du président Macky Sall. Jusqu’à présent, le Président n’a pas directement réagi aux violentes manifestations qui ont suivi la condamnation, le 1er juin 2023 de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison, pour « corruption de la jeunesse ». Sauf coup de théâtre, cette condamnation le prive d’une course à la présidentielle de 2024.

Et l’ancien maire de Dakar, candidat déclaré aux prochaines présidentielles d’ajouter : « La bonne ordonnance consiste à organiser des élections libres, transparentes et inclusives, où seul le peuple aura le dernier mot. »

En Conseil des ministres, le 7 mai, le chef de l’État a toutefois fait part de sa colère après ce qu’il qualifie d’« agressions extrêmement graves contre l’État, la République et les institutions ». Il aurait l’intention de s’exprimer publiquement après les conclusions du « Dialogue national », entamé le 31 mai. Entamé dans d’étranges conditions. Les heurts entre les manifestants, souvent jeunes, et la police, ont fait seize victimes, selon un décompte officiel. Qui fait également état de 500 arrestations.

Dernière décision gouvernementale en date, la décision de fermer les consulats généraux à l’étranger, à la suite d’attaques contre certains d’entre eux. « Cette mesure conservatoire fait suite à la série d’agressions récemment perpétrées contre les missions diplomatiques et consulaires du Sénégal, notamment à Paris, Bordeaux, Milan et New York », a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux.

En France, le consulat de Bordeaux a été envahi, dès le 1er juin, par une dizaine d’opposants au pouvoir. À Milan, en Italie, le consulat a été vandalisé par un groupe de manifestants, tous Sénégalais. Un homme a été molesté, mais il ne s’agirait pas du consul, contrairement aux premières informations qui ont circulé sur la toile, après la diffusion d’une vidéo. En revanche, du matériel informatique et des documents d’identité auraient été détruits, selon le ministère des Affaires étrangères.

De son côté, le gouvernement, en dépit du lourd bilan, se défend de faire un usage disproportionné de la force. Plusieurs ministres sont montés au créneau pour imputer les troubles à de mystérieuses « forces occultes » et à une tout aussi mystérieuse « présence étrangère ».

 

Des violences inexpliquées

Le 4 juin, la police sénégalaise a présenté des extraits de documents vidéos montrant l’activité d’individus armés, aux côtés des manifestants. Sauf que les documents complets, diffusés sur les réseaux sociaux, montrent ces mêmes individus aux côtés d’hommes en uniformes. Par exemple, sur l’une d’elles, on voit un homme juché sur un pick-up tirer en direction de la foule, sans que les policiers présents dans le véhicule ne réagissent.

Ce type de controverse ne fait qu’alimenter les rumeurs, même si la Police maintient sa version. Le gouvernement a annoncé, le 7 juin au soir, avoir déclenché « des enquêtes judiciaires immédiates » afin de « faire la lumière sur les responsabilités liés aux événements » des premiers jours du mois de juin.

Les coupures d’Internet au Sénégal menacent les entreprises

Macky Sall laisse donc ses partisans expliquer qu’il n’est pour rien dans la situation et que le Président a toujours le soutien des Sénégalais. Il est vrai que la parole présidentielle est rare, en cas de tensions politiques. En mars 2021, alors que la rue s’enflammait – déjà – après l’arrestation d’Ousmane Sonko, « il avait fallu l’insistance des médiateurs religieux pour qu’enfin il prenne la parole », rappelle Gilles Yabi, du Think Tank Wathi, cité par Le Monde. En revanche, Macky Sall a renoncé à se rendre au CEO Forum d’Abidjan.

Bien sûr, le Président n’a toujours pas déclaré ses intentions concernant son éventuelle candidature à un troisième mandat. Ou plus exactement, à un deuxième mandat si une réforme de la Constitution lui permet de ne pas tenir compte du premier…

Pendant ce suspens, le « Dialogue national » entamé le 31 mai se poursuit, sans une participation enthousiaste de l’opposition. Dans l’ensemble, celle-ci appelle au calme, mais demande au Président Macky Sall de prendre ses responsabilités. Pour Khalifa Sall, le chef de l’État doit « prendre de la hauteur ». Et l’ancien maire de Dakar, candidat déclaré aux prochaines présidentielles d’ajouter : « La bonne ordonnance consiste à organiser des élections libres, transparentes et inclusives, où seul le peuple aura le dernier mot. »

Cette situation de tensions, aggravée par les coupures d’Internet, risque de peser sur l’image du pays, réputé pour sa stabilité, et donc sur son économie. « Si la crise politique s’installe et perdure jusqu’à la présidentielle, la saison touristique 2024 pourrait être compromise », redoute Issa Barro, également président de la Fédération des offices du tourisme et des syndicats d’initiative du Sénégal.

@NA

Écrit par
Laurent Allais

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