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Politique

Congo : Tournant dans le conflit du Pool  

  • Publiénovembre 23, 2017

La répression n’est plus la seule voie empruntée par le pouvoir dans le Pool, au sud du Congo, face aux milices Ninja Nsiloulou de Frédéric Bintsamou, dit « Pasteur Ntumi ». L’État peut-il négocier avec ce dernier ? Plusieurs questions restent en suspens.

Brazzaville, J.J Arthur Malu-Malu

Denis Sassou N’Guesso a tendu la main aux miliciens à l’issue d’une rencontre avec une délé­gation de notables et de sages du Pool sur la situation dans ce département. « Nous allons tous nous mettre à l’oeuvre pour créer des couloirs humanitaires sécuri­sés », a déclaré le président du Congo qui a encouragé les combattants à « sortir des forêts ». « Personne ne sera tué, c’est la parole du Chef de la nation », a-t-il précisé, sans pour autant se prononcer sur l’amorce d’un dialogue avec le chef rebelle.

L’appel du chef de l’État sera-t-il entendu ? Rien n’est moins sûr. Denis Sassou N’Guesso semble néanmoins avoir tranché un débat qui divisait son camp entre les partisans d’une ligne modérée et les apôtres de la manière forte. Il semble avoir infléchi sa position, 18 mois après le lancement des opéra­tions de l’armée. Ces opérations menées quasiment à huis clos, loin des caméras de télévision, ont fait plusieurs mil­liers de déplacés et d’importants dégâts matériels, suscitant l’indignation des défenseurs des droits de l’homme qui déplorent la crise humanitaire en cours.

Une crise humanitaire, d’abord

Des agences onusiennes ont poussé un cri d’alarme face à la détérioration de la situation dans cette région consi­dérée comme un bastion de la contes­tation. D’après une enquête qu’elles y ont menée, une personne sur trois avait été déplacée et plus de la moitié des familles étaient dans une situation d’insécurité alimentaire, faisant face à de « grandes difficultés d’accès à la nourriture et aux besoins de base ». Elles ont évalué à 24 millions de dollars le coût d’une réponse humanitaire urgente pour venir en aide à environ 138 000 personnes.

L’armée n’a pas lésiné sur les moyens pour venir à bout des Ninja Nsiloulou, sans grand résultat. Malgré le recours à une artillerie lourde et à des hélicoptères de combat, les forces gouvernemen­tales ont jusqu’ici échoué à anéantir ce mouvement qui utilise des méthodes de guérilla. Plusieurs militaires ont perdu la vie dans des embuscades tendues par des miliciens déterminés à en découdre. Ces combattants se croient invulnérables et vouent un véritable culte de la personna­lité à leur chef qui fait figure d’insoumis face au pouvoir.

Entre négociations et répression

« Il est extrêmement difficile de faire le bilan de ces affrontements, pour la bonne et simple raison que l’accès au Pool n’est pas possible », regrette le directeur exécutif de l’Observatoire congolais des droits de l’homme, Trésor Nzila Kendet. La bru­talité excessive attribuée à l’armée suscite des rumeurs cycliques, au point qu’il y a quelques semaines, certains à Brazzaville évoquaient la volonté des forces gouver­nementales de raser les villages du Pool, coûte que coûte.

Quelques-uns des déplacés qui ont péniblement gagné le département de la Bouenza, à l’ouest du pays, au bout d’une longue marche, racontent, par le menu, l’horreur qu’ils ont vécue. Certains récits font froid dans le dos. « Les violations des droits humains se poursuivent allègrement dans le Pool. Exécutions sommaires et viols ont lieu dans cet environnement », déplore Trésor Nzila Kendet.

Vers une sortie de crise ?

L’appel au dialogue lancé par Pasteur Ntumi peu après les premières salves de l’armée n’avait pas reçu le moindre écho dans le camp adverse qui tablait sur une opération-éclair. Les stratèges militaires ont toutefois été déroutés par la tournure des événements qui n’est pas à leur gloire.

Le mystérieux et secret rebelle à la tignasse, qui avait soutenu le candidat malheureux Guy Brice Parfait Kolelas lors de la dernière présidentielle, s’est replié sur le Pool après des incidents meurtriers, à Brazzaville, entre les forces de l’ordre et ses fidèles présumés. Il sem­blait avoir perçu, avant tout le monde, qu’aucune des deux parties engagées dans ce conflit asymétrique ne serait en mesure de prendre le dessus sur l’autre. Les miliciens sont des cibles mouvantes,en perpétuel déplacement dans des venelles et des chemins vicinaux du Pool qu’ils connaissent par coeur, rendant plus compliquée la planification des attaques par le commandement militaire.

Aussi, le geste d’apaisement de Denis Sassou N’Guesso pourrait être perçu comme un pas vers une sortie de crise par la négociation. Pour autant, quels points seraient inscrits à l’ordre du jour d’un éventuel dialogue ? Pasteur Ntumi, d’ordinaire méfiant, accepterait-il de dis­cuter avec ses adversaires sans exiger la moindre contrepartie ? Quelles conces­sions les parties prenantes seraient-elles disposées à faire ?

Pasteur Ntumi a les cartes en main

Le conflit, qui s’est enlisé, a un coût élevé pour l’État, dans un contexte de crise économique induite par la chute des cours du pétrole sur les marchés interna­tionaux depuis juin 2014. Est-il néces­saire de consacrer des fonds à l’effort de guerre, alors que la victoire est incertaine ? Comment prendre langue avec le fan­tasque Ntumi sans perdre la face, après avoir privilégié un discours martial, face à ce chef rebelle inculpé pour terrorisme ?

« Une telle opération a un coût parfai­tement maîtrisé, qui concerne la prise en charge des personnes déplacées et l’entre­tien des forces de sécurité », a tempéré le Premier ministre Clément Moamba.

Les hommes du chef rebelle avaient déjà affronté les troupes régulières dans le Pool entre 1998 et 2003. Il avait alors accepté de déposer les armes en échange d’une nomination au poste (créé ex nihilo) de Haut-commissaire chargé de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre. Pasteur Ntumi, qui a été relevé de ses fonctions en avril 2016, serait-il à nou­veau tenté par un poste similaire ?

Le conflit du Pool s’inscrit dans le prolongement de la persistante crise poli­tique née de l’élection présidentielle rem­portée haut la main, sur fond de contes­tation, par Denis Sassou N’Guesso, en mars 2016. Sa candidature n’a été rendue possible qu’après l’adoption d’une nou­velle Constitution, taillée sur mesure. Les dirigeants les plus virulents de l’opposi­tion n’ont pas digéré cette manoeuvre et ne reconnaissent pas la victoire de Denis Sassou N’Guesso, qui cumule 34 ans aux commandes du Congo.

Écrit par
ade

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