Brouille diplomatique entre le Maroc et la France

Le Maroc met fin aux fonctions de son ambassadeur en France, sans lui désigner de remplaçant. Mohamed Benchaâboun a officiellement quitté son poste le 19 janvier, une date qui ne doit rien au hasard.
La nouvelle a été annoncée par un communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains expatriés, le 9 février au soir. Il fait état de la décision de mettre fin aux fonctions de Mohamed Benchaaboun de son poste d’ambassadeur du Maroc à Paris, à compter du 19 janvier dernier en ces termes : « Suite aux instructions royales, il a été décidé de mettre fin à la mission de Mohamed Benchaâboun en tant qu’ambassadeur de Sa Majesté auprès de la République française, et ce, à compter du 19 janvier 2023 ». Mohamed Benchaâboun avait été nommé, le 18 octobre 2022, directeur général du Fonds Mohammed VI d’investissement. Ce rappel est destiné à faire croire à une procédure normale de remplacement.
« Cet épisode est une bonne chose, voyons le côté positif, il permet d’évaluer, après deux ans, les mécanismes qui régissent les deux Parlements, allons de l’avant ! »
Pourtant, cette date du 19 janvier n’est en rien due au hasard : elle est celle où le Parlement européen avait approuvé une résolution non contraignante appelant les autorités marocaines à « respecter la liberté de la presse ».
À ce propos, le président de la commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne, Lahcen Haddad, avait déclaré que le Maroc faisait face à un nombre d’eurodéputés qui se servent du Parlement européen comme plateforme pour attaquer le Maroc de manière organisée et avec de grands moyens.
Lahcen Haddad estimait à cette occasion qu’« une partie de l’État profond français » était à l’origine de l’adoption de la recommandation européenne. Il a cité nommant un proche du président français, l’eurodéputé Stéphane Sejourné, président du groupe Renew Europe (Centre libéral) depuis 2021. Lahcen Haddad lui reprochant d’avoir été l’un des artisans de la décision et joué un rôle déterminant dans la condamnation du Maroc par le Parlement européen.
Cet épisode du vote de défiance du parlement européen à l’égard du Maroc ne passe pas. Rachid Talbi Almani, président de la Chambre des représentants, expliqué pourquoi le Parlement marocain avait décidé de « révisé » ses relations avec son homologue européen. « Pour le Parlement marocain, ce n’est pas qu’une réaction mais aussi un rappel à l’ordre. » Jusqu’à présent « nous sommes très satisfaits » des relations entre les institutions – entre les banques centrales, par exemple – marocaines et européennes. « Mais nous avons un problème avec le Parlement européen, pourtant, les relations sont régies par des conventions. » Lesquelles prévoient des commissions ou des mécanismes de coordination. Par exemple, la commission mixte parlementaire, régie par un statut, qui prévoit que les 26 parlementaires respectent un protocole de réunions, un ordre du jour, la possibilité de voter des amendements. « Cela n’a pas été respecté, parce que quelques eurodéputés ont pris des initiatives », regrette Rachid Talbi Almani. Qui appelle la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, « à prendre ses responsabilités ». Finalement, conclut-il, « cet épisode est une bonne chose, voyons le côté positif, il permet d’évaluer, après deux ans, les mécanismes qui régissent les deux Parlements, allons de l’avant ! »…
De son côté, le gouvernement se refuse à parler de crise diplomatique avec le Maroc. Pourtant, les deux pays n’ont, à ce jour, pas d’ambassadeur. Et la visite d’Emmanuel Macron envisagé « au premier trimestre 2023 » ne figure à aucun agenda.
Le Maroc fâché contre le Parlement européen
En bref
La France se brouille aussi avec l’Algérie
La présidence algérienne a rappelé à Alger son ambassadeur en France, Saïd Moussi, pour consultations. Ce, à la suite de la réception par la France de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui. Cette journaliste était arrivée clandestinement en Tunisie, en provenance d’Algérie, le 3 février. Elle a été arrêtée par la police tunisienne, pour entrée illégale dans le pays, puis libérée par un juge d’instruction qui lui avait fixé un rendez-vous le 23 février. Pourtant, la police a cherché à la reconduire en Algérie ; après intervention de son avocat, elle a réussi à prendre un avion pour Lyon. Cette activiste, opposante au régime algérien, cherchait depuis 2020 à quitter son pays pour regagner la France, ses tentatives ayant échoué, ce qui explique qu’elle ait voulu transiter vers la Tunisie.

@NA