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Politique

Bénin : Une opposition dispersée

Bénin : Une opposition dispersée
  • Publiéfévrier 18, 2019

À l’approche des législatives au Bénin, les leaders des deux blocs de la majorité multiplient des meetings de précampagne. Tandis que l’opposition, dont une grande partie est en exil, peine à émerger face aux soutiens de Patrice Talon. 

Cotonou, Max-Savi Carmel 

Ce 14 décembre, alors qu’il revient de Dakar, Komi Koutché est appréhendé à l’aéroport de Madrid. Un mandat d’arrêt discrètement lancé par le Bénin pesait contre l’ancien ministre des Finances, qui, depuis, s’est installé aux États-Unis, avec le statut d’étudiant.

À Cotonou, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) veut l’entendre à Porto- Novo sur sa gestion du Fonds national de microfinance qu’il a dirigé de 2008 à 2013, soit avant son entrée au gouvernement. Comme lui, une partie de l’opposition béninoise est en exil, notamment en France, qui compte une vingtaine de ses représentants.

À divers degrés, il leur est reproché des malversations dans les gestions de fonds publics. Tandis qu’ils dénoncent, pour la plupart, une chasse à l’homme, Séverin Quenum les met au défi de « venir se défendre ». Pour le garde des Sceaux, « si quelqu’un n’a rien à se reprocher, il ne lui reste qu’à se présenter à la Justice ».

Pourtant, pour la première fois depuis la Conférence nationale des forces vives qui a instauré la démocratie dans ce pays modèle, plusieurs opposants feront la campagne électorale depuis l’étranger, lors des prochaines législatives. 

Le gouvernement convoque le corps électoral pour le 28 avril. Les Béninois devront renouveler les 81 sièges que compte l’Assemblée nationale, l’unique chambre parlementaire du pays.

Déjà, les deux blocs (Progressiste et Républicain) qui soutiennent le chef de l’État sillonnent tout le pays, entamant une campagne électorale qui promet d’être intense.

En effet, pour la première fois, le nouveau Code électoral sera expérimenté ; avant de siéger au Parlement, un parti doit totaliser au moins 10 % de l’ensemble des suffrages exprimés.

En conséquence, cette disposition n’autorise que de grands groupements ou partis à participer aux élections, ce qui change la donne dans un pays qui comptait jusque-là plus de 200 formations politiques. 

Ganyè dans la facilitation 

L’opposition, tout en occupant le terrain à travers les multiples sorties de Yayi Boni, se concerte pour la constitution d’une liste unique. « Aller en rang dispersé, c’est faire le jeu de Talon », a prévenu Candide Azannaï lors de l’une de ses rares apparitions depuis sa démission du gouvernement.

Des discussions sont en cours entre Tchaourou (400 km de Cotonou), fief de l’ancien président de la République, et Paris, où réside désormais une partie de l’opposition. L’annonce de la liste unique pourrait être faite, depuis Paris où selon plusieurs sources 

À cette allure, et malgré le « ras-le-bol » provoqué par les réformes du gouvernement dans l’opinion, la majorité au pouvoir semble aborder ces législatives avec une légère avancée. Pour autant, rien n’est gagné pour Patrice Talon et ses soutiens. 

concordantes, une rencontre est prévue mi-février. En attendant, Yayi Boni, l’ancien chef d’État, Éric Houndété, vice-président du parlement sortant et Candide Azannaï, ancien ministre de la Défense de Patrice Talon, animent la précampagne pour le compte d’une opposition dispersée. 

Pour ne pas donner l’impression d’avoir écarté sciemment une partie de la classe politique, Mgr Antoine Ganyè a entamé une médiation auprès du Palais de la Marina pour favoriser le retour des exilés.

L’archevêque émérite de Cotonou s’est entretenu à plusieurs reprises avec Patrice Talon avant d’exhorter publiquement le chef de l’État à accorder « grâce et indulgence » aux prisonniers politiques ainsi qu’aux exilés.

Alors qu’il fêtait, en début d’année, ses noces d’or de sacerdoce, le prélat a sollicité, dans son homélie, « une petite amnistie » pour « nos frères et soeurs qui sont en prison ou en exil en Europe », pour qu’ils puissent rentrer et prendre part au scrutin. 

Une perspective que Patrice Talon n’entend pas de cette oreille. « Je ne veux pas m’immiscer dans les affaires de Justice, je préfère la laisser aller au bout », répète le Président à ses visiteurs. S’il affirme que la création de Criet ne vise qu’à « lutter contre la corruption et pour la sécurité des Béninois », il peine à convaincre, d’autant qu’au tableau de chasse de cette juridiction spéciale, les prévenus sont tous de l’opposition !

Le premier procès de la Criet, on s’en souvient, a été la condamnation à vingt ans de prison fermes de Sébastien Ajavon, arrivé troisièe lors de la dernière présidentielle et qui s’était rallié à Talon avant de s’en éloigner à la suite de mésententes. « Or, de nombreuses personnes impliquées dans des détournements ne sont pas inquiétées » dénonce Léonce Houngbadji qui a rallié lui aussi la France en 2018, craignant pour sa sécurité.

Depuis l’élection de Patrice Talon, cet ancien journaliste s’est illustré comme l’un des principaux critiques de sa gestion. En mars 2018, son pamphlet, Bénin, le casse du siècle, dénonçait de supposés conflits d’intérêts, sur lesquels le Président devrait s’expliquer. 

Une opposition qui se cherche 

Le parti de Sébastien Avajon, l’Union sociale libérale (USL) ira aux législatives d’avril sans son leader. Avec lui à Paris, on compte plusieurs piliers de l’opposition béninoise, dont Valentin Djenontin, secrétaire exécutif de Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) qui n’a pas pu renter au pays à la suite d’une mission officielle, alors qu’il jouit d’une immunité parlementaire. « Talon veut ma peau par tous les moyens », confie-t-il à New African.

Il en est de même pour Léhady Soglo, ancien maire de Cotonou qui a dû, alors qu’il était encore en fonction à la tête de la capitale économique, prendre la tangente. Il sera d’ailleurs le premier à ouvrir la vague de l’exil, en juillet 2017.

Tous accusent Talon d’être à l’origine de leur fuite. Sur place au Bénin, l’opposition n’est pas sereine à la veille des législatives. Yayi Boni, qui en est devenu, de fait, le principal chef, est cité dans l’affaire ICC Services, du nom d’une escroquerie qui a englouti 27 milliards de F.CFA (41,2 millions d’euros) d’épargne de Béninois, et dont le procès est en cours. 

À cette allure, et malgré le « ras-le-bol » provoqué par les réformes du gouvernement dans l’opinion, la majorité au pouvoir semble aborder ces législatives avec une légère avancée.

Mais habitués aux élections démocratiques depuis trois décennies, les Béninois ont toujours su user des urnes pour sanctionner la politique des gouvernements successifs.

Rien n’est donc gagné pour Patrice Talon d’autant que le Parti du renouveau démocratique (PRD), la plus grande entité de la majorité, n’a voulu s’associer à aucun des deux grands regroupements constitués autour du chef de l’État. Les prochaines législatives restent donc largement ouvertes.

Écrit par
Max-Savi Carmel

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