Abdoulaye Bathily, homme de paix en Libye

Pressentie depuis plusieurs semaines, la désignation d’Abdoulaye Bathily en tant qu’envoyé spécial des Nations unies en Libye est désormais effective. La nouvelle a été confirmée par le secrétaire général António Guterres, vendredi 2 septembre 2022 au soir.
Officiellement, l’homme politique sénégalais Abdoulaye Bathily est désormais le chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (Manul). Ce poste était vacant depuis plus de six mois, après la démission du Slovaque Jan Kubis. Abdoulaye Bathily est le premier Africain désigné à ce poste, longtemps occupé, jusqu’en 2020, par le Libanais Ghassam Salamé.
Agé de 75 ans, Abdoulaye Bathily est un homme un homme de paix. Historien, universitaire, il connaît bien l’épineux dossier libyen. En effet, il avait été déjà été désigné expert indépendant des Nations unies, chargé de l’examen stratégique de la Manul, en 2021. Ailleurs en Afrique, il a été le représentant spécial adjoint du secrétaire général au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali. Ainsi que le représentant spécial pour l’Afrique centrale et chef du bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale, au Gabon.
Abdoulaye Bathily a été longtemps le leader de la Ligue démocratique, d’inspiration marxiste. Et a longtemps œuvré en faveur d’Abdoulaye Wade, qu’il a contribué à faire élire président du Sénégal, en 2000. Épisode qu’il relate longuement dans ses Mémoires, qui viennent de paraître.
Malgré l’appui ferme d’António Guterres, sa candidature n’avait pas été approuvée par les autorités de la Libye. Certains dirigeants auraient préféré un médiateur de plus grande envergure internationale. Il semble que l’accord de la famille Khadafi, toujours influente dans le pays – notamment via le fils du « Guide », Saïf al-Islam –, ait finalement permis d’officialiser cette nomination.
Cet homme de paix aura fort à faire dans un pays qui connaît un regain de violences, depuis plusieurs mois. Et où deux gouvernements semblent dans l’impossibilité de s’entendre. Le rôle premier de l’émissaire de l’ONU sera d’ailleurs de trouver une médiation entre les deux camps qui briguent le pouvoir à Tripoli. Et – peut-on y croire ? – trouver les moyens d’organiser des élections dont la tenue et les résultats seraient acceptés par tous. Il faudra également compter avec les desirata des membres de l’ONU particulièrement attentifs à la situation en Libye, à commencer par la Russie. Précisément, en raison de la vacance du poste, depuis l’automne, la Manul n’est renouvelée que pour des périodes de quelques mois, la Russie réclamant un nouvel émissaire avant un renouvellement plus long. Le dernier renouvellement a eu lieu en juillet pour trois mois, jusqu’au 31 octobre.
Un climat tendu à l’extrême
Autre pays étranger influent : la Turquie. Selon la presse turque elle-même, Ankara aurait joué un rôle actif dans les violents affrontements qui ont opposé les deux camps, les 26 et 27 août, faisant 32 morts à Tripoli. Des brigades entraînées par la Turquie et des drones fournis par Ankara seraient directement intervenus sur le théâtre des opérations, en soutien au gouvernement de Tripoli. Cette intervention aurait permis le basculement de certaines milices indécises en faveur de ce dernier. La presse turque qui accuse d’autre part la France de soutenir le camp adverse…
Dans ce pays aux ressources pétrolières immenses, deux gouvernements s’affrontent donc. Le premier est basé à Tripoli, sous l’autorité d’Abdulhamid Dabaida, depuis 18 mois. L’autre est dirigé depuis mars 2022 par Fathi Bachagha, avec le soutien des partisans du maréchal Khalifa Haftar, qui tient l’est du pays.
Abdoulaye Bathily devient ainsi le premier haut fonctionnaire au sud du Sahara à occuper ce poste éminemment stratégique et sensible dans un contexte géopolitique tendu en Libye et dans la région du Sahel.
De quoi ajouter, d’ici quelques années, un chapitre à ses Mémoires, qui viennent juste de paraître, fin août 2022. Dans Passion de liberté, édité aux éditions Passions africaines, Abdoulaye Bathily revient sur ses engagements. Il a été longtemps le leader de la Ligue démocratique, d’inspiration marxiste. Et a longtemps œuvré en faveur d’Abdoulaye Wade, qu’il a contribué à faire élire président du Sénégal, en 2000. Épisode qu’il relate longuement dans son livre.
Le 28 juillet, le Conseil de sécurité de l’ONU, renouvelant le mandat de la Manul, a appelé « toutes les parties à s’abstenir de tout acte susceptible de compromettre le processus politique ou l’accord de cessez-le-feu en Libye signé le 23 octobre 2020 ».
Considérant qu’« il n’y a pas de solution militaire en Libye », le Conseil appelait toutes les parties concernées à « respecter pleinement l’embargo sur les armes imposé à la Libye ». La nomination d’Abdoulaye Bathily semble de nature à permettre le renouvellement de la mission onusienne pour un temps plus long, conformément aux souhaits des dirigeants africains.
@NA