Au Burkina Faso, un nouveau chapitre de la transition

Le nouvel homme fort du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, promet qu’il ne veut pas s’éterniser au pouvoir, et qu’un nouveau président de la Transition sera bientôt désigné. Des propos rassurants et un retour au calme apparent qui ne dissipent pas toutes les inquiétudes.
Par la voix toute prudente du général Umaro Sossoco Embalo, président de la Guinée Bissau, la CEDEAO a pris acte du coup d’État dans le coup d’État intervenu le week-end du 1er octobre 2022 au Burkina Faso. La Communauté a suivi « avec préoccupation » l’évolution de la situation. Le président en exercice de la Conférence des chefs d’État « salue les différentes parties au Burkina Faso d’avoir accepté un règlement pacifique de leurs différends ». En particulier, il prend note de la décision du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba de renoncer à ses fonctions de président du gouvernement de transition, afin d’éviter une confrontation violente et un éventuel bain de sang.
Et le président d’appeler les autorités du Faso à respecter l’engagement pris avec la CEDEAO. Qui envoie au plus tôt une délégation dans le pays, conduite par Suzi Carla Barbosa, ministre des Affaires étrangères de la Guinée Bissau. Délégation qui comprend également Mahamadou Isoufou, ancien président du Niger, et Omar Alieu Touray, président de la Commission de la CEDEAO.
Cette commission a sans doute constaté que les rues étaient redevenues calmes à Ouagadougou. Les commerces et la plupart des services publics ont ouvert, de même que les écoles. Ce 3 octobre marquait la rentrée des classes, dans le pays.
En revanche, les bâtiments qui abritent des représentations françaises restent fermés, compte tenu du climat d’hostilité qui entoure la présence de Français dans le pays. Les réseaux sociaux, tout le week-end, se sont fait l’écho du sentiment anti-français. Exacerbé par les informations, exprimées sans que rien ne vienne les étayer, que l’ancien homme fort du pays, Paul-Henri Sandaogo Damiba, était sous l’influence de la France. L’homme se serait réfugié au Togo, après avoir posté une vidé expliquant sa version des faits.
Affaires courantes
Selon lui, c’est l’attaque d’un camion de ravitaillement, dans la région du Soum, qui a déclenché le processus l’ayant conduit à quitter le pouvoir. En effet, le 26 septembre, un convoi a été pris à partie par des hommes armés, la fusillade qui s’est ensuivie aurait fait dix victimes, parmi les soldats. Ce convoi était escorté par une unité de l’armée régulière. Selon Paul-Henri Damiba, ce drame aurait servi « de ferment pour renforcer les incompréhensions, les tensions, les critiques, au sein des populations, au lieu d’être un moment de deuil ».
C’est pourquoi, « avant que morts n’aient pu être inhumés », des militaires « se prévalant de certaines frustrations et revendications » ont convergé de manière massive vers des zones sensibles. « L’objectif affiché était clair : interrompre la Transition », explique le lieutenant-colonel, qui confirme avoir alors décidé de quitter le pouvoir plutôt que d’engager un affrontement sur le terrain.
Le nouvel homme fort du pouvoir est donc Ibrahim Traoré. À peine arrivé, ce capitaine de 34 ans prétend ne pas avoir l’intention de s’éterniser au pouvoir, ce n’est même pas lui qui poursuivra le processus de transition, promet-il. Ibrahim Traoré se réclame du MPSR (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration), un parti aux contours un peu flous issu du précédent coup d’État du 24 janvier 222. Il promet qu’il n’y aura pas de « chasse aux sorcières ».
Interrogé par RFI sur la poursuite du calendrier de retour à l’ordre constitutionnel, prévu avec la CEDEAO pour s’achever en juillet 2024, Paul-Henri Damiba considère que les militaires souhaitent que « le retour à l’ordre constitutionnel normal s’effectue avant cette date, si la situation le présage ; notre souhait, c’est que cela puisse se faire avant 2024 ».
Ce capitaine, à l’entendre, serait seulement chargé des « affaires courantes », avant que des Assises des forces vives du pays ne désignent un président de transition. Ces Assises pourraient se tenir avant la fin de l’année. De son côté, Paul-Henri Damiba trouve « normale » la présence de drapeaux russes dans les rues du pays, tandis qu’il souhaite « rediscuter des termes du partenariat avec la France ».
Reste de nombreuses questions en suspens. La première tient au rôle de la Russie, et des mercenaires de Wagner, dans ce énième coup d’État vécu par le pays. La foule ne semble guère hostile à la Russie, tandis le lieutenant-colonel en fuite avait la réputation d’être très méfiant à l’égard de Wagner. Ce qui ne semble pas le cas des militaires au pouvoir aujourd’hui.
@NA