Pourquoi des appels en faveur d’une réforme financière mondiale

Le Sommet financier mondial de Paris marque une étape importante dans la refonte de l’architecture financière internationale, mais il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à un accord plus équitable pour les pays du Sud.
Le récent sommet de Paris pour un nouveau Pacte mondial de financement a réuni les dirigeants du monde entier pour répondre au besoin pressant d’une architecture financière résiliente et durable. Les discussions du sommet ont porté sur des questions essentielles telles que la restructuration de la dette, le financement du climat, les réformes des institutions financières internationales, la fiscalité, la coopération régionale et les partenariats public-privé.
Si les engagements pris lors du Sommet n’ont pas pleinement pas répondu aux attentes élevées suscitées par cette rencontre, ils marquent une étape importante dans la direction à suivre pour remodeler le système financier international actuel.
Un nouveau cadre de Bretton Woods recèle un immense potentiel pour l’Afrique, avec la promesse d’une représentation accrue, d’un allègement de la dette, d’un accès au financement et d’une industrialisation verte.
L’une des principales priorités soulignées lors du Sommet était le besoin urgent d’accès aux liquidités, le besoin de restructuration de la dette et le besoin de mesures d’allègement pour les plus vulnérables. Les pays confrontés aux retombées économiques de la pandémie et à l’impact de la guerre en Ukraine ont besoin de processus complets et transparents qui prennent en compte les conséquences sociales et environnementales du fardeau de leur dette. Le Sommet a reconnu cet impératif et a appelé à la mise en œuvre de mécanismes de restructuration de la dette plus rapides, plus justes et plus équitables afin d’alléger le fardeau qui pèse sur les pays en difficulté.
Le Sommet a souligné le rôle crucial du financement dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Les dirigeants ont insisté sur la nécessité de mobiliser des ressources substantielles pour l’action climatique, notamment pour respecter l’engagement annuel de 100 milliards de dollars pris à l’égard des pays en développement dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Pour y parvenir, des mécanismes de financement innovants tels que les obligations vertes et la tarification du carbone semblent des moyens d’attirer les investissements du secteur privé dans des projets respectueux du climat. Ces mécanismes doivent être éthiques et favoriser les zones géographiques qui contribuent déjà à la capture du carbone et peuvent faire davantage, et non les intermédiaires qui en bénéficient.
Pour une fiscalité mondiale
Œuvrer à une architecture financière mondiale plus inclusive et plus réactive exige des réformes globales des institutions financières internationales, telles que le FMI et la Banque mondiale, pour refléter le monde d’aujourd’hui. Ce, en mettant l’accent sur l’amplification des voix des pays en développement dans les processus de prise de décision. Les pays du Sud présents au sommet ont appelé à des changements radicaux plutôt qu’à des réformes progressives.
Un autre débat mondial important qui prend de l’ampleur concerne la fiscalité mondiale. Parmi les principaux thèmes abordés lors du Sommet figuraient la création d’accords fiscaux internationaux plus équitables, la lutte contre l’érosion de la base d’imposition et les pratiques de transfert de bénéfices, ainsi que les moyens de combattre les flux financiers illicites. Les dirigeants mondiaux ont souligné l’importance de veiller à ce que les multinationales paient leur juste part d’impôts, tout en renforçant la coopération pour lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent.
Le Sommet a mis en évidence le rôle important des accords financiers régionaux dans la promotion de la stabilité, de la résilience et du développement. Les dirigeants ont reconnu le potentiel des initiatives régionales pour relever des défis spécifiques et tirer parti des ressources régionales pour le développement durable. Ils ont examiné les mécanismes de soutien aux liquidités régionales et de gestion des crises, soulignant la nécessité d’une coopération renforcée entre les institutions financières régionales.
Reconnaissant le rôle crucial des partenariats public-privé dans la mobilisation de fonds pour le développement durable, le Sommet a appelé à la création de cadres d’investissement responsables. Ces cadres permettraient de s’assurer que les investissements du secteur privé s’alignent sur les objectifs de développement durable, y compris des garanties sociales et environnementales solides. Le Sommet a reconnu le potentiel de ces partenariats pour faire avancer les efforts de développement durable.
Il est important de reconnaître les défis à venir. Les grands agendas, tels que celui qui a été discuté lors du sommet, aboutissent souvent à une approche fragmentée et parcellaire, les dirigeants faisant des annonces qui ne débouchent pas forcément sur des changements significatifs. Pour éviter cela, il faut un programme de résultats clair et une opération diplomatique solide qui oblige les participants à rendre compte d’engagements ambitieux et supplémentaires.
La nécessité d’un nouveau Bretton Woods
En outre, dans un monde où la dynamique géopolitique évolue et où des pays comme la Chine et la Russie gagnent en influence, il est essentiel que l’Europe et l’Amérique du Nord fassent preuve d’un véritable engagement dans leurs partenariats avec les pays du Sud. À défaut, le sentiment que le système financier mondial est contrôlé par une poignée de privilégiés et qu’il perpétue les inégalités pourrait s’enraciner davantage.
Pour parvenir à une réforme véritablement transformatrice du système financier mondial, il est essentiel d’établir un nouveau cadre de Bretton Woods qui s’attaque aux lacunes et aux déséquilibres actuels. Ce cadre devrait donner la priorité à l’inclusivité, à l’équité et à la durabilité.
En outre, le nouveau cadre devrait donner la priorité à la mobilisation des financements publics et privés en faveur du développement durable. Cela implique la création de mécanismes visant à encourager les investissements privés dans des domaines tels que les énergies renouvelables, le développement des infrastructures et les programmes sociaux. En alignant les incitations financières sur les objectifs de développement durable, nous pouvons débloquer des ressources importantes pour un développement inclusif et respectueux de l’environnement.
Un nouveau cadre de Bretton Woods recèle un immense potentiel pour l’Afrique, avec la promesse d’une représentation accrue, d’un allègement de la dette, d’un accès au financement et d’une industrialisation verte. Il pourrait permettre aux nations africaines de façonner les politiques financières mondiales, d’alléger le fardeau de la dette, de mobiliser des ressources pour le développement, de lutter contre le changement climatique et de stimuler l’innovation.
Elle peut, potentiellement, contribuer à la véritable transformation structurelle du continent. Toutefois, son succès dépend de la force des acteurs africains, en particulier des gouvernements africains et des organisations régionales, mais aussi de la société civile et du secteur privé.
Carlos Lopes est professeur à la Nelson Mandela School of Public Governance de l’Université du Cap et président du conseil d’administration de l’African Climate Foundation.
@AB