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Opinion

Le développement impose de grands changements

Le développement impose de grands changements
  • Publiéavril 3, 2019

Le commerce se structure, en Afrique. Peu à peu, le continent s’industrialise. Et si était venu le temps de réformes plus profondes, et de régler enfin le sort du franc CFA, au-delà des polémiques politiciennes du moment?

Par Christian d’Alayer

Le président français Sarkozy, raconte-t-on, est intervenu militairement en Côte d’Ivoire et en Libye pour sauver le franc CFA et sa dépendance envers la Banque de France. Depuis, bon nombre d’observateurs ont appuyé cette analyse qui n’a pas empêché la monnaie de l’Afrique francophone de revenir sur le devant de la scène.

Le fond du problème n’est pas la stabilité monétaire ou le lieu d’impression des billets de banque. Il est celui de la compétitivité des Francophones face à des concurrents qui usent de l’arme monétaire sans vergogne et, notamment, de la dévaluation compétitive.

Cette fois-ci, les critiques les plus acerbes sont venues d’Italie tandis que les dirigeants français se défoulaient contre « les populistes » au pouvoir à Rome. Et c’est bizarrement de Bruxelles qu’est venue la défense la plus véhémente, celle du président des Commissions européennes lui-même, Jean-Claude Junker.

C’est qu’aujourd’hui, le franc CFA est aligné sur l’euro, il doit respecter les règles de gestion de la Zone euro, dont une impasse budgétaire inférieure à 3 %/an.

Depuis, des intervenants africains ont multiplié les prises de position et on peut dire aujourd’hui que seules la Côte d’Ivoire et le Sénégal défendent encore l’ex-monnaie coloniale.

Il est vrai que la situation a totale­ment changé depuis vingt ans en Afrique, depuis en fait le retournement des termes de l’échange avec l’Occident. Les Chinois avaient déjà dynamité les prix industriels depuis les années 1980, leurs importations ont pesé à la hausse sur les prix des matières premières depuis décembre 1999.

Fin de la primauté des matières premières

Et depuis, les prix des exportations africaines ayant été multipliés par 7,5 d’abord, puis redescendus à ×4,5 depuis la crise de 2008, l’Afrique s’est réveillée.

Ou, du moins, a eu les moyens financiers de son réveil amorcé en fait depuis bien plus longtemps : réveil démographique depuis les Indépendances, réveil culturel avec, notamment, une alphabétisation réussie en moins de trente ans ainsi qu’une percée assez phénoménale du travail féminin, réveil aussi des grandes cités africaines et la primauté donnée aux axes portuaires, réveil enfin de l’agricul­ture vivrière face à l’ancien imperium colonial des « produits tropicaux ».

Au final, nous voyons aujourd’hui un continent de plus d’un milliard d’habi­tants, dont une proportion croissante de diplômés qui se sont attelés à construire eux-mêmes leur avenir. La croissance africaine n’est plus alimentée par les exportations de matières premières minérales et organiques, mais par ses marchés intérieurs et la substitution croissante des productions locales aux importations.

L’exemple le plus frappant est celui du ciment, jadis acheté à l’étranger, hors l’Afrique du Nord, et aujourd’hui totalement fabriqué sur place, et dont l’un des principaux produc­teurs est Nigérian !

Le textile lui-même bouge énormément, l’Éthiopie ayant été choisie par les industriels chinois pour relayer l’empire du Milieu dans le domaine des faibles salaires et l’ensemble des Subsahariens rivalisant d’inventivité dans le domaine de la mode. Fancy, Wax, tissus imprimés modernes sortent à tour de bras des ateliers africains en lieu et rivalisentavec ceux des Pays-Bas. Des automobiles sont construites aujourd’hui en nombre en Afrique australe, du Nord et de l’Ouest.

Surtout, l’Europe n’arrive plus à exporter de produits alimentaires en Afrique : la culture et l’élevage modernes y ont fait leur entrée, jusqu’à des sociétés d’actionnaires se lançant dans l’agrobu­siness.

Industrialisation des campagnes

Tout est à faire dans un continent délaissé par les multinationales et donc totalement ouvert aux initiatives locales qui se multiplient à foison : l’Afrique est l’endroit au monde qui héberge le plus d’entrepreneurs par milliers d’habitants et, donc, le moins de salariés (moins de 20 % !).

Alors bien sûr, le monde paysan reste majoritaire et encore très éloigné de ses homologues occidentaux. Bien sûr, les fruits de la croissance restent aux mains des entrepreneurs, c’est la loi du décollage : avant de répartir, il faut créer, et les exemples, tant chinois que coréen, montrent que le social suit le capital et pas l’inverse.

Mais une bourgeoisie africaine s’est créée avec un début de classe moyenne. Les machines ont fait  leur apparition dans les campagnes où des « niches » ont proliféré : le riz aux bords du fleuve Niger permettant le maraîchage, le maïs, les fruits et la production animale dans les zones cotonnières, les cultures vivrières d’exportation au Cameroun, les exportations de pommes de terre et de volailles du Fouta Djalon en Guinée, etc., etc., jusqu’aux camélidés vendus par les Mauritaniens à toute la sous-région !

Écrit par
Christian d'Alayer

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