La révolution de l’élégance senior

Les créations virtuelles de Malik Afegbua nous reconnectent à un trésor africain redéfini. Et nous interrogent sur la place des personnes âgées dans une industrie qui se veut inclusive, le luxe.

 

Voici quelques mois, Internet était en effervescence avec des images créées à l’aide de l’IA (Intelligence artificielle) de Malik Afegbua ; elles attiraient l’attention de la costumière oscarisée derrière les films Black Panther, Ruth Carter.

À la mi-février, le créateur nigérian a de nouveau frappé, avec sa « Fashion Show For Seniors ». Ses œuvres sont toujours aussi fraîches et authentiques. Vous les avez vues, je les ai vues, nous en avons entendu parler, car le bouche-à-oreille à l’africaine dupliqué à l’échelle mondiale constitue un média social efficace.

Ayons confiance en notre capacité à capitaliser sur ce que représentent nos aînés en concevant des produits et services inclusifs et en leur offrant la visibilité dont l’humanité a besoin.

Pour être honnête et vous décrire sa « Fashion Show For Seniors », j’ai réfléchi au vocabulaire approprié : « personne âgée », « aîné », « senior » ? Finalement, j’ai décidé de ne pas m’en préoccuper, car se poser la question supposerait un certain inconfort. Le travail de Malik Afegbua a, en l’espèce, consisté à mettre en lumière des vieux – terme à valeur de rang aristocratique en Afrique –, défilant dans un style pictural coloré et afro-futuriste.

L’œuvre de Malik Afegbua a indéniablement eu un impact concret sur le monde : quelle est la place accordée aux personnes âgées dans l’univers du luxe ? Ne serait-ce pas l’opportunité de questionner leur marginalisation dans un secteur qui se dit « inclusif » ?

Que l’on observe les récents défilés, les représentations dans les domaines de la joaillerie, des voitures de prestige et de l’« hospitalité », pour n’en nommer que quelques-uns, le constat est constant, les visages et les corps marqués par le temps sont quasi inexistants.

Et en cela, les œuvres de Malik Afegbua redéfinissent le discours sur l’inclusion, en particulier dans le domaine du luxe, qui se concentre certes sur les identités, les morphologies, le genre, les origines, etc., mais ne valorise guère le sujet de l’âgisme et scénarise plus rarement encore les silhouettes âgées.

Pourtant, les données démographiques et les prospectives économiques plaident en faveur de nos aînés. En effet, ils bénéficient d’un revenu disponible plus élevé et d’un accès au numérique qui favorisent la consommation hédoniste. Parmi eux, se trouvent même de célèbres influenceurs.

Ainsi, en déduisons-nous que la connexion entre les vieux et le luxe en tant qu’axe de performance économique est intrinsèquement liée à la perception culturelle de la vieillesse.

 

Si certaines perspectives occidentales envisagent la vieillesse comme un fardeau, la finitude de notre incarnation ou un coup de communication, en Afrique, elle est considérée comme un atout, profondément enraciné dans les valeurs culturelles et les croyances. La femme d’un certain âge jouit d’une estime et d’un respect encore plus grands.

Alors, (re)connectons-nous au trésor africain redéfini par Malik Afegbua, à cette noblesse que porte le continent berceau de l’humanité où les personnes âgées sont considérées comme un trésor précieux, car elles incarnent la sagesse, l’expérience et la transmission des traditions si utiles à la cohésion sociale et l’intelligence sociétale.

 

En réunissant les valeurs de leurs aînés aux défis contemporains, les acteurs du premium africain qui auront su offrir une proposition de valeur innovante et distinctive profondément nourrie de culture authentique, profiteront du gisement économique qu’est ce secteur.

Ainsi, j’ambitionne un luxe dont la proposition de valeur repose sur une approche en humanité augmentée, remettant l’humain au cœur de toute la chaîne de valeur ; un luxe porteur de capital culturel sincère et de capital symbolique robuste.

Pour ce faire, ayons confiance en notre capacité à capitaliser sur ce que représentent nos aînés en concevant des produits et services inclusifs et en leur offrant la visibilité dont l’humanité a besoin. Brisons les stéréotypes et établissons des liens intergénérationnels entre les alphas et les silvers, entre chacun d’eux et nous.

En conclusion, permettez-moi de revenir brièvement sur les images de Malik Afegbua. Examinons-les attentivement, en particulier les regards captivants qu’elles présentent. Grâce à un effet d’optique unique, ces images dégagent un magnétisme qui donne le sentiment que les yeux nous suivent, peu importe l’angle sous lequel nous les observons.

Nous pensions contempler des images puissantes d’Africains âgés ; mais ne serait-ce pas plutôt eux qui nous scrutent ? « Le jeune court vite, mais l’ancien connaît le chemin. »

 

 

 

Ancienne avocate, Nacéra Bouaziz est une spécialiste de l’industrie du luxe et des stratégies extra-financières.

 

 

 

 

@NA