x
Close
Opinion

Assumons notre africanité !

Assumons notre africanité !
  • Publiéjuin 19, 2023

L’africanité, c’est penser l’Afrique avec un narratif novateur qui cherche à faire naître un désir d’Afrique sur le continent et dans le monde. La jeunesse en rêve, personne ne doit la redouter, et des outils comme l’Institut de l’africanité peuvent porter cet idéal.

 

Dans un contexte marqué par « la nouvelle ruée vers l’Afrique », la jeunesse africaine exprime, de plus en plus, un besoin de reconnaissance, de libertés et de satisfaction des besoins fondamentaux (éducation, nutrition, santé…). L’Europe ne doit pas s’en inquiéter bien au contraire. C’est une opportunité d’établir une réelle rupture avec le passé pour se propulser dans un futur commun. Ce serait une erreur stratégique majeure pour l’Europe de persister à vouloir maintenir sous curatelle renforcée cette jeunesse africaine hyperactive, dont il faudrait à tout prix brider l’ambition légitime de vouloir s’ériger en puissance mondiale. 

Le Nord n’a pas le monopole de l’universel. L’universel devient un horizon commun et la jeunesse africaine est en train de nous scander « allons-y ensemble ! ». L’Afrique a un rôle majeur que l’Europe et le monde doivent entendre.

L’avenir est ouvert, mais pour cela, il faut aussi libérer la pensée et le dialogue pour créer les conditions de la co-production et de la co-construction. Pour que l’entité « afro-médi-péenne » verticale vive, elle doit être portée par une africanité d’abord horizontale puis diffusée et partagée. Car l’africanité est une affirmation et non pas une revendication ni une confrontation avec le monde occidental.

L’africanité, c’est une idée, un projet. C’est penser l’Afrique avec un narratif novateur qui cherche à faire naître un désir d’Afrique sur le continent africain et dans le monde. Seule cette africanité peut amener à passer de relations basées sur des considérations rentières à des relations plus productives car coproduites. Pour mener ce projet, l’Afrique n’est pas dénuée d’initiatives propres et l’une d’entre elles est de faire émerger l’Institut de l’africanité. Cette institution de recherche et de formation réunit des dirigeants, des décideurs, des cadres de haut niveau, des chercheurs, des praticiens du monde entier. Elle est une plateforme de contributeurs du continent africain, de ses diasporas et d’ailleurs.

Tous pensent que « l’Afrique » comptera d’autant plus dans le monde qu’elle sera plus unie. Or, le continent africain est diversifié, de l’Afrique arabe à l’Afrique australe, riche de diversités culturelles ethniques, religieuses et de systèmes politiques aussi. Il faut mettre en cohérence tout cet ensemble.

 

Prendre conscience des racines communes

Cette construction de l’Afrique et de son unité en relation et en solidarité avec les diasporas africaines peut être le fondement d’une africanité constructive dans une vision prospective. Une Afrique consciente de ses propres ressources, de ce qu’elle apporte au reste du monde sera une Afrique confiante, qui décidera elle-même de ses partenariats.

À travers l’Institut de l’africanité, l’Europe et le continent africain trouveront l’un des maillons manquant à leur réel rapprochement et à leur possible intégration régionale. Ce narratif sur l’africanité se distinguera de ceux portés par la Chine, les États-Unis et l’Union européenne (New deal, aides…). Il est également un puissant concurrent à la version subversive du panafricanisme qui ne cesse de dénoncer l’impérialisme et l’Occident. L’africanité ne s’inscrit pas dans ce narratif de la posture de la victime, de l’abandonné. Elle s’inscrit dans celui de la responsabilité. L’africanité permet de ne pas entrer dans une logique manichéenne de blocs contre blocs. L’Afrique doit contribuer sans être à la remorque de tel ou tel groupe.

L’africanité, c’est prendre conscience des racines communes. C’est combattre cette contre-vérité selon laquelle il y aurait une Afrique noire et une Afrique blanche. L’Africanité, c’est réduire cet éloignement voire cette indifférence entre Afrique du Nord et Afrique subsaharienne. Il est temps de penser les Afriques pour les rapprocher et non plus les séparer. L’Africanité permet de dépasser, transcender les fausses frontières qui ont été fabriquées. Elle permet de recoudre, de cimenter le continent. Une Afrique réconciliée avec elle-même, assumant les liens historiques et les métissages.

Pour le moment, le Maroc, pays à la quadruple identité assumée : méditerranéenne, arabe, amazighe et africaine, semble ouvrir cette page d’africanité en déployant une action politique chevillée à une action culturelle et contextuelle. La France doit également assumer sa part d’africanité. Le président Macron l’avait justement rappelé lors du sommet de Montpellier. Sept à dix millions de Français sont intimement et ou familialement liés à l’Afrique. C’est aussi des milliers d’entreprises, dont les fleurons de l’industrie française, qui y sont installées.

 

Les Africains ont des choses à offrir au monde

Près de 200 000 Français sont expatriés sur l’ensemble du continent africain, soit 15% des Français établis hors de France ; 98 000 d’entre eux vivent en Afrique du Nord, plus de 100 000 au sud du Sahara. Les Français d’Afrique francophone représentent 86% des Français d’Afrique subsaharienne.

L’Afrique, se sont aussi des ressources stratégiques telles que l’uranium du Niger, qui couvre 30% des besoins civils de la France et 100% de besoins militaires, ou encore un pétrole qui assure 30% de ses approvisionnements. Il n’existe pas de continent avec lequel la France a une palette aussi large d’interactions et où les enjeux politiques, économiques, sécuritaires, migratoires sont aussi indissociables.

L’africanité permet de penser la relation de l’Afrique au monde, de penser son devenir. Il s’agit d’une perspective de la globalité et de ne plus se contenter de réfléchir la singularité ou la particularité. Le Nord n’a pas le monopole de l’universel. L’universel devient un horizon commun et la jeunesse africaine est en train de nous scander « allons-y ensemble ! ». L’Afrique a un rôle majeur que l’Europe et le monde doivent entendre.

Cette présence africaine exprimée via l’africanité n’a jamais pris autant de sens qu’aujourd’hui. Prendre conscience de cette africanité est la meilleure manière de refonder la relation entre les jeunesses africaines et l’Europe, en particulier, la France. L’africanité, c’est prendre conscience que l’Afrique n’est pas qu’un réceptacle, que les Africains ont également des choses à offrir au monde.

 

Maître de conférences et de recherche à l’Université de Corse, chercheur associé ESSEC Business School Paris et à HEC Montréal, Soufyane Frimousse est également chercheur GIS Moyen-Orient et mondes musulmans au CNRS et rédacteur en chef adjoint de la revue Questions de Management. Il est l’auteur de Innovation and agility in the digital age : Africa, the world’s laboratories of tomorrow  publié aux éditions Wiley. Il a également coordonné l’ouvrage Africa Positive Impact publié aux éditions EMS.

 

@NA

Écrit par
Soufyane Frimousse

2 Commentaires

  • Bravo Pr. FRIMOUSSE pour ce bel article et en plus d’actualité!

  • Bravo Dr ! Merci pour cette réflexion

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *