Michael Folane* et le numérique
Les technologies de l’information et de la communication ne sont pas oubliées, dans la stratégie de croissance. Le directeur général de l’Agence nationale de promotion des TIC revient sur les principaux projets engagés.
Propos recueillis par Marie-France Réveillard
Quelle est la situation du numérique au Burkina Faso ?
Le taux de pénétration de l’internet avoisine 10 % et la couverture du réseau mobile est de 90 %. Nous développons nos infrastructures pour acquérir des communications de qualité à des coûts moins élevés.
Nous créons aussi des services en ligne et du contenu local pour s’adresser à d’autres secteurs d’activité comme l’éducation, la santé, l’économie ou la sécurité. On ne peut parler de développement sans TIC, d’ailleurs, les projets inscrits dans le PNDES sont nombreux : Backbone, e-Burkina, G-Cloud, Pricao et le technopôle.
Où en est le Projet régional d’infrastructures de communication de l’Afrique de l’Ouest – projet Burkina Faso ?
Le Burkina Faso est relié au Ghana par fibre optique, avec une bretelle qui donne accès à Manga. La capacité Internet est gérée par un opérateur togolais, Togotel, qui fournit cinq gigas à l’État.
Aujourd’hui, avec les tarifs pratiqués par les opérateurs téléphoniques, 1 giga coûte 5 000 F.CFA et ne dure qu’une semaine pour une structure comme l’ANPTIC qui compte 100 employés dont 60 informaticiens, par exemple.
Nous ne devrions plus nous soucier du nombre de gigas utilisés. Il nous faudrait un forfait mensuel de 5 000 à 10 000 F.CFA. Dans certains pays, 4 gigas peuvent durer trois ou quatre mois! Avec la société coopérative, les coûts devraient baisser pour concurrencer les gros opérateurs et permettre d’obtenir une connexion moins chère, de meilleure qualité.
Quel est l’état d’avancement du projet G-cloud reliant Ouagadougou à Bobo-Dioulasso ?
Les travaux du G-Cloud seront achevés avant fin 2018, ils auront coûté 36 milliards de F.CFA (54,9 millions d’euros). Nous devrions déployer plus de 1 000 km de fibre optique entre les deux villes.
De son côté, le Backbone, lancé le 10 décembre 2017 à Gaoua, permettra de déployer 2 000 km supplémentaires avec des délais d’exécution de 14 mois (50 milliards de F.CFA, exécuté par Huawei International avec un financement de 60 % par la Bank of China et de 40 % par BNP Paribas). Nous devrions atteindre plus de 3 000 km de fibre optique, en incluant le projet Pricao (350 km), au premier trimestre 2019. Les deux premiers NEC-Cloud de Ouagadougou sont déjà opérationnels depuis deux mois.
Où sera localisé le technopôle burkinabè ?
Un site à Oubri avait été identifié, mais il est occupé par des habitants que l’on peut difficilement déplacer. Aujourd’hui, d’autres recherches sont engagées du côté de Saaba…
Que recouvre le projet e-Burkina, soutenu par la Banque mondiale ?
Ce projet nous permet de réaliser un audit de l’environnement réglementaire pour développer des services online. Nous amorçons la dématérialisation des procédures administratives, pour un coût de 20 millions de dollars, afin d’arriver rapidement à une politique « zéro papier » dans l’administration.
Les citoyens feront leurs demandes d’actes administratifs en ligne, d’ici cet été. Nous travaillons aussi pour que la dématérialisation soit possible sans l’internet, grâce à des applications mobiles compatibles avec des téléphones ordinaires, via les réseaux DG ou GPRS.
La Sonapost jouera le rôle de « démarcheur » pour récupérer les actes administratifs et les délivrer dans les zones difficiles d’accès au centre-ville. Parallèlement, nous lançons un appel à candidature pour sélectionner et soutenir pendant 18 mois des incubateurs à hauteur de 275 millions de F.CFA pour chaque projet, à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou, pour un budget global de 1 million $.
Quels sont les projets menés en matière de cybersécurité ?
Nous voulons créer une autorité de certification pour installer un environnement de confiance qui permettra de développer des services en ligne. Nous développons actuellement avec l’Agence nationale de sécurité informatique (ANSI), un projet de centre national de monitoring de sécurité, le SOC (Security Operating Center) pour détecter, analyser voire informer des menaces en temps réel.
Quels sont les principaux freins à la dématérialisation administrative ?
La gestion du changement reste importante. Malgré le déploiement des services et des infrastructures : les populations sont-elles prêtes à abandonner le papier ? Tout le monde n’est pas prêt à aller vers plus de transparence.
*Michael Guibougna Lawakiléa Folane, DG de l’Agence de promotion des TIC
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«Le secteur des TIC regorge d’énormes potentialités non encore exploitées». Telle est la conviction de Michaël Folané. Tout comme le jeune directeur général de l’Agence nationale de promotion des TIC (Anptic), le gouvernement burkinabè parie sur les nouvelles technologies pour soutenir la croissance économique.
La mise en oeuvre de ce référentiel sectoriel des dix prochaines années coûtera environ 360 millions d’euros sur la période 2017-2021. « L’objectif est de rendre accessible les TIC à un prix raisonnable pour permettre au numérique de s’imposer comme un vecteur important de la croissance », résume l’ancienne ministre en charge de l’économie numérique, Aminata Sana.
En l’espace de cinq ans, le Burkina Faso a connu des avancées notables dans l’accès et l’usage des TIC. Grâce à la connexion mobile, le parc d’accès à l’internet est en nette progression. Avec plus de 14 millions d’utilisateurs, la télé densité est passée de 25 % en 2009 à 78 % en 2015.
L’accroissement du taux de pénétration d’Internet a incité de nombreux acteurs publics et privés à investir dans l’économie numérique. En 2013, la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF) estimait à 2 794 le nombre d’entreprises qui opéraient dans les télécommunications et les TIC. « L’usage de l’ordinateur, des appareils portables intelligents et d’Internet s’est amélioré significativement dans les entreprises burkinabè », se félicite la direction générale des études et des statistiques sectorielles du ministère de l’Économie numérique.
Néanmoins, les études soulignent quelques faiblesses qui pourraient constituer un frein au développement d’une économie numérique viable. « Le faible taux d’usage de la 3G mobile, l’absence d’infrastructures ouvertes, les coûts d’accès aux réseaux et la qualité de service non satisfaisante pour beaucoup d’usagers sont des difficultés majeures auxquelles le secteur reste encore confronté », explique le ministère.
Transformation numérique
Le département en charge des TIC prévoit, dans son référentiel sectoriel adopté en 2017, de couvrir une grande partie du territoire burkinabè en fibre optique. D’ici à 2025, le Burkina Faso pourrait donc offrir un service de très haut débit fixe et mobile. C’est dans ce sens que le projet « e-Burkina » a été conçu avec le soutien de la Banque mondiale.
L’objectif est de faciliter la modernisation de l’administration publique et des différents secteurs économiques. L’État veut accélérer dans les dix années à venir la transformation numérique dans les secteurs sociaux et le tertiaire, tout en favorisant la création d’emplois innovants.
« Cela dépasse la seule question de l’équipement. Il faut tenir compte des modifications induites par le numérique sur les services produits, les modèles économiques, les structures de marché et les chaînes de valeur », souligne le document de Politique nationale du développement de l’économie numérique. L’adoption d’un référentiel sectoriel pour l’économie numérique cadre avec les orientations stratégiques du PNDES, rappelle Aminata Sana.
Le PNDES a fait du numérique la clé de la transformation structurelle de l’économie et de la société burkinabè. Il est attendu que « les TIC contribuent à une croissance forte, résiliente, inclusive et créatrice d’emplois décents pour tous », précise l’actuelle ministre du Développement de l’économie numérique, Hadja Fatimata Ouattara.
Un nouveau Technopole
À ce niveau, le technopôle « Ouaga TIC » servira de cadre au développement de l’innovation et de l’expertise numériques. Le projet vise à regrouper en un même lieu des activités de haute technologie, des centres de formation et de recherche, des entreprises privées et des organismes financiers et administratifs afin de faciliter le contact entre les acteurs de différents secteurs.
À terme, le gouvernement y voit un bon moyen d’attirer des investisseurs étrangers pour développer des secteurs prioritaires tels que l’agriculture, la santé et l’éducation. L’Anptic y voit là « une façon de contourner l’enclavement géographique du pays à travers le développement d’une économie numérique capable de stimuler durablement la croissance ». Dans l’immédiat, la réalisation de ce technopôle qui est prévu sur une superficie de 80 ha, dont 60 ha commercialisables, va permettre de créer 4 500 emplois directs.