Togo : Le phosphate peine à retrouver sa place

D’importantes réserves et de lourds investissements n’ont pas permis à la filière phosphate de décoller, au Togo. Malgré les besoins croissants de fertilisants en Afrique et le soutien de grands industriels, l’avenir de l’or gris reste incertain.
Lomé, Max-Savi Carmel
Kpémé, à 30 km de Lomé. La route qui mène à la Société nouvelle des phosphates du Togo (SNPT) est pleine de crevasses. Quelques flaques d’eau et de courtes déviations.
Puis, apparaissent non loin de l’océan plusieurs halls techniques et industriels mêlés à d’anciennes installations, dont une partie est en cours de rénovation. C’est ici que, après avoir subi les dernières mises en état, le phosphate togolais prend le large.
L’or gris constitue la principale source d’exportation du pays. Tandis qu’il représentait plus de 60 % des recettes d’exportation dans les années 1980, le phosphate n’en constitue plus que la moitié aujourd’hui.
Pour autant, au-delà des aléas de la conjoncture, la valeur de l’or gris devrait connaître un rebond les années à venir, compte tenu des besoins en fertilisants en Afrique.
Si au Togo, la filière souffre, notamment, de ses équipements encore vétustes, son potentiel reste intact : avec les grands programmes agricoles qui se multiplient sur le continent, les besoins en fertilisants ont quadruplé depuis 2000.
Pour l’heure, le Togo est encore loin des promesses émises lors de l’arrivée du groupe israélien Elenilto, partenaire du chinois Wengfu, qui a remporté le dernier appel d’offres international pour 1,4 milliard de dollars.
Avec pour ambition de produire 5 millions de tonnes de phosphate, d’engrais et d’acide phosphorique chaque année, un défi que la SNPT est loin d’atteindre, cinq ans après.
Si l’exploitation industrielle moderne du phosphate a débuté au Togo dans les années 1970, le point culminant de la production aura été 1980, avec plus de 2,9 millions de tonnes et 1990 avec 3 millions de tonnes extraites.
Entre 1990 et 2000, la chute aura été vertigineuse, la production se stabilisant à 1,3 million de tonnes en 2000. Par la suite, la société a traversé d’énormes difficultés, en particulier sociales : des grèves répétitives ont poussé la Banque mondiale et le FMI à proposer une privatisation totale de la filière, en 2006.
Une option rejetée par l’État qui tenait à avoir sous son giron ce pan de « la souveraineté économique ». La situation s’aggravant, la concession à une société privée s’est imposée.
En 2015, malgré le plan de relance du gouvernement qui aura coûté 200 milliards de F.CFA (305 millions d’euros) entre 2011 et 2015, la production atteint le niveau le plus bas, stagnant à 1,1 million de tonnes.
Une priorité pour l’État Une déception pour le gouvernement qui a dû faire appel à TFC Sarl ; cette société togolaise, qui avait le monopole du nickel dans le pays, avait déjà obtenu plusieurs petites exploitations de phosphate en 2017.
Face aux résultats mitigés, Elenito fait état des nombreuses contraintes qui pèsent sur le phosphate depuis plusieurs années. Sans convaincre Marc Ably-Bidamon, ministre des Mines qui, reconduit à son poste après les législatives de décembre 2018, veut faire du phosphate une priorité au secours de l’exportation : le gouvernement souhaite porter la croissance de 5 % en 2018 à 7 % en 2020.
Les deux dernières années, la filière a connu de multiples mouvements de grève, ses 1 500 employés ayant, pendant plusieurs semaines cessé le travail, en 2016 et 2017 notamment. Ces mouvements ont affecté la production en 2018 où les unités de fertilisants n’ont pas atteint leurs capacités maximales de production.
Le nouveau concessionnaire a dû faire avec des engins désuets qui ont sensiblement ralenti sa production. Prévue pour dépasser les 2 millions de tonnes dès 2016, la production de phosphate concentré n’a pas dépassé 1,5 million. Devant creuser des tunnels de plus en plus profonds, Elenilto a multiplié des investissements dans du matériel plus adapté.
1 Commentaire
Quel dommage de voir cette mine de phosphate périclitee d’année en année.
En tant qu’ancien directeur de la maintenance,des approvisionnements et des travaux neufs de cette société entre 2002 et 2004 ,j’ai pu me rendre compte de la grande valeur du personnel ( cadres et non cadres) qui étaient fiers de travailler dans cette firme reconnue mondialement pour la qualite exceptionnelle de son phosphate.
Remerciements à tout ce personnel si dévoué.