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Médias

Un narratif trop sombre

Un narratif trop sombre
  • Publiémars 17, 2022

Selon un rapport de l’alliance Africa no Filter, les médias, qu’ils soient occidentaux ou africains, présentent le continent sous un jour défavorable. Tandis que les Africains créent, innovent, se dotent d’un nouvel outil comme la ZLECAf, la tonalité du discours ne change pas.

Par Paule Fax

 

 

« Il est temps de changer le discours sur l’Afrique ». Ce propos du patron de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, tenu en octobre 2021 devant un parterre de diplomates américains, est repris par Africa no Filter. Ce collectif, qui se propose justement de changer le « narratif » sur l’Afrique, vient de publier une étude très critique sur la manière dont les médias, occidentaux et africains, traitent, ou plutôt maltraitent, le continent.

Sachant, rappellent ses auteurs, que la couverture médiatique influence directement le niveau d’investissement vers telle ou telle zone géographique, la manière dont on relate les informations en provenance d’Afrique handicape son développement.

Les histoires d’affaires en Afrique, et la façon dont elles sont conçues, ont un impact direct sur la motivation et le désir des individus de créer de nouvelles entreprises, et de commercer, d’investir ou de financer des entreprises.

Par exemple, la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) est la plus grande zone de libre-échange au monde, avec 54 pays participants et l’accès à un PIB de 3 400 milliards de dollars. Et recèle un fort potentiel en matière de croissance, de développement, de lutte contre la pauvreté. « Pourtant, elle représente moins de 1% des nouvelles et analyses commerciales sur les affaires en Afrique dans les médias mondiaux et africains », s’étonne le collectif Africa No Filter. Qui juge qu’« il n’y a jamais eu de meilleur moment pour changer le discours sur l’investissement en Afrique ». Ce qui suppose, bien sûr, d’avoir les données pour prendre conscience des dégâts. C’est pourquoi l’organisation a commandé une enquête qui décrit les récits et les histoires sur le monde des affaires en Afrique, tel que vu dans les médias.

L’objectif est de changer les « mots-clefs » utilisés qui déforment les messages. « On insiste trop sur le rôle des gouvernements, des puissances étrangères et des grands États africains, parallèlement à une sous-appréciation du rôle des jeunes, des femmes, des entrepreneurs, des entreprises créatives, des petits États africains prospères et du potentiel futur de l’Afrique. »

Il s’agit, dans l’esprit d’Africa No Filter, de mieux y opposer un meilleur narratif.

 

Peu de place à la créativité africaine

 

Les auteurs ont analysé, à les en croire, plus de 750 millions d’articles publiés entre 2017 et 2021 sur plus de 6 000 sites d’information africains et 183 000 sites hors du continent. Des informations ont été obtenues à l’aide de huit approches de recherche, notamment l’analyse des tendances sur Twitter, des recherches universitaires et des revues littéraires, ainsi que via des indices commerciaux mondiaux.  S’en dégagent quelques constats.  

Les médias internationaux sont plus susceptibles de présenter négativement les problèmes qui ont un impact sur les affaires en Afrique, comme les changements politiques soudains. De leur côté, les médias africains ne sont pas exempts de critiques : ils seraient deux fois plus susceptibles de faire référence à la corruption dans leur couverture des affaires en Afrique. Les auteurs citent en exemple un article récent du Nigeria’s Premium Times, intitulé « La mafia sud-africaine de la construction a des vues le gouvernement local », qui décrivait comment « une mafia d’extorsion, à travers l’Afrique du Sud, paralyse la construction et petites entreprises par des menaces et des pots-de-vin ».

En dépit de tout, les puissances étrangères se bousculent pour l’Afrique : 70 % de la couverture internationale des affaires en Afrique est dominée par des références à des puissances étrangères telles que la Chine, les États-Unis, la Russie, la France et le Royaume-Uni.

Trop souvent, regrettent Africa no Filter, l’Afrique, c’est deux pays : l’Afrique du Sud et le Nigeria. Des contrées dynamiques comme Maurice, le Botswana, les Seychelles ou la Namibie bénéficient de peu de couverture et d’attention à la recherche.

La créativité est peu présente dans les médias, regrettent les auteurs qui citent le peu de référence à Nollywood, par exemple. De même, il est fait peu de place aux femmes et aux jeunes ; leur représentation médiatique aurait même diminué, depuis 2017. Pourtant, l’Afrique revendique les trois premières places de l’indice Mastercard pour la plus forte concentration de femmes propriétaires d’entreprise au monde. Il a également la population la plus jeune au monde. Une faible place serait accordée à l’entrepreneuriat, malgré l’appétit des Africains pour la création d’entreprise.

Les histoires d’affaires en Afrique, et la façon dont elles sont conçues, ont un impact direct sur la motivation et le désir des individus de créer de nouvelles entreprises, et de commercer, d’investir ou de financer des entreprises. Avis aux lecteurs, auditeurs, et journalistes !

 

 

Écrit par
Paule Fax

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