Loubna Serraj reçoit le prix Orange du livre en Afrique

Dans Pourvu qu’il soit de bonne humeur, Loubna Serraj aborde, sous une forme originale mêlant réalisme et surnaturel, la question des violences conjugales. Ce premier roman, qui touche un thème universel, a reçu le prix Orange du livre en Afrique.
Par Véronique Clara-Véronne
La troisième édition du prix Orange du livre en Afrique a rendu son verdict. La lauréate est Loubna Serraj, pour son premier roman, Pourvu qu’il soit de bonne humeur, publié au Maroc aux éditions La Croisée des chemins. Passionnée de littérature, l’auteure est également éditrice, chroniqueuse radio, et tient un blog dans lequel elle livre ses « élucubrations » littéraires, sociales ou politiques.
La sélection comptait Les Peuples du ciel, d’Ahmed Gasmia, L’Écume du temps, d’Ibrahima Hane, Carrefour des veuves, de Monique Ilboudo, Misère, de Davina Ittoo et Le Secret des Barcides, de Sami Mokkaddem.
D’ailleurs, le roman récompensé traite, de manière décalée, de la douloureuse question des violences conjugales, en racontant l’histoire de deux femmes en quête de liberté.
Le prix Orange est organisé en partenariat avec l’Institut français. Pas moins de 74 romans avaient été présentés. Six ont été soumis à l’appréciation d’un jury présidé par l’écrivaine ivoirienne Véronique Tadjo, et dans lequel on retrouve essentiellement des journalistes de la presse africaine et française.
Qui précisent, concernant Pourvu qu’il soit de bonne humeur : « L’auteure s’empare avec assurance et sensibilité d’un sujet hélas encore d’actualité, la violence conjugale. Sujet traité, ici, loin de tout manichéisme. » En effet, la narration est menée jusqu’au bout et se déploie avec succès en plusieurs thèmes.
Le jury relève la transmission générationnelle du traumatisme, la résistance sous toutes ses formes, l’amour multidimensionnel, la dignité face à la souffrance, l’abnégation, ainsi que le désir de liberté. Cet ouvrage nous invite au voyage dans le passé à travers deux personnages, deux époques et deux couples, pour mieux nous faire cerner le présent. « Loubna Serraj interpelle sa société et, partant, tous les pays où les femmes souffrent encore dans leur chair. C’est à une véritable (re)prise de la parole que les lecteurs sont conviés. Un tour de force réussi pour ce premier roman », considère le jury.
Une résonnance particulière au Maroc
La lauréate recevra une dotation de 10 000 euros et bénéficiera d’une campagne de promotion pour son ouvrage. Lequel est édité en France chez Au diable vauvert. Il fait l’objet d’un projet de coédition dans plusieurs pays d’Afrique dans le cadre du Club d’Ouja, un collectif d’éditeurs africains et français.
Pourvu qu’il soit de bonne humeur est un roman à plusieurs voix, notamment celles de Maya et de sa petite-fille, Lilya. Maya se marie à quinze ans, en 1939. S’ensuivent une série de violences conjugales et de silences des témoins. Quelque 80 ans plus tard, Lilya revit le calvaire de sa grand-mère, sans comprendre. « Le personnage de Maya, tiré de faits réels, est une allégorie de plusieurs Maya qui existent de par le monde », justifie Loubna Serraj.
Ce prix trouve une résonance particulière au Maroc, où la loi votée en 2018 contre les violences conjugales peine à être appliquée et est jugée insuffisante par les associations féministes.
DERNIÈRE MINUTE
La sélection du prix RFI Théâtre
Douze textes inédits seront présentés au jury présidé par l’écrivaine sénégalaise Ken Bugul, qui remettra le prix RFI Théâtre le 26 septembre 2021.
Le comité de lecture a reçu près de 150 textes. Parmi les thématiques récurrentes d’une année sur l’autre, on retrouve les conflits générationnels et les contradictions entre modernité et tradition dans la sphère familiale et dans la société.
Beaucoup de pièces évoquent les routes de l’exil, d’autres la condition féminine ou le sort des enfants en temps de paix comme en temps de guerre. La dénonciation de la dictature et de la corruption prend souvent la forme de farces. Et, comme en 2020, une cinquantaine de textes se focalisent sur l’épidémie de la Covid-19.
Les pièces retenues font la part belle à l’Afrique de l’Ouest. Qu’on en juge : Midi, Michel Bapo Bassingue (Bukina Faso) ; Un oiseau l’aube, Jocelyn Danga (Congo) ; Amala, Fatou Diop (Sénégal) ; Diptyque 13, Michael Disanka (Congo) ; Quelque part dans le temps, Basma El Euchi (Tunisie) ; Les Silencieuses, Mireille Gandebagni (Bénin) ; Sandra, Salimata Togora (Mali) ;
Sur les océans, Jean Paul Tooh Tooh (Bénin – Côte d’Ivoire) ; Les arrières-petits-fils du singe, Pelphide Topko (Bénin) ; Roxane, Jerôme Tossavi (Bénin) ; Aucun rempart contre les ténèbres, Djevens Fransaint (Haïti) ; Opéra Poussière, Jean D’Amérique (Haïti).
Le prix RFI Théâtre 2020 avait été décerné à Souleymane Bah (Guinée) pour La Cargaison.
VCV