Secteur privé, Banque mondiale et Cheikh Oumar Seydi
Le nouveau directeur pour l’Afrique subsaharienne de la filiale de la Banque mondiale dédiée au secteur privé, Cheikh Oumar Seydi, fait le point sur les perspectives de développement du continent.
Propos recueillis par Guillaume Weill-Raynal
Quel est votre périmètre d’action, votre cartographie des pays dont vous avez la charge ?
J’ai en charge tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique centrale, de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe. Au total, 49 pays.
Et quel est votre travail, avec ces nombreux pays ? En quoi consiste-t-il prioritairement ?
Comme vous le savez, IFC (Société financière internationale) est l’institution membre du Groupe de la Banque mondiale dédiée au développement du secteur privé. À ce titre, notre mission consiste à réaliser ou faciliter des investissements – sur fonds propres ou à travers notre gamme de produits financiers – mais aussi à fournir des services de conseil à nos clients, qu’il s’agisse d’entreprises ou de gouvernements. IFC est la plus grande institution internationale exclusivement consacrée à l’appui au secteur privé.
Concrètement, quels sont ces produits ?
Nous offrons une gamme variée. Nous finançons des prêts, des prises de participation ainsi que des produits intermédiaires. Aujourd’hui, avec la sophistication de la finance, ces produits sont modelés selon les besoins de nos clients. Nous fournissons aussi des garanties. Nous mobilisons également des capitaux pour le compte de partenaires qui parfois ne maîtrisent pas les risques. Nous servons donc de relais pour ces partenaires, qui nous font confiance en raison des résultats excellents qu’IFC affiche depuis des années maintenant, et ce, même dans des pays jugés difficiles. Ces partenaires nous confient une partie de leur argent que nous associons à nos fonds propres dans certains investissements.
Nos activités tournent autour de quatre à cinq milliards de dollars de financements par an dans ces 49 pays.
Qu’est-ce qui conditionne votre entrée dans le capital d’une entreprise ou d’une institution ?
Il faut d’abord que ces entreprises ou ces institutions aient effectivement besoin de notre apport ou de nos services. Ensuite, nous étudions chaque dossier pour déterminer lequel de nos produits y est le mieux adapté. Nous examinons attentivement aussi la croissance et les risques de chaque secteur où nous considérons un investissement. Sur ces bases, nous décidons soit d’une prise de participation, soit d’un prêt. Cela dépend aussi de la structure et du risque de l’activité que nous devons financer.
L’entrée sous forme de prise de participation conditionne-t-elle aussi votre sortie ?
De manière générale, lorsque nous prenons une prise de participation, nous discutons aussi des modalités de sortie. De nombreuses sociétés sont très prometteuses mais n’ont pas l’assise financière requise par rapport au risque envisagé. Nous nous réservons la possibilité de sortir du capital d’une entreprise à un certain moment.
L’IFC ne se lie jamais « à vie » à une société. Parce qu’il nous faut pouvoir recouvrer nos capitaux pour les consacrer à de nouvelles opportunités d’investissement. De plus, nous ne sommes jamais majoritaires dans l’actionnariat d’une société car nous n’avons pas pour vocation de gérer les sociétés, mais de disposer d’une minorité qui nous permette de peser dans leur gouvernance. Nous avons des programmes qui travaillent à renforcer la gouvernance dans les entreprises – même familiales – et ainsi à optimiser leur productivité et leur compétitivité. Nous aidons donc les entreprises à se lancer ou à assurer leur expansion. Après quoi ces entreprises peuvent se financer à travers le crédit classique.
Y a-t-il un impact concret sur l’économie des pays que vous suivez ?
Absolument. Souvent, nous nous engageons dans des environnements où d’autres investisseurs rechignent à le faire car ils peinent à apprécier ou à réduire le risque lié à leur investissement. Notre label est souvent un gage de sécurité. En effet, quand certains investisseurs apprennent que nous nous engageons dans un environnement même difficile, ils n’hésitent pas à nous suivre !
Dans ce large spectre de vos interventions, quelle est la place de l’Afrique subsaharienne ? Parce qu’elle est très souvent en retard…
Aujourd’hui, l’Afrique est la priorité absolue d’IFC. Il y a une quinzaine d’années, l’Afrique subsaharienne représentait moins de 5 % des engagements de notre institution. Ce chiffre se situe désormais entre 20 % et 25 %. L’ensemble de nos engagements dans la région représente un montant qui varie entre 4 et 5 milliards $. Il y a quinze ans, nous étions la dernière région en matière d’activité.