Malado Kaba (ministre) : « Les objectifs du PND »
En janvier 2016, Malado Kaba est devenue la première femme ministre de l’Économie et des finances en Guinée. Tête de proue d’une vaste série de réformes structurelles, elle revient sur les objectifs du PND.
Propos recueillis par Marie-France Réveillard
Vous avez intégré le gouvernement en pleine crise Ebola. Concrètement, quelles ont été les répercussions économiques de l’épidémie ?
À mon arrivée, la Guinée accusait le double choc de la crise Ebola et de la chute du prix des matières premières. À l’issue de cette épidémie, la croissance était retombée à 3,5 % avec une inflation à deux chiffres. La baisse du cours de la bauxite a été moins sévère que celle d’autres matières premières comme celle du pétrole notamment, mais la situation était très critique. Le déficit des finances publiques représentait 6,8 % du PIB et nos réserves de change ont été très amoindries.
Quelles ont été les priorités définies par le gouvernement pour soutenir la croissance ?
Nous avons poursuivi les réformes engagées au niveau des finances publiques, notamment avec l’accroissement du taux de recouvrement des recettes, une meilleure maîtrise et la qualification des dépenses publiques. Puis, nous avons réduit le taux d’inflation, passé de 20% en 2011 à 8,2% en 2016. Nos efforts ont porté leurs fruits car, en 2017, la croissance atteint 6,7%!
Au niveau monétaire, le taux de change a été stabilisé, une loi relative à l’inclusion financière a été adoptée. Nous sommes aussi en pleine réforme concernant les marchés publics pour augmenter la transparence et généraliser la dématérialisation. Nous avons entamé le règlement de la dette intérieure, dont le niveau pénalise durement nos PME. Nous venons également d’adopter une politique dite de « contenu local » qui doit favoriser le développement de nos PME, grâce aux transferts de technologies.
Quels sont les principaux objectifs associés à cette stratégie ?
Nous avons opté pour la diversification car notre économie reste très dépendante du secteur minier. Le secteur secondaire, incluant les mines, représentait environ 28 % du PIB en 2016. Cela semble peu mais cela correspond à 80 % des revenus d’exportation ! Le secteur tertiaire est le plus important avec une prédominance du commerce, y compris informel – qui représente 47 % de notre économie. Nous souhaitons atteindre une croissance à deux chiffres d’ici à 2020 et pour ce faire, nous donnons la priorité au développement des infrastructures routières et énergétiques, au secteur de l’agriculture et à l’agrobusiness.
À ce jour, nous disposons de six millions d’hectares de terres potentiellement arables dont 80 % ne sont pas exploitées. Nous cherchons aussi à augmenter notre chaîne de valeur dans le secteur agricole ou dans le secteur minier avec la transformation de la bauxite en alumine notamment. Nous développons également notre potentiel hydroélectrique d’une capacité de 6 000 MW que nous voulons exporter, à terme, dans la sous-région. Le développement du secteur énergétique demeure une priorité. Grâce à la mise en service du barrage de Kaleta en 2015, un quart de la population guinéenne bénéficie aujourd’hui de l’électricité, tandis que le barrage de Souapiti qui sera achevé à l’horizon 2020 permettra également de réduire la fracture énergétique.
Quelles sont les dispositions du gouvernement pour attirer les acteurs privés en Guinée ?
Nous souhaitons une participation accrue du secteur privé pour accompagner notre politique de diversification et notamment en matière agricole. Nous avons adopté, à cet effet, une loi consacrée aux partenariats public-privé. Le PNDES sera financé à hauteur de 38 % par le secteur privé, notamment à travers les PPP qui représentent des mécanismes complexes pour lesquels nous avons élaboré un cadre juridique précis, simple et clair. Nous poursuivons les réformes au niveau juridique et réglementaire, lesquelles apporteront des garanties supplémentaires pour rassurer les investisseurs. Les statuts de la magistrature ont été révisés, les rémunérations des magistrats ont été réévaluées pour renforcer leur indépendance. Depuis 2011, plusieurs actions ont été menées dont la création d’un guichet unique, baptisé « One Stop Shop », qui permet de créer une entreprise en 48 heures.
Vous avez récemment dématérialisé la vignette automobile, quels sont les premiers résultats de cette démarche ?
Effectivement, l’acquisition des vignettes automobiles a été dématérialisée via Orange Money. Nous sommes passés d’un niveau de recouvrement de 20 milliards de francs guinéens en 2016 (1,87 million d’euros) à près de 60 milliards en 2017 (5,6 millions d’euros) : les résultats sont sans appel. On évite le plus possible la manipulation d’espèces afin de lutter contre la fraude et sécuriser les recettes.
Nous voulons optimiser l’utilisation du digital et notamment le mobile-banking qui présente l’avantage de créer un lien direct entre les utilisateurs et le percepteur des taxes. Les citoyens acceptent de payer l’impôt s’ils sont assurés de la destination des fonds et de leur bon usage. La crainte d’une mauvaise gestion des comptes publics a longtemps été la source d’une certaine défiance…