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Interview

Régis Immongault, ministre des Affaires étrangères

Régis Immongault, ministre des Affaires étrangères
  • Publiénovembre 29, 2018

Ministre d’État du Gabon, en charge des Affaires étrangères, de la Coopération, de la Francophonie et de l’Intégration régionale, Régis Immongault, décrypte le redressement de l’économie après le trou d’air consécutif au recul des cours du pétrole. Il revient sur le débat autour de la Zone franc.

Entretien avec Omar Ben Yedder

Quel rôle joue la diplomatie dans le développement économique ?

Elle a un rôle essentiel à jouer pour le stimuler ! Le chef de l’État m’a demandé de travailler pour ce ministère en raison de mon expérience d’économiste, justement, afin de mettre en oeuvre une diplomatie économique. Il s’agit là d’une composante essentielle de notre stratégie de politique étrangère. Aujourd’hui, le Gabon a une nouvelle vision de l’économie, destinée à faire profiter une plus large partie de la population du développement.

Le Gabon a eu des désaccords avec des entreprises françaises, comme Veolia et Total. Sont-ils purement d’ordre commercial ou reflètent-ils une volonté d’éloignement vis-à-vis de ces partenaires traditionnels ?

N’y voyez-là aucune tension entre la France et le Gabon. Chacun doit comprendre que le Gabon est un pays qui défend ses intérêts, tout comme la France. Le gouvernement avait accordé une concession à Veolia mais a fait part, à plusieurs reprises, de ses inquiétudes. Il a demandé que la gestion de la concession soit améliorée, mais Veolia n’a pas apporté de réponse satisfaisante. Le Gabon a donc décidé de mettre fin à l’accord.

Quant à Total, le problème est simple. La compagnie pétrolière doit se soumettre à des contrôles fiscaux. Les autorités fiscales ont mis à jour plusieurs éléments, dont nous avons discuté. Il est arrivé un moment où un arbitrage s’est avéré nécessaire pour ajuster la somme exigée.

Où en êtes-vous aujourd’hui, au Gabon, sur le plan de la transparence, de l’État de droit et des contrats ?

Nous poursuivons nos efforts dans ces domaines. Nous pensons à l’intérêt de notre pays. Cela signifie créer un climat équitable et favorable aux investissements. On ne peut favoriser une entreprise par rapport à une autre.

Le Gabon a établi un partenariat public-privé avec Olam. Le groupe singapourien gère la zone économique spéciale ; il a coordonné la construction du port et, aujourd’hui, il doit encadrer la construction d’un nouvel aéroport. Le développement du pays ne dépend-il pas trop d’une seule entreprise privée ?

Nous pouvons travailler avec divers partenaires. Olam est ici ; la société a beaucoup investi dans le pays et a toujours rempli sa mission jusque-là. Si l’entreprise compte investir davantage au Gabon, nous ne pouvons que l’encourager ! Le succès d’Olam ne peut qu’inciter d’autres entreprises à venir investir dans le pays. Il montre aux autres qu’on peut faire des affaires au Gabon et qu’on peut réussir.

Les finances publiques font l’objet de réformes au Gabon, en étroite coopération avec le FMI. Que pensez-vous de son action ?

J’ai dirigé des négociations avec le FMI dans le cadre de programmes avec le Gabon dans les années 2000. Le FMI, avec lequel j’ai mis en oeuvre le programme de 2017 est très différent de celui que j’ai connu. Quand les chefs d’État de la Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale) se sont réunis le 23 décembre 2016 à Yaoundé, pour décider du programme de réformes nécessaires afin d’éviter une plus grande dépréciation monétaire, le chef d’État gabonais a fait savoir clairement à Christine Lagarde qu’il était prêt à négocier un programme avec le FMI.

Toutefois, c’est le Gabon qui a élaboré le programme et le Fonds est venu nous soutenir. Il a amélioré certains aspects mais il s’agit avant tout d’un programme gabonais. C’est le programme que nous mettons en oeuvre, non sans quelques ajustements de cap, qui tiennent en particulier au fait que le Président a jugé que nous devions agir plus rapidement.

C’est pourquoi nous engageons des réformes structurelles qui sont plus importantes que nous ne l’avions annoncé à l’origine. Nous voulons notamment réduire le nombre de fonctionnaires, en particulier dans les bureaux ministériels, et diminuer de 40 % le personnel affecté à la Présidence. C’est une mesure ambitieuse, surtout avant les élections municipales, mais qui doit être prise, compte tenu de l’état de nos finances publiques.

Que pensez-vous du franc CFA, en particulier en matière de mobilisation de ressources nationales, sachant que 50 % des réserves de la Banque centrale sont détenues par la Banque de France ?

Le franc CFA présente certains avantages pour les économies africaines mais il trouve aussi des limites. Nous devons renforcer les avantages du franc CFA, afin que la stabilité monétaire et les taux de change que nous offrons permettent de stimuler nos économies. C’est fondamental. On doit se pencher sur certains problèmes, notamment les réserves détenues hors de nos pays et peut-être un meilleur alignement sur un panier de devises mais, globalement, je dois dire que le franc CFA est une bonne chose pour nos pays… Nous devons résoudre un certain nombre de questions internes avant d’envisager de quitter la Zone franc. Abandonner le franc CFA détruirait nos économies !

Le franc CFA fait-il l’objet de discussions entre la France et le Gabon ?

Nous n’en sommes pas au stade de discuter de l’abandon du franc CFA pour les pays de la Cemac. Nous nous préoccupons davantage de stratégies visant à renforcer la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale). Si la banque centrale est consolidée, si la devise est correctement gérée, nous pourrions envisager ultérieurement de sortir de la Zone franc tout en demeurant au sein de la Cemac, avec la même Banque centrale. Pour le moment, ce n’est pas le cas. À ma connaissance, la France est ouverte sur ces questions. 

Écrit par
Omar Ben Yedder

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