Ezzedine Larbi, un économiste pragmatique

L’influence du professeur Ezzedine Larbi (1948-2021) sur les questions économiques et leur interprétation continue de résonner non seulement dans sa Tunisie natale, mais dans le monde en développement.
Par Omar Ben Yedder
Avec le décès d’Ezzedine Larbi, nous avons perdu un universitaire et économiste de talent qui nous manquera pour sa contribution au développement du continent.
Universitaire, ancien fonctionnaire et économiste de formation, Ezzedine Larbi a joué un rôle important dans la définition des voies du développement économique en Afrique à travers son travail d’économiste à la Banque mondiale, à Washington, et à la BAD (Banque africaine de développement), à Tunis. Au cours des deux dernières décennies, il a travaillé sans relâche sur certains des principaux programmes de réforme économique à travers l’Afrique. Il a été reconnu pour son travail sur le continent et a reçu le Prix d’excellence du président de la Banque mondiale pour sa contribution à l’Initiative des pays pauvres très endettés en 2001.
Son approche de l’économie était d’une simplicité trompeuse. Il croyait en la science économique et en son application, en tenant compte du contexte et des réalités locales.
À la BAD ou à la Banque mondiale, le dynamisme et la passion de l’économiste tunisien pour le développement en Afrique étaient bien connus de ses contemporains. Il aimait travailler avec ses collègues, partager des idées, résoudre des problèmes.
Il tenait bon face aux contradicteurs, car s’il maintenait des convictions fermes et argumentées dans l’économie de marché, il croyait aussi fermement à l’échange d’idées et au débat rigoureux. Il aimait élargir ses recherches à divers aspects de l’économie. Il a publié des articles dans des revues et écrit des livres en collaboration avec le Fonds monétaire international et l’USAID.
Ezzedine Larbi a étudié en Tunisie avant d’obtenir sa maîtrise en économie de l’Université du Minnesota où il était l’élève des futurs lauréats du prix Nobel Thomas Sargent et Christopher Sims. Il a obtenu un doctorat en économie à l’Université de Californie de Los Angeles (UCLA) en 1976. Il a également a décroché un diplôme post-doctoral à Harvard University.
À son retour dans sa Tunisie natale en 1976, il considère comme un devoir à la fois de transmettre ses connaissances et de façonner les générations futures. Il a enseigné dans plusieurs grandes universités de Tunis avant de rejoindre l’Institut des finances et du développement du Maghreb (IFID), un institut de troisième cycle destiné à former les futurs dirigeants et fonctionnaires du Maghreb. L’IFID était considéré comme bien en avance sur son temps, tant dans sa philosophie que dans son approche. Larbi a joué un rôle déterminant dans sa fondation.
Encourager les expériences à l’international
L’économiste a apporté avec lui une manière de penser et d’enseigner anglo-saxonne robuste et pragmatique. Pendant son séjour à l’IFID, il a enseigné à de nombreux étudiants qui exercent désormais des rôles de leadership au sein des gouvernements et du secteur privé au Maghreb. L’une de ses anciennes élèves, Nadia Gamha, actuellement vice-gouverneure de la Banque centrale de Tunisie, évoque avec émotion son passage chez Larbi, qui a supervisé sa thèse dans laquelle elle a obtenu une distinction. Il a encouragé de nombreux étudiants à acquérir une expérience internationale en leur garantissant des stages dans le cadre de programmes de partenariat avec des institutions financières en Europe.
Ezzedine Larbi a rejoint la Banque mondiale – il y était d’abord entre 1979 et 1981 – à Washington en tant qu’économiste, puis a ensuite été détaché à la BAD avant de retourner à la Banque mondiale. Dans ces institutions, le dynamisme et la passion de l’économiste tunisien pour le développement en Afrique étaient bien connus de ses contemporains. Il aimait travailler avec ses collègues, partager des idées, résoudre des problèmes. C’est le fil conducteur de sa carrière. Larbi se considérait comme un patriote non seulement de la Tunisie mais de l’Afrique et il a consacré sa vie aux questions liées à son développement.
Il a continué comme consultant à la fois à la Banque mondiale et à la BAD après le printemps arabe. On peut sentir, dans ses écrits, la frustration face à la politique économique que les gouvernements successifs en Tunisie après 2011 menaient. À travers ses écrits et ses échanges, il a souligné l’urgence d’agir sur les questions économiques pour éviter une aggravation du scénario économique en Tunisie.
@OmarBenYedder