Germaine Acogny, la lionne d’or

À 76 ans, la danseuse et chorégraphe Germaine Acogny reçoit le Lion d’or de danse décerné lors de la Biennale de Venise. Un couronnement pour la franco sénégalaise, qualifiée de « mère de la danse contemporaine africaine ».
Par Marie-Anne Lubin
Elle ajoute son nom à un palmarès prestigieux. Pour la Biennale de Venise, «la contribution de Germaine Acogny à la formation en danse et en chorégraphie des jeunes d’Afrique occidentale et la large diffusion de son travail dans son pays d’origine et dans le monde ont fait d’elle l’une des voix indépendantes qui ont le plus influé sur l’art de la danse».
« Nous voulons que la danse noire s’impose par son caractère propre dans la civilisation moderne et qu’elle prenne la place qui lui revient. Elle jouera alors pleinement son rôle d’animation et de réaction », justifie Germaine Acogny.
Germaine Acogny est la fille de Togoun Servais Acogny, fonctionnaire et auteur des Récits d’Aloopho. En 1968, elle crée à Dakar son premier studio de danse. La corégraphe a notamment dirigé, de 1977 à 1982, Mudra Afrique, l’école de danse fondée par Maurice Béjart et le président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Voilà pourquoi la Biennale de Venise salue celle qui « croit dans la capacité de la danse à changer la vie des gens et elle s’est toujours engagée à partager sa passion comme acte de transformation et de régénération ».

Après des années d’enseignements à Toulouse, à Bruxelles, etc., elle crée l’École des Sables avec son mari, Helmut Vogt. Ce centre international de danses africaines traditionnelles et contemporaines est inauguré en 2004 à Toubab Dialaw, au Sénégal. Bien que régulièrement dans une situation précaire, financièrement, l’École des Sables continue d’employer une dizaine de personnes et de réunir quelques dizaines d’artistes.
Germaine Acogny a aussi créé de nombreux spectacles pour sa compagnie Jant-Bi, avec lesquels elle a tourné dans le monde entier. L’École des Sable ambitionne de reconstituer une nouvelle compagnie autour de ses successeurs, à Dakar.
À noter que le Lion d’argent a été attribué à la danseuse et chorégraphe nord-irlandaise Oona Doherty, 34 ans, « voix puissante de la scène européenne qui affronte les thèmes de l’identité, du genre et de la religion, généralement tenus à distance des projecteurs de la danse ». On retrouvera les deux lauréates à l’occasion du 15e festival international de danse de la Biennale de Venise, qui se déroulera du 23 juillet au 1er août 2021 ; Germaine Acogny y présentera son spectacle « Somewhere at the beginning ».
Suivre le chemin moderne de l’Afrique
En France, Germaine Acogny est une figure incontournable de la saison « Africa 2020 », repoussée à cette année pour cause de pandémie. Elle a apporté sa contribution à de nombreux projets : création Common Grounds au Théâtre de la Ville (Paris), partenaire du QG L’Échangeur et marraine du festival Génération A.

Le prestigieux Lion d’or de la danse a couronné entre autres dans le passé Merce Cunningham, Carolyn Carlson, Pina Bausch, William Forsythe, Sylvie Guillem, ou Maria Ribot, en 2020. L’artiste, célèbre pour sa stature puissante, son crâne chauve et son regard pénétrant, décrit elle-même sa vision sur le site officiel de son école.
« Le mouvement artistique dans lequel j’inscris mon propre travail, bien qu’enraciné dans nos traditions populaires, n’est pas un retour à nos racines. Au contraire, c’est un chemin très différent, résolument urbain et moderne, qui reflète le contexte dans lequel vit l’Afrique aujourd’hui, l’Afrique des bâtiments, l’Afrique des grandes contradictions internationales.
Nous ne voulons pas subjuguer, déduire la danse noire. Nous voulons seulement qu’elle s’impose par son caractère propre dans la civilisation moderne et qu’elle prenne la place qui lui revient. Elle jouera alors pleinement son rôle d’animation et de réaction. »
En décembre 2020, elle a interprété son nouveau spectacle « À un endroit du début », en direct sur les plateformes de l’Internet, pour le Théâtre de la Ville. « Par ce manifeste autobiographique, elle lance un puissant appel pour le respect des traditions africaines et leur beauté immémorielle », commente le théâtre parisien dont elle est l’une des ambassadrices dans le monde.

Entre autres récompenses, Germaine Acogny a reçu en 2019 le prix d’excellence de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), catégorie Arts et lettres.
ML