UEMOA : Vers un financement massif du solaire

Les pays de la zone UEMOA ont désormais à leur disposition tous les instruments financiers clés pour faire de l’énergie solaire un facteur de croissance régionale. À condition de mobiliser avec méthode l’ensemble de ces financements.
Lomé, Edem Gadegbeku
Le déficit énergétique constitue l’un des principaux freins à l’industrialisation et à la compétitivité des entreprises de la zone UEMOA. « Seulement 18 % de la population de l’Union a accès à l’électricité. La grande majorité (82 %) utilise la biomasse avec pour conséquence la déforestation », dresse comme constat la BOAD (Banque ouest-africaine de développement), bras financier de l’UEMOA.
« Il nous appartient aujourd’hui d’accompagner et d’encadrer les porteurs de projets, de renforcer leurs capacités pour mieux formuler leurs projets, même si cela n’est pas notre rôle premier », souligne la BOAD.
La BOAD célébrait son 45e anniversaire, le 14 novembre 2018 à Lomé (Togo), lors d’un Forum consacré à l’énergie solaire.Financiers, investisseurs et scientifiques s’accordent : le développement du solaire serait d’un grand apport à la croissance régionale, une croissance qui serait alors verte. « L’UEMOA enregistre une croissance moyenne annuelle de près de 6,5 % ces cinq dernières années, croissance qui pourrait augmenter si on trouvait une alternative durable à la production de l’énergie thermique (les deux tiers du parc énergétique régional) dans les pays de la sous-région, l’une des plus chères au monde. D’où l’urgence du recours au solaire pour assurer l’indépendance énergétique de nos pays », observe Abdallah Boureïma, le président de la Commission de l’UEMOA.
En la matière, les – rares – investissements étatiques ont été couronnés de succès, de même que les initiatives de certaines start-up dans le solaire, l’opérationnalisation de l’Initiative régionale pour l’énergie (adoptée par l’UEMOA en 2009) et de la « Stratégie Environnement et Climat 2015-2019 » de la BOAD.
Tout cela joue à la fois le rôle de catalyseur et d’accélérateur. Au point de faire passer de « 7 mégawatts en 2008 à 166 mégawatts en 2017 la capacité d’électrification solaire dans l’UEMOA, même si le potentiel énergétique de la région demeure sous-exploité », se félicite Christian Adovelande. Le président de la BOAD poursuit : « Depuis cinq ans, nous avons financé 18 projets portant sur les énergies renouvelables pour un montant total de 185 milliards de F.CFA (282 millions d’euros), largement insuffisant par rapport aux besoins dans ce domaine qui constitue l’avenir de l’Afrique. »
Ainsi, l’objectif stratégique de la BOAD est de faire de l’environnement un nouveau pôle de croissance de ses activités de financement, en portant la mobilisation de ses ressources climat à 50 milliards de F.CFA/an (76 millions d’euros) d’ici à 2021.
Président de la locomotive économique de l’UEMOA et président en exercice de la Conférence des chefs d’État de cette Union, Alassane Ouattara encourage aussi les investissements régionaux dans le solaire. « Le contexte actuel apparaît favorable à la production d’énergie solaire dans notre Union où le niveau d’ensoleillement est de cinq à dix heures en moyenne par jour, avec un coût de production d’environ 40 à 75 F.CFA/kWh contre environ 150 F.CFA/ kWh pour l’électricité produite à base de fioul », compare le président ivoirien.
Disparités au sein de l’Union
Une fois le constat dressé autour des potentialités solaires dans les huit pays de l’UEMOA, se pose la question de l’exploitation efficiente de cette ressource énergétique via le financement optimal de divers projets privés, publics ou au travers des partenariats public-privé.
Une réalité qui transparaît dans les conclusions d’une étude menée sur le solaire dans l’UEMOA par l’ingénieure Clara Kayser-Bril, au nom du CPCS, une société canadienne de conseil. L’étude pointe du doigt dans l’Union « le manque d’expérience en matière de participation privée dans la production d’électricité (sauf en Côte d’Ivoire et au Sénégal), le manque d’expérience avec la technologie solaire, notamment pour les projets de grande taille (à l’exception du Burkina Faso, de la Guinée-Bissau et du Sénégal), la petite taille du réseau électrique des pays de l’UEMOA (sauf la Côte d’Ivoire et le Sénégal), et la faiblesse financière des sociétés nationales d’électricité des pays », à l’exception des deux puissances régionales que sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal.