x
Close
Energie Opinion

La transition énergétique passe par le dialogue social

La transition énergétique passe par le dialogue social
  • Publiéoctobre 4, 2022

Une étude menée sur les politiques de transition énergétique en Algérie, Tunisie et Maroc, insiste la nécessité d’associer les populations aux décisions, notamment à l’échelle des communes. Trop de projets, pourtant indispensables, prennent du retard en raison des défiances.

 

Le potentiel énergétique de l’Afrique du Nord dépasse la dépendance actuelle aux combustibles fossiles et permettrait aux pays de cette région de tirer profit de leurs énergies renouvelables pour accélérer la transition énergétique. Tel est le constat d’ensemble d’une étude, La transition énergétique en Algérie, au Maroc et en Tunisie, conduite par le Natural Resource Governance Institute (NRGI), un club de réflexion qui plaide auprès des décideurs en faveur de la transition énergétique.

L’Afrique du Nord est identifiée comme l’une des régions du monde les plus sensibles au changement climatique, et la transition énergétique est un impératif qui s’impose pour diversifier les ressources d’énergie et renforcer la résilience face aux effets du réchauffement climatique. Bien sûr, ces pays ont déjà adopté des stratégies de transition énergétique : le Maroc vise un total de 52% de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables d’ici à 2030 contre 30% en Tunisie et 27% en Algérie.

Au plan stratégique, les pays d’Afrique du Nord devraient ancrer la transition énergétique dans la production décentralisée d’électricité et donner aux collectivités locales le mandat de développer leurs propres projets.

Le Maroc est le plus avancé des pays maghrébins dans le secteur des énergies renouvelables, en offrant pour l’instant « le meilleur cadre politique et institutionnel et les meilleures conditions pour la production de l’énergie solaire et éolienne », souligne Mohamed Adem Mokrani, auteur de l’étude. Le Maroc accélère sa transition énergétique pour faire face à sa forte dépendance aux importations de combustibles fossiles et bénéficie du raccordement avec le réseau électrique espagnol. Il est vrai que la transition énergétique est l’unique échappatoire pour le royaume du Maroc pour préserver sa sécurité énergétique en réduisant les importations d’hydrocarbures étant donné que sa dépendance énergétique était supérieure à 90 % en 2020.

La Tunisie manque également de ressources naturelles d’hydrocarbures et elle est tributaire des importations d’énergie. Environ 62% des besoins gaziers en Tunisie sont actuellement importés de l’Algérie alors que le pays dispose des ressources renouvelables abondantes (éolienne, solaire, biomasse, hydroélectrique) qui ne sont pas encore très développées.

 

L’Algérie doit redoubler d’efforts

Les gouvernements qui se succèdent poussent vers le développement des énergies renouvelables pour combler le manque d’autosuffisance énergétique mais ils doivent résoudre les difficultés qui ralentissent cette transition énergétique notamment la méfiance qui prévalait dans les rangs de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG), attachée à son monopole.

On le sait, l’Algérie est le plus riche en énergie fossile parmi les pays étudiés. Cette situation entraîne une forte dépendance aux hydrocarbures qui ralentit la conception d’une vision globale pour le développement en Algérie. Le pays dépend presque exclusivement des énergies fossiles et subit négativement l’instabilité des prix des hydrocarbures sur le marché mondial, ce qui affecte ses ressources financières. De plus, la production de l’électricité repose essentiellement sur le gaz au détriment des énergies renouvelables. Ainsi, la sortie de la crise multidimensionnelle que connaît l’Algérie est conditionnée par la diversification énergétique et l’exploitation du potentiel solaire important.

Le rapport met en avant l’« acceptation sociale » de la transition énergétique. En effet, la réalisation des projets liés à la transition énergétique dépend en partie de la participation des citoyens et de la société civile pour aboutir à une production d’énergie décentralisée et en complémentarité avec les projets d’énergies renouvelables à grande échelle. « L’esprit participatif de la transition énergétique doit prendre en compte les intérêts des citoyens notamment en termes d’emplois dans la planification des projets d’énergies renouvelables. » Les porteurs des projets et les autorités de tutelle doivent tisser des liens de partenariats durables avec les groupes locaux en mettant à leur disposition les informations nécessaires sur les projets et en les impliquant dans les débats et les consultations. Ces formes de collaboration permettent de développer les comportements de citoyenneté énergétique et favorisent la décentralisation de la production de l’électricité à partir des énergies renouvelables.

 

Des projets retardés

D’ailleurs, au Maroc, le projet Noor Midelt a adopté une démarche participative en procédant par des réunions d’information et en établissant un accord des parties prenantes. À l’opposé, le contexte tunisien est plus tendu. Les infrastructures de l’énergie ont été la cible de plusieurs protestations sociales depuis 2011. La transition démocratique tunisienne a été accompagnée par des vagues de manifestations scandant la consolidation de la souveraineté nationale sur les ressources énergétiques. Des campagnes comme « winou el-petrol » (où est le pétrole ?) ou les sit-in de Kamour ayant bloqué la production pétrolière dans le sud de la Tunisie, à deux reprises en 2017 et en 2020, témoignent de la sensibilité des questions énergétiques chez les communautés locales pour des motifs socio-économiques et environnementaux.

De même, des composantes de la société civile se sont mobilisées contre l’extraction du gaz schiste dans d’autres régions comme à Kairouan en critiquant l’impact environnemental de la fracturation hydraulique.

Et la société civile tunisienne est mobilisée depuis 2011 contre les effets de la ferme éolienne à Borj Salhi – Nabeul ; des défaillances qui ont entaché ce projet au stade de l’expropriation des terrains et de l’étude de l’impact social et environnemental. Ce parc éolien montre la face sombre des énergies renouvelables et menace l’acceptabilité sociale des projets de centrales éoliennes en Tunisie.

« Pourtant, les sources d’énergie renouvelable devraient être perçues comme une opportunité pour consolider l’indépendance énergétique du pays et une solution pour utiliser les capacités propres du pays pour la promotion du développement économique et humain », regrette NRGI. Selon qui la transition énergétique tunisienne n’est pas uniquement un défi technique, elle est l’espoir d’un changement sociétal profond.

Le voisin algérien n’a pas connu jusqu’à présent des manifestations contre les projets d’énergies renouvelables mais la population algérienne tient à ses ressources énergétiques et à la protection de l’environnement.

 

Des régulateurs autonomes

Aussi l’auteur plaide-t-il pour la promotion d’une « citoyenneté écologique », prenant l’exemple du Maroc qui implique les citoyens à l’échelle des communes. La Tunisie, plus timide, avait engagé un « débat national », en 2013, et son Code des collectivités locales constitue une base solide à la discussion ; partout, les « small grids » peuvent intéresser les populations, notamment les agriculteurs.

Le rapport se conclut par une série de recommandations. Elles ont trait aux aspects institutionnels. Par exemple, il serait temps que la Tunisie se dote d’un régulateur de l’électricité et que le régulateur algérien soit davantage autonome des pressions politiques. Sur le plan social, il est impératif d’engager des processus de dialogue participatifs avec les communautés locales avant la réalisation des projets d’énergies renouvelables, de privilégier les populations locales en matière d’emploi et de les consulter davantage. Le rôle des collectivités locales doit être renforcé.

Enfin, sur le plan stratégique, les pays d’Afrique du Nord doivent ancrer la transition énergétique dans la production décentralisée d’électricité et donner aux collectivités locales le mandat de développer leurs propres projets.

Les smart grids et micro-réseaux locaux permettent de sécuriser l’approvisionnement dans les zones reculées. Tandis que l’on peut permettre aux agriculteurs de diversifier leurs activités en produisant localement une partie de l’électricité dont ils ont besoin à partir des énergies renouvelables.

@AB

 

Écrit par
Laurent Soucaille

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *