Guinée Eqauatoriale : La nécessaire diversification

La Guinée équatoriale n’a pu maintenir ses équilibres fondamentaux qu’au prix d’une politique d’austérité qui a durement touché la population. Son développement passe par un plan ambitieux de diversification de l’économie. Il y a urgence.
Malabo, Guillaume Weill-Raynal, envoyé spécial à Malabo
En juin 2017, la Guinée équatoriale accédait dans les classements internationaux au statut, envié sur le continent, de Pays à revenu intermédiaire (PRI) élevé.
Aujourd’hui, Malabo offre aux yeux du visiteur la vision d’une capitale bénéficiant d’infrastructures impressionnantes – autoroutes, bâtiments publics, université, logements sociaux, hôtels cinq étoiles, réseau d’eau, d’électricité et d’assainissements – qui, à la faveur du boom pétrolier, ont émergé en deux décennies.
Derrière cette façade et malgré certains indices macroéconomiques flatteurs qui, en dépit de la crise se sont maintenus à un niveau appréciable (en 2017, la Guinée équatoriale était classée par le FMI à la 44e place du PIB par habitant, au même niveau que la République tchèque), la réalité de la situation économique du pays, après la récession consécutive à la baisse continue des cours du pétrole, est moins souriante : la partie la plus pauvre de la population n’a pas vu son sort s’améliorer sensiblement.
Depuis les années 1990-2000, la Guinée équatoriale assurait son développement sur une économie de rente, fondée exclusivement ou presque sur l’extraction des matières premières.
La dépendance à l’or noir n’explique pas tout, mais elle a largement contribué à plonger le pays dans la situation difficile qu’il connaît aujourd’hui. En 2014, l’exploitation pétrolière et gazière représentait 58,1 % du PIB et 98,3 % de ses exportations.
Aujourd’hui, le pétrole compte pour 60 % dans le PIB du pays et pour 59 % des exportations (86,5 % pour l’ensemble des hydrocarbures), générant, au total, 80 % des revenus fiscaux.
Si la baisse des cours a débuté en 2008, la croissance économique a pu se poursuivre pendant cinq ans, avant de chuter en 2013. Les prévisions autorisent un optimisme prudent, puisque le FMI envisage une croissance positive dès cette année.
Cure d’austérité
Une situation qui a fait apparaître en pleine lumière le déséquilibre sur lequel le développement du pays s’était jusqu’alors construit, au détriment des secteurs traditionnels de l’économie, véritables créateurs de valeur ajoutée.
Un « paradoxe de la croissance », pointé, en 2007, dans un rapport adressé au gouvernement par le cabinet de conseil Performances Group. Les infrastructures construites dans l’euphorie du boom pétrolier ont été surdimensionnées.
Un pari louable sur l’avenir, mais peut-être trop ambitieux par rapport aux besoins immédiats ou à moyen terme des populations. Et qui a capté à lui seul les revenus du pétrole. Le secteur secondaire n’a quasiment pas bougé en part de PIB, passant de 30 % en 2011 à 32,7 % en 2017.
Quant au secteur tertiaire, il se trouve aujourd’hui à quasi-égalité avec le secteur primaire. Il a progressé de 22,2 % à 37,2 % sur la même période, le pétrole ne jouant plus son rôle moteur dans la croissance et le développement global.
Les grands travaux d’infrastructures ont été différés. Le gouvernement a adopté des politiques de réajustement budgétaire et d’austérité. Certes, ces politiques ont porté leurs fruits.
L’inflation est faible : 0,9 %. Le déficit budgétaire a été ramené à 2,9 % du PIB en 2017. Sur la même période, le déficit de la balance des paiements courants est revenu à 1,3 %. Le solde budgétaire est redevenu positif. Et le déficit de la balance commerciale a reculé.
Des objectifs revus
Cette rigueur a un prix. Et ce qui aurait dû être fait sur le plan du développement humain à l’époque ou la rente pétrolière coulait à flots, est aujourd’hui plus difficile à conduire.
Le cercle vertueux dans lequel le bon élève a tenu à s’engager aux yeux des institutions internationales ne doit pas plomber les investissements et le développement.
Les solutions existent, résumées en un mot : la diversification de l’économie, par un retour aux secteurs traditionnels qui, pour certains, ont toujours représenté une source d’opportunités pour la Guinée équatoriale, mais qui avaient été négligés jusqu’à présent.
Et qui pourront bénéficier d’un réseau d’infrastructures – notamment routières – qui constituera demain un atout précieux dans les connexions et les échanges commerciaux aussi bien sur le plan intérieur qu’avec les autres pays de la sous-région.
La troisième Conférence économique nationale a achevé ses travaux le 4 mai, faisant suite à la deuxième Conférence, qui avait conduit, il y a quelques années, aux grands travaux d’infrastructures.
Une échéance a été fixée, reportant à 2035 les objectifs de développement déjà contenus dans le plan Horizon 2020, élaboré en 2008. Une redéfinition des priorités qui s’appuie sur ce qui a déjà été réalisé.
Dans ce contexte, le secteur du pétrole et de l’énergie continuera, bien sûr à jouer son rôle, mais en synergie avec la politique de diversification. De nouvelles explorations et de nouveaux forages sont à l’étude.
Et si la remontée des cours, qui a vu passer le prix du baril à 70 $, représente une bouffée d’oxygène salutaire pour la mise en oeuvre du dernier budget élaboré en fonction d’un prix de 50 $, il n’est pas question de revenir à une stratégie du tout-pétrole qui appartient au passé.
Trouver de nouveaux relais de croissance
Les secteurs clés ont été identifiés. Pêche et aquaculture, agriculture (comprenant l’élevage, les cultures vivrières et maraîchères, mais aussi le bois), le tourisme et les transports.
Aujourd’hui, la Guinée équatoriale est encore largement tributaire des importations pour nourrir ses habitants. Le plan de développement de l’agriculture vise bien sûr à atteindre l’autosuffisance alimentaire, mais surtout la production de produits transformés destinés à l’export. Si le pays possède…
Le plan de développement de l’agriculture vise bien sûr à atteindre l’autosuffisance alimentaire, mais surtout la production de produits transformés destinés à l’export.
… d’abondantes terres arables exceptionnellement fertiles, le développement d’une industrie agroalimentaire ne peut faire l’économie de programmes ambitieux d’éducation et de formation des populations. Qui demandent du temps, et de l’argent.
L’assistance du FMI
Les exportations pourront bénéficier de l’excellente qualité du réseau routier, qui constitue un appréciable atout pour l’ensemble des autres programmes de diversification de l’économie, grâce aux connexions qu’il permet avec les autres pays de la sous-région, notamment le Gabon et le Cameroun.
Tout comme le port en eaux profondes de Malabo qui, par sa position géographique privilégiée, pourrait constituer un hub commercial assurant la connexion entre l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest. La compagnie aérienne nationale Ceiba Intercontinental apparaît également comme un acteur au potentiel important, aussi bien pour le développement du commerce que du tourisme.
Reste l’éternelle et épineuse question du financement qui pourrait permettre au programme de diversification d’atteindre ses objectifs, et qui ne pourra pas se passer de l’appel au secteur privé, par le biais de partenariats public-privé, préférés à d’éventuelles privatisations qui ne sont pas, en l’état, envisagées.
La ressource publique peut être augmentée. Comme partout en Afrique, mais plus encore en Guinée équatoriale, les recettes fiscales souffrent de la part importante de l’économie informelle.
C’est tout l’objet des discussions entreprises depuis 2016 avec le FMI, auprès duquel le gouvernement a sollicité une assistance technique pour l’aider à restructurer sa fiscalité. Il faudra aussi garantir aux acteurs extérieurs la sécurité de leurs investissements destinés à réaliser les objectifs de la diversification, au sens large.
Car il s’agit du développement des secteurs économiques identifiés par une politique globale de développement humain, en matière d’accès aux services sociaux, de santé, d’éducation, et de formation professionnelle. Le travail à accomplir est immense.