Maroc : Casablanca Finance City…
Casablanca Finance City souhaite s’imposer comme le premier hub financier d’Afrique en créant un écosystème qui favorise les investissements sur le continent.
Par Omar Ben Yedder
Le hub économique et financier Casablanca Finance City (CFC) a été officiellement inauguré en décembre 2010 pour stimuler les investissements en Afrique. Aujourd’hui, il regroupe 150 entreprises et on estime que 74 % des IDE (Investissements directs étrangers) marocains et des flux d’investissements à destination de l’Afrique transitent par le CFC.
Récemment, Londres a accueilli plusieurs événements dédiés aux investissements pour l’Afrique. Le cabinet d’avocats DLA Piper, membre du CFC, a organisé une journée pour présenter les opportunités africaines d’investissement à ses clients, tandis que la Bourse de Casablanca a animé une journée similaire au London Stock Exchange.
Ces deux événements, sans relation entre eux, illustrent bien l’intérêt que portent les investisseurs aux marchés frontières et émergents.
Présente à la journée de DLA Piper, Manal Bernoussi, directrice de la stratégie et du marketing du CFC, a précisé que bien qu’il soit encourageant de voir que le Royaume-Uni s’intéressait aux investissements en Afrique, cela ne s’était pas traduit suffisamment par des accords concrets. Pour l’heure, les investissements demeurent faibles, selon les normes internationales.
Sur les 150 entreprises membres du CFC, 40 % sont des groupes européens mais seules cinq sociétés sont britanniques. « Si l’on veut accroître le niveau des investissements dans nos économies, l’un des moyens d’y parvenir consiste à rapprocher les partenaires internationaux du marché, ce qui fait l’attrait du CFC », explique Manal Bernoussi.
Comme le DIFC à Dubaï, le CFC propose des infrastructures et équipements modernes sur un site de 100 hectares, dont la moitié est réservée aux espaces verts. La première tour est sur le point d’être achevée et accueillera les premiers locataires d’ici la fin de l’année.
Bien sûr, le CFC voit bien plus loin. Pour devenir membre du hub, les sociétés doivent montrer qu’elles s’intéressent vraiment à l’Afrique, indique-t-elle. « Le CFC n’est pas ouvert à tous. L’entreprise doit présenter un business plan et prouver qu’une partie de ses activités et de ses investissements est axée sur l’Afrique », ajoute-t-elle.
Le CFC cible généralement les sociétés dans les secteurs des services financiers (sauf la banque de détail), les services professionnels (cabinets juridiques, comptables, etc.), les holdings africains, ainsi que les sièges régionaux des multinationales.
Un pool d’expertise
Les membres du CFC regroupent des sociétés internationales telles que BNP Paribas, Boston Consulting Group, AIG et plusieurs gestionnaires de fonds, cabinets juridiques et établissements bancaires. Le CFC abrite également le Fonds Africa50, lancé par la Banque africaine de développement pour développer les investissements dans les infrastructures en mobilisant des capitaux publics et privés. Manal Bernoussi estime que cet écosystème permettra de créer une dynamique qui stimulera les investissements en Afrique.
À la question de savoir si le CFC pourra compter sur les banques marocaines pour financer les projets et le commerce de ses membres, Manal Bernoussi répond que tel n’est pas là l’objectif. Elle estime que le CFC sera une réussite s’il permet de mobiliser davantage de capitaux provenant d’Europe, des Amériques, d’Asie et d’autres marchés. Aujourd’hui, l’Afrique représente moins de 5 % des flux mondiaux d’IDE.
Elle est convaincue que regrouper les sociétés qui ont une mission axée sur l’Afrique contribuera à accroître les flux d’investissement vers le continent et à créer un pool d’expertise et de partenaires qui collaboreront davantage. « Nous créons un réservoir unique de compétences et de connaissances, un écosystème de banquiers et de services spécialisés. Pour investir en Afrique, il faut être en Afrique », affirme-t-elle.
Leader du financement écologique
Le CFC propose des avantages attractifs aux investisseurs. Les membres bénéficient de procédures administratives simplifiées,
Regrouper les sociétés axées sur l’Afrique au Casablanca Finance City contribuera à accroître les flux d’investissement à destination du continent. Le partage d’idées et d’informations entre les investisseurs africains constitue l’essentiel de la valeur apportée.
d’infrastructures matérielles (en fin de réalisation) et d’avantages fiscaux, mais le partage d’idées et d’informations entre les investisseurs africains constitue l’essentiel de valeur apportée. À cette fin, le CFC organisera des ateliers et la présentation des dossiers d’experts sur des secteurs et des pays, qui seront mis à la disposition de ses membres.
Le CFC veut se positionner comme un leader du financement écologique et durable. L’Afrique, constate Manal Bernoussi, est le continent le plus vulnérable face au changement climatique mais c’est aussi celui qui possède le plus fort potentiel en matière de financement écologique. « Nous sommes parvenus à attirer des fonds orientés sur les investissements verts, comme Global Nexus ou Finance in Motion. Les membres de notre communauté apporteront l’expertise tandis que nous organiserons des événements pour sensibiliser les publics. »
Le centre souhaite aussi devenir un hub régional de la finance islamique – le Bahreïn domine au Moyen-Orient et la Malaisie en Asie. Pour y parvenir, il faut attirer d’autres acteurs de ce secteur et créer, là encore, un pool d’expertise et de savoir-faire.
Casablanca Finance City est classé premier centre financier africain depuis 2015 par l’indice Global Financial Centres, un think tank britannique. C’est un succès important pour le CFC, compte tenu du fait que ce classement ne tient pas compte uniquement de la facilité à faire des affaires et autres indicateurs internationaux, mais aussi de l’opinion d’acteurs internationaux des services financiers.
Pour Manal Bernoussi, l’objectif du CFC n’est pas de faire concurrence aux autres centres financiers africains mais plutôt de répondre à la nécessité de créer des centres financiers plus solides sur le continent. « L’Afrique a besoin de multiples centres financiers pour servir le continent », assure-t-elle.
Des liens à renforcer
Dans un monde interconnecté, ces centres devront travailler de concert. D’ailleurs, le CFC s’est déjà associé à des partenaires, tels que le centre financier d’Astana (pour la banque islamique), la City à Londres (sur les produits dérivés, les assurances et l’immobilier) et Paris (innovation financière).
Manal Bernoussi est convaincue que le retour du Maroc dans l’Union africaine et, plus récemment, sa demande d’adhésion à la CEDEAO, ont joué en sa faveur. Une meilleure intégration régionale est essentielle pour les investisseurs.
C’est pour cette raison que le CFC s’associe à des organismes de promotion des investissements. Dans cette optique, Yewande Sadiku, de la Commission de promotion des investissements nigériane, s’est rendue au Maroc, en mars 2018, pour renforcer les liens entre les membres du CFC et les partenaires nigérians, ainsi que pour donner plus d’informations sur les opportunités d’investissement.
« Nous sommes un vrai centre financier africain. Nos membres couvrent 46 pays d’Afrique », se réjouit Manal Bernoussi. Elle insiste sur le fait que, sans une meilleure collaboration sur le continent et la création de ces pools de savoir-faire, les flux d’investissements demeureront insuffisants pour transformer le continent.