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Economie

Le ministre Issa Doubragne pour ou contre le F.CFA ?

Le ministre Issa Doubragne pour ou contre le F.CFA ?
  • Publiéjanvier 21, 2019

Un sommet extraordinaire des chefs d’État et du gouvernement de la Cemac s’est tenu le 25 octobre 2018 dans la capitale tchadienne. Le ministre Issa Doubragne* explique les différentes décisions prises et réfute toute menace de dévaluation du franc CFA.

Propos recueillis à N’Djaména par Geoffroy Touroumbaye

Comment expliquez-vous les tensions constatées lors du Sommet de N’Djaména ?

Les discussions ont été franches, très constructives. Les chefs d’État et de gouvernement ont pris la hauteur et la gravité de la situation que nous encourons. Le 23 décembre 2016, il avait été convenu, à Yaoundé, par les chefs d’État eux-mêmes, que pour sortir de la crise, il nous fallait une stratégie.

Le sommet de N’Djaména avait pour objet d’évaluer le chemin parcouru jusqu’à ce jour. Ce qui n’a pas été de soi. Il était prévu un sommet ordinaire au cours duquel le Tchad, qui assure la présidence en exercice de la Cemac, devrait passer la main au Cameroun, selon le principe de rotation en vigueur. Mais le Tchad avait un certain nombre de réformes à évaluer avant de passer le flambeau.

Du côté monétaire et financier, nous avons beaucoup avancé. Malgré les difficultés, la BEAC est une intégration réussie, elle permet la circulation de la monnaie commune.

Nous observons aussi une accélération de situations : la réunion du comité monétaire de la zone Franc à Paris et les réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Bali, en Indonésie.

Le FMI nous a alertés de l’inquiétude des bailleurs vis-à-vis de la zone Afrique centrale. La réunion de N’Djaména a ainsi pris des engagements forts, francs et massifs, pour permettre à la zone de sortir de la mauvaise passe et de s’engager vers une économie résiliente, diversifiée, qui crée de l’emploi, qui génère des revenus pour des investissements dans les axes stratégiques de développement communautaire.

L’une de ces mesures est le rapatriement des ressources d’exportation. Quelle est la situation exacte ?

C’est un sujet sur lequel nous n’avons pas beaucoup avancé. À N’Djaména, tous les pays ont été encouragés à rapatrier les ressources issues de l’exportation des produits de la sous-région, pour augmenter le niveau de nos réserves de change.

Il est aussi question d’analyser les conventions qui nous lient aux entreprises internationales à l’effet de vérifier si ces contrats sont avantageux ou pas. Le FMI est disposé à nous accompagner dans cette évaluation, de même que la Banque africaine de développement.

Un autre engagement pris, c’est la gouvernance de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (Bdeac). C’est une exigence du FMI ?

La Bdeac est une institution bancaire, mais orientée vers le développement, dont l’actionnaire majoritaire est la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale) qui détient 30 % des avoirs.

Tous nos partenaires, autant que nous-mêmes, déplorent le cumul de fonctions du président du conseil d’administration et du président de gestion à la Bdeac. Même dans les entreprises ordinaires, il n’est pas normal que le dirigeant qui budgétise les dépenses soit le même qui les ordonne, qu’il fixe lui-même ses rémunérations.

Ceci n’est pas le statut d’une banque que nous voudrions de développement, qui attire les financements internationaux. Il faut donc qu’elle ait un statut qui rassure, une réputation irréfutable.

En l’état, ce n’est pas le cas parce que la gouvernance a jeté le discrédit sur la situation. La résolution des chefs d’État est claire : il faut séparer les deux fonctions, mettre en place les deux organes de crédits et de rémunérations et poursuivre, d’une manière générale, les autres réformes pour permettre que d’ici à la fin de l’année, la Bdeac soit une banque crédible, forte et capable d’investir dans le développement de nos pays.

La réforme ne concerne pas seulement la BDEAC. Qu’en est-il de la Commission de la Cemac dont le président, Daniel Ona Ondo, a réclamé une place centrale dans le processus décisionnel ?

Les réformes ciblent toutes les institutions de la Cemac qui sont budgétivores mais dont la qualité des services reste à désirer. Il s’agit d’engager véritablement des réformes pour rationaliser nos ressources et démontrer à nos partenaires que leurs contributions apportent des résultats encourageants et non qu’elles alimentent un personnel inefficace.

Autre sujet évoqué à N’Djaména, le niveau des échanges commerciaux entre les pays de la Cemac qui est faible. Comment pouvez-vous expliquer cette situation ?

Il est incompréhensible qu’aujourd’hui, certains pays aillent acheter, par exemple, de la viande en Amérique du Sud ! Regardez le volume des dépenses que nous investissons dans d’autres économies étrangères, privant nos économies régionales des ressources issues de nos propres exportations.

Nous importons des meubles ! Nous sommes six pays proches, et nous dépensons ailleurs nos sous dont nos pays ont besoin pour financer nos économies ? Nous importons des produits finis ; nous sommes des économies de consommation et non de production. Une situation que les chefs d’État ont déplorée. Ils ont appelé les six pays à encourager le commerce intrarégional.

Le sommet de N’Djaména a réaffirmé l’urgence de mettre en oeuvre toutes les mesures contenues dans les programmes conclus avec le FMI, pourtant tous les pays de la Cemac n’ont pas conclu ces programmes. Comment allez-vous faire ?

Nous sommes six pays (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine et Tchad) ; seuls quatre sont en programme avec le FMI : le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine et le Tchad, plus la Guinée équatoriale qui est en programme de référence.

Le président de la Commission de la Cemac a qualifié le Congo et la Guinée équatoriale pays de « passagers clandestins»…

Non, il n’y a qu’un seul passager clandestin !

Soit ! Mais si le problème congolais persiste, que fera la Cemac ?

Il a été aussi demandé que l’UEAC dont je suis président et l’UMAC présidé par le ministre gabonais des Finances, mettent en place rapidement des instruments de contrôle, de coercition, qui n’existent pas encore. Quand un pays ne respecte pas les règles communautaires, il faut qu’il soit entendu et éventuellement sanctionné. Il n’est pas admissible que vous soyez dans une communauté dont vous bénéficiez des avantages et que vous ne veuillez pas partager les inconvénients. C’est un mariage bien difficile.

Écrit par
Geoffroy Touroumbaye

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