Congo : Des signes de reprise
Les autorités n’ont pas caché leur satisfaction après la conclusion d’un accord de principe avec une mission du FMI sur des appuis budgétaires en faveur de la République du Congo. La partie n’est pas gagnée pour autant.
Brazzaville, JJ Arthur Malu-Malu
Le Fonds monétaire international serait disposé à soutenir le Congo qui traverse une crise économique aiguë, générée par l’effondrement des cours de pétrole sur les marchés internationaux, depuis 2014. La décision finale dépendra toutefois du Conseil d’administration de l’institution de Bretton Woods qui n’envisage pas d’envoyer une autre délégation à Brazzaville avant juin.
« La mission s’est félicitée de la décision des autorités congolaises de rendre pleinement compte au Parlement et à la population de la gestion des ressources naturelles et des grands projets d’investissements dans les infrastructures au cours des récentes années. Une forte participation de la société civile sera cruciale pour la réussite des réformes de la gouvernance», a indiqué le FMI dans un communiqué sibyllin.
Cette annonce est intervenue après des signaux de bonne volonté envoyés par le président Denis Sassou N’Guesso. Le chef de l’État a procédé à quelques réaménagements en vue d’améliorer la gestion, tant décriée, des finances publiques. C’est dans ce cadre que s’insèrent de nouvelles nominations à la tête de la Société nationale des pétroles du Congo (SNCP), ainsi que le soudain activisme de la Commission nationale de lutte contre la corruption, la fraude et la concussion. Cette Commission, restée longtemps en léthargie, a lancé une série de procédures contre des responsables soupçonnés de détournement de fonds publics. Pourtant, les discussions entre les deux parties, ouvertes en 2017, s’étaient mal emmanchées.
Une dette voisine de 110 % du PIB
D’un côté, le FMI mettait sur la table des exigences destinées à améliorer « la gouvernance » du Congo où la corruption est répandue ; de l’autre, un pays en position de faiblesse, qui refusait pourtant de jouer cartes sur table. Ce jeu du chat et de la souris s’est étalé sur plusieurs mois, jusqu’à ce que les autorités congolaises reconnaissent avoir masqué l’ampleur de la dette publique.
Dans un premier temps, les autorités avaient laissé entendre que cette dette oscillait autour de 70 % du PIB et s’étaient montrées réticentes à fournir tous les documents que l’institution financière internationale demandait pour tirer les choses au clair. Poussé dans ses derniers retranchements, le Congo, qui n’a pas pu obtenir de fermes promesses d’aide de ses autres partenaires traditionnels, a admis que la dette publique, estimée à environ 8 milliards d’euros, se situait, en réalité, à quelque 110 % de son PIB.
Si le Conseil d’administration donne son feu vert pour le décaissement des fonds en faveur du Congo, une délégation du FMI se rendra à nouveau dans la capitale congolaise pour finaliser les pourparlers et signer l’accord. L’opposition congolaise en exil, qui pourfend habituellement les méthodes de gestion de Denis Sassou N’Guesso, est divisée sur…
Le Congo est censé accroître substantiellement sa production de pétrole dans les prochains mois, à la faveur notamment de la montée en puissance de Moho Nord, ce champ pétrolier situé en mer profonde, au large de Pointe-Noire.
…cette question. Certains voient d’un mauvais oeil une possible intervention du FMI. Les figures emblématiques de l’aile la plus dure de cette opposition considèrent que l’institution financière internationale pourrait ainsi apporter une bouée de sauvetage à un régime aux abois.
D’autres ne s’opposent pas à l’idée de voir le FMI voler au secours de Brazzaville. Malgré tout, ils plaident pour que le FMI se montre plus regardant avant de mettre la main à la poche. « Nous estimons que Denis Sassou N’Guesso a le devoir politique et moral de respecter toutes les exigences formulées par le FMI avant de bénéficier de ce bol d’air. Tant qu’il ne les remplit pas, il n’y a aucune raison que la première tranche de l’aide soit versée. Le FMI doit se montrer plus regardant, car le pays n’est ni apaisé, ni pacifié », a expliqué Joseph Ouabari Mariotti, ancien ministre de la Justice et représentant de la Fédération de l’opposition congolaise en Europe.
Meilleures perspectives
De son côté, la France n’est pas en reste. Elle a promis un financement, sous certaines conditions. À l’issue d’une visite éclair à Brazzaville, en avril, le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, a, en effet, déclaré que Paris serait prêt à mettre 135 millions d’euros sur la table, si et seulement si le Congo parvenait à un accord avec le FMI.
Le ciel semble s’éclaircir pour le pays. Les cours de l’or noir, dont est tributaire l’économie nationale, poursuivent lentement mais sûrement leur remontée sur les marchés, après une longue période de recul. Cette tendance laisse augurer des perspectives plus intéressantes pour le Congo qui est censé accroître substantiellement sa production dans les prochains mois, à la faveur notamment de la montée en puissance de Moho Nord.
Ce champ pétrolier situé en mer profonde, au large de Pointe-Noire, la deuxième ville du pays, est entré en production en mars 2017. Les estimations du ministère des Hydrocarbures ne font pas état d’un ralentissement à court terme de la production pétrolière, qui est passée de quelque 250 000 barils par jour en 2016 à environ 300 000 barils par jour en 2017. La tendance devrait se consolider au cours de l’année 2018, si aucun événement majeur ne venait perturber les marchés.
Une autre bonne nouvelle pour le gouvernement : après être tombée en récession en 2016, l’économie reprend peu à peu des couleurs et devrait croître de 4 % cette année, d’après les chiffres officiels.
Les fonctionnaires ont, pour la plupart, été payés, après avoir inhabituellement cumulé plusieurs mois d’arriérés de salaires. À l’inverse, les employés de l’université Marien Ngouabi et du Centre hospitalier universitaire de Brazzaville attendent le virement de leurs salaires. Certains depuis des mois. Entre-temps, les mouvements de grève qui avaient paralysé des pans entiers du secteur public n’ont plus été reconduits, comme si les dirigeants syndicaux s’étaient résolus à prendre leur mal en patience.
Reste que l’augmentation escomptée des recettes de l’État ne résorbera pas la crise du jour au lendemain. Le remboursement de la dette laisse peu de marge de manoeuvre au Congo qui a décidé de geler certains projets d’investissements, en attendant des lendemains qui chantent.
Pendant ce temps, la ville de Brazzaville affiche une mine triste : ici et là des chantiers de construction sont à l’arrêt. Et à Pointe- Noire, des employés du secteur pétrolier licenciés en raison de la crise, ont grossi les rangs des nombreux chômeurs en quête d’une source régulière de revenus.