16è Convention Europe – Afrique du Nord

En quête d’ancrages sûrs des deux côtés de la Méditerranée, les partenariats entre pays européens et du Maghreb veulent se réinventer et parient sur l’économie sociale et solidaire, ainsi que sur les start-up du numérique.
Par Nicolas Bouchet
Afin de trouver des « solutions pour entreprendre, s’informer et travailler ensemble », les participants de la 16e Convention Europe – Afrique du Nord, tenue à Bordeaux les 15 et 16 février 2019, entendent participer à l’innovation sur les deux rives de la Méditerranée.
Les représentants de sept pays (Algérie, Maroc, Mauritanie, Tunisie, Libye, Allemagne et France) ont porté leur attention sur les occasions de structurer les échanges par le biais de l’économie solidaire et sociale (ESS) et surtout des start-up du numérique.
Les représentants de sept pays ont porté leur attention sur les occasions de structurer les échanges par le biais de l’économie solidaire et sociale et surtout par celui des start-up du numérique.
S’ils sont attentifs à l’offre de conseil technique et à trouver des partenaires financiers, les intervenants n’oublient pas les objectifs d’intégration régionale.
Mohamed El Ouahdoudi, président de la Convention, rappelle le faible rythme d’échanges de la zone UMA (Union du Maghreb arabe) et cite une Algérie qui n’achète « presque rien » à ses voisins (1,5 % de ses importations) ou une Tunisie qui ne leur vend pas assez (10 % de ses exportations).
La perspective de la ZLEC (Zone de libre-échange continentale) entre 44 pays de l’Union africaine rend le besoin d’accélération du commerce de l’UMA encore plus pressant.
Pour y répondre, les participants à la Convention misent sur la dynamique de l’ESS, d’une valeur estimée en moyenne à 20 % du PIB par Saïd Ferri, vice-président de l’AREEA (Association des réseaux économiques Europe-Afrique), et dont le périmètre comprend des formes sociales très diverses, de l’association à la très grande mutuelle en passant par les coopératives.
Mhamed Kouidmi, directeur de la jeune pousse Business Wise, estime très important, pour la seule Algérie, le potentiel de création d’emplois de l’ESS.
Améliorer l’environnement des affaires
Les partenaires publics de sa croissance, « noyaux incontournables » selon Martine Buron (Fédération des maisons de l’Europe), existent comme l’AFD (Agence française de développement) qui a programmé 16 milliards sur sept ans pour encourager l’ESS, ou la Wilaya d’Alger qui a ouvert un incubateur hébergeant aujourd’hui douze start-up de solidarité.
Pour sa part, le numérique, porté par un mobile « clé du développement africain » et par une branche fintech dont le Tunisien Mohamed Zoghlami (Createc, Afric’up) salue la performance, est dominé par l’apparition de start-up qui veulent « rendre meilleur leur environnement » en dépit de la cherté des espaces de travail ou des pénuries d’électricité.
Le numérique s’entend ici dans une Smart Alliance Africa créée à l’initiative du Rwanda et vecteur de 300 milliards de dollars d’investissement pour l’émergence de start-up dans 24 pays africains.
Parmi les entrepreneurs venus représenter leur écosystème, Gibran Feitas, de Legal Tech Africa qui joue sur les deux tableaux de l’ESS et du numérique par une offre de conseil juridique aux entreprises et de sécurisation numérique de contrats, et le fondateur de Kyo Conseil Amine Ouanes onqui rapporte les services de numérisation de process rendus par son entreprise entre autres à l’Institut français d’Alger.
À ces perspectives d’activité croisées répondent des projets et quelques ambiguïtés de la part de la rive européenne des partenariats.
Des start-up à l’affût
Les organisations industrielles européennes misent ainsi sur les services de formation, exprimant moins leur intention d’investir que de transformer l’offre de travail et les cultures d’entreprise au sud de la Méditerranée et de donner les codes utiles à dialoguer et à exporter.
L’UIMM (Union des industries des métiers de la métallurgie, France) cofinance des centres de formation « agiles » tels l’IMA (Institut des métiers de l’aéronautique) et l’IFMIA (Institut de formation aux métiers de l’industrie automobile) au Maroc.
En Allemagne, pays qui « découvre l’Afrique » selon la consultante Pamela Stenzel, l’union patronale BVMWMittlestand (Allemagne) encourage certes une plus grande présence des entreprises nationales en Afrique, mais se projette surtout en formateur de celles du continent à sa « culture duale » (former, garder puis promouvoir les employés).
Du côté de l’expertise, Christophe Lefèvre (Conseil économique et social européen) voudrait que le retour au pays des diplômés formés en Europe devienne « un réflexe ».
La start-up Mahara’ty se positionne justement sur le créneau de la substitution à « la logique de diplôme » et à la « rigidité des cadres de formation professionnelle », en Tunisie particulièrement, et tire parti de l’inadéquation des jeunes sur les marchés du travail maghrébins pour former… des entrepreneurs.
Sur le plan financier, enfin, les inquiétudes sont parfois palpables comme le reflète cet « appel solennel » lancé par AREEA à la France et à l’Allemagne pour participer financièrement au projet d’agriculture aquaponique dans la région de Tizi Ouzou.
Comme une ombre sur les « intentions vertueuses » saluées par Éric Ramadour (Bordeaux Métropole), cette édition de la Convention a souffert de l’absence de près d’une centaine de participants qui n’ont pas obtenu de visa, « un scandale» que dénonce M. El Ouahdoudi en rappelant l’historique de coopération de ses membres avec des entreprises françaises. Un bilan est promis pour la 17e rencontre à Toulouse en 2020.