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Dossier Agriculture

Le coup de pouce de la BAD

Le coup de pouce de la BAD
  • Publiéaoût 23, 2022

Afin de répondre aux risques de pénuries massives dans l’approvisionnement et de crise alimentaire, la Banque africaine de développement a lancé une facilité d’urgence, portant sur 1,5 milliard de dollars.

 

La BAD (Banque africaine de développement) a approuvé 24 programmes accélérés pour aider l’Afrique à atténuer la hausse des prix des denrées alimentaires et l’inflation face aux pénuries causées par les chocs récents.

Le financement de 1,13 milliard de dollars constitue le premier lot d’approbations pour la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence de 1,5 milliard de dollars de la BAD et fournit un financement mixte pour des programmes d’urgence dans 24 pays. Les programmes sont conçus pour répondre aux besoins d’autres pays du continent.

La première révolution verte de la seconde moitié du XXe siècle, a montré qu’imposer un modèle agro-industriel axé sur la technologie à des réseaux tentaculaires de petits producteurs fracturés, divers et souvent improductifs n’est pas sans heurts sur le plan économique, social, culturel ou politique.

Cette dernière facilité, ainsi que le programme de réformes à plus long terme de la BAD, reflète une tendance majeure à la réduction des dépenses qui balaie à la fois les économies développées et en développement. À rebours de la sagesse conventionnelle en matière de développement, et poussés par le chaos de la Covid-19 et la perturbation des chaînes d’approvisionnement internationales causée par la guerre en Ukraine, des pays de régions aussi diverses que l’Europe, l’Australasie et maintenant l’Afrique cherchent à renforcer leur autosuffisance en remplaçant les importations de produits essentiels par une production locale.

La facilité est destinée à fournir à vingt millions de petits exploitants africains des semences certifiées et un accès accru aux engrais agricoles. Elle soutiendra également la gouvernance et la réforme des politiques, ce qui devrait encourager les investissements dans le secteur agricole africain. Selon la BAD, elle devrait permettre aux agriculteurs africains de produire 38 millions de tonnes supplémentaires de denrées alimentaires au cours des deux prochaines années, pour une valeur estimée à 12 milliards $, afin de combler le déficit d’approvisionnement attendu de la Russie et de l’Ukraine.

La facilité se concentre sur les cultures de base que de nombreux pays africains importent en grande partie de ces deux pays. Grâce à cette facilité, les agriculteurs africains produiront environ 11 millions de tonnes de blé, 18 millions de tonnes de maïs, 6 millions de tonnes de riz et 2,5 millions de tonnes de soja. L’objectif est d’augmenter la production alimentaire de 30 % d’ici à 2024 en augmentant la production de blé grâce à des variétés tolérantes à la chaleur, de maïs avec du maïs économe en eau, de riz et de soja ainsi que de créer des systèmes basés sur les technologies de l’information et de la communication qui offrent un soutien transparent et inclusif aux agriculteurs, en particulier aux femmes et aux jeunes.

La BAD construit cette réponse autour des quatre prochaines saisons de production agricole de l’Afrique. Elle travaillera également avec les fabricants d’engrais, les semenciers, les bourses de marchandises, les grands agrégateurs et les pays membres régionaux pour fournir 3,54 millions de tonnes d’engrais et 383 875 tonnes de semences certifiées aux petits exploitants agricoles au cours de la même période.

Dans la mesure du possible, le programme encouragera le recours à l’innovation ainsi qu’aux plateformes de technologies de l’information et de la communication pour la livraison de ces intrants et technologies aux agriculteurs.

La BAD met en œuvre cette facilité en collaboration avec l’Union africaine, les commissions économiques régionales, les banques multilatérales de développement, les agences des Nations Unies et d’autres partenaires, y compris des fondations privées. La BAD coordonnera et financera éventuellement d’autres entités ayant une expertise en matière d’achats ou de subventions alimentaires, comme le Programme alimentaire mondial et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

 

La vision d’Adesina

« C’est un événement historique pour la Banque africaine de développement et la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence », commente Beth Dunford, vice-présidente de la BAD pour l’agriculture, le développement humain et social, après l’annonce du financement. « Ces programmes permettront de fournir les semences adaptées au climat dont nous avons tant besoin, d’accéder à des engrais abordables et d’engager des réformes politiques pour permettre au secteur agricole de fournir des solutions immédiates, à moyen et à long terme aux défis auxquels sont confrontés les pays membres régionaux. »

La BAD indique que le programme s’appuiera sur le succès de sa plateforme Technologies for African Agricultural Transformation (TAAT). Lancée en 2019, TAAT a fourni des variétés de semences de blé tolérantes à la chaleur à 1,8 million d’agriculteurs dans sept pays. Elle a également augmenté la production de blé de 2,7 millions de tonnes, pour une valeur de 840 millions $.

 Le président de la BAD, Akinwumi Adesina, a vanté les mérites de la facilité et a affirmé qu’elle aiderait l’Afrique à éviter une crise alimentaire. « Nous n’étions pas prêts pour la Covid-19. Mais pour l’agriculture, pour l’alimentation, nous sommes prêts. L’Afrique ne sera pas confrontée à une crise alimentaire », a-t-il déclaré aux journalistes lors de l’assemblée annuelle de la BAD à Accra.

Cela fonctionnera-t-il ? Celui qui fut ministre de l’Agriculture du Nigeria a rappelé les récents succès que la BAD a contribué à obtenir, comme la réduction de 50 % des importations de blé au Soudan et la transformation de l’Éthiopie, qui est passée d’importateur net de blé à exportateur en cinq ans seulement. La technologie, comme la modification génétique des cultures, sera la clé de la révolution agricole, estime-t-il.

La vision d’Adesina pour le secteur agricole africain est celle d’une grande industrie productive, corporatisée et hautement technique, capable de générer d’importants volumes de produits de base pouvant simultanément nourrir le continent tout en rivalisant avec les plus grands producteurs alimentaires du monde. « L’agriculture doit être une entreprise, déclare-t-il, et non un mode de vie. Elle doit générer des richesses. »

Akinwumi Adesina

 

Attention, la route sera semée d’embûches, comme l’a montré la première révolution verte de la seconde moitié du XXe siècle ; imposer un modèle agro-industriel axé sur la technologie à des réseaux tentaculaires de petits producteurs fracturés, divers et souvent improductifs n’est pas sans heurts sur le plan économique, social, culturel ou politique.

En outre, l’ambition nécessite des investissements substantiels. La BAD a estimé que la transformation de 18 chaînes de valeur clés coûterait 315 milliards $ sur la période 2016-2025. Pendant ce temps, le changement climatique – la plus grande menace pour la production agricole et la sécurité alimentaire –, se fait sentir avec de plus en plus d’urgence dans le monde entier, notamment en Afrique.

Pourtant, Akinwumi Adesina est plein d’espoir : « Pour la toute première fois, l’Afrique ne sera pas en train de mendier de la nourriture. »

@AB

 

Écrit par
Angus Chapman

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