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Diplomatie

Commerce et diplomatie font bon ménage

Commerce et diplomatie font bon ménage
  • Publiéjanvier 22, 2019

La Russie a intensifié ses relations commerciales avec les pays du « pré carré » français. Les affaires se doublent d’alliances diplomatiques, cruciales dans la résolution de certains dossiers sensibles.

Par Johan Burger

En octobre 2017, les gouvernements russe et marocain ont signé des accords de coopération militaire, économique et poli-tique. Selon le Premier ministre russe, Dimitri Medvedev, les deux pays se sont rapprochés depuis la dernière visite du roi Mohammed VI à Moscou en mars 2016.

Dimitri Medvedev a souligné l’intention de la Russie d’accroître ses investissements au Maroc et de développer ses relations économiques avec le royaume, en particulier dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie et du gaz naturel.

Le Maroc se réjouit de ce nouvel élan. Le commerce du Maroc avec la Russie est passé de 200 millions $ en 2001 à 2,5 milliards $ en 2016. En 2016, la Russie était le neuvième exportateur vers le Maroc et le 22e importateur du Royaume. La Russie a fait un geste envers le Maroc, en avril 2018, en bloquant l’adoption de la résolution préliminaire sur le Sahara occidental au Conseil de sécurité de l’ONU.

Ce geste toutefois n’était pas uniquement au profit du Maroc ; la délégation russe a demandé un report du vote de plusieurs jours, sans doute pour éviter des formulations qui sembleraient hostiles au Front Polisario.

Mais, quelle que soit l’évolution des relations bilatérales du Maroc avec la Russie ou même la Chine, ces relations ne remplaceront pas les liens solides et durables du Maroc avec ses alliés traditionnels, les États-Unis et la France en particulier. Ainsi, tant que le conflit autour du Sahara occidental sera à l’ordre du jour des Nations unies, le Maroc devra compter sur ses alliés traditionnels pour défendre ses intérêts et éviter les accords qui menaceraient son intégrité territoriale.

Une amitié historique avec l’Algérie

Même si le Maroc se rapproche de la Russie, cette relation est loin d’égaler l’alliance Russie-Algérie. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, l’Algérie était le troisième acheteur d’armement russe entre 2007 et 2016, et est, aujourd’hui, le premier importateur africain d’armes russes, absorbant 46 % des exportations russes à destination de l’Afrique. Depuis la signature du partenariat stratégique entre Moscou et Alger en 2001, les relations entre les deux pays se sont considérablement développées, notamment dans le domaine militaire.

Des sociétés russes pourraient participer aux côtés d’autres entreprises étrangères aux investissements dans les gisements de gaz et de schiste bitumineux, si le gouvernement algérien donnait son feu vert.

En 2006, les deux pays ont signé un contrat d’achat d’armement russe par l’Algérie d’une valeur de 7,5 milliards $. Cet accord était le plus important depuis la chute de l’URSS.

En outre, en 2016, la Russie a vendu 1,5 milliard $ d’armes au pays. L’intérêt de l’Algérie pour les armes russes est dû principalement au lien historique entre les deux pays depuis l’indépendance de l’Algérie dans laquelle la Russie a joué un grand rôle. D’autre part, l’Algérie a besoin des armes russes en raison des menaces que font peser la situation actuelle au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ainsi que les problèmes à la frontière sud du pays et au Mali.

L’Algérie pourrait détenir la troisième réserve mondiale de gaz et de schiste bitumineux. L’ambassadeur russe en Algérie a souligné l’intérêt de la Russie pour les ressources algériennes : « Des sociétés russes pourraient participer aux côtés d’autres entreprises étrangères aux investissements dans les gisements de gaz et de schiste bitumineux, si le gouvernement algérien donnait son feu vert.»

Il a ajouté que la coopération entre Gazprom et Sonatrach avait progressé et que le gouvernement algérien préparait une nouvelle loi sur les hydrocarbures. Il espère que cette loi donnera un nouvel élan à la coopération dans le secteur de l’énergie.

En août, la Russie et la République centrafricaine (RCA) ont signé un accord militaire dans le cadre duquel la Russie s’engage à former les forces armées du pays. On ne sait pas encore si la formation sera effectuée en Russie ou en RCA.

La situation dans le pays demeure chaotique. Trois journalistes russes qui s’étaient rendus dans le pays en août dernier ont été retrouvés assassinés quelques jours plus tard. L’affaire a soulevé des questions quant à l’implication de la Russie. Les journalistes étaient chargés d’enquêter sur un homme d’affaires russe lié au Kremlin dont les activités en RCA semblaient suspectes.

Djibouti : un partenaire stratégique

Visiblement, c’est en RCA que le retour de la Russie en Afrique est le plus marqué avec l’envoi d’une équipe d’instructeurs militaires en décembre 2017 et de « conseillers civils ». Neuf conteneurs d’armes ont été réceptionnés à Bangui depuis.

Plusieurs pays ont critiqué les liens de la Russie avec la RCA. Selon un ancien ambassadeur russe en Afrique, cela est uniquement dû au fait que la Russie est arrivée plus tard sur le continent que les autres pays, mais ses intérêts ne diffèrent pas, assure-t-il. Il estime que la France en particulier, qui convoite les ressources de la RCA, tolère mal la présence de la Russie dans le pays.

La Russie et Djibouti ont une longue tradition de coopération militaire. Le personnel militaire de Djibouti suit régulièrement une formation en Russie. Des experts russes entretiennent les hélicoptères et les véhicules motorisés que la Russie a livrés il y a plusieurs années à l’armée djiboutienne. Les autorités russes ont tout intérêt à ce que l’armée djiboutienne soit bien équipée pour lutter contre le terrorisme, les pirates et d’autres menaces.

Bien qu’elle ait été autorisée à utiliser le port de Djibouti, la Russie n’a pas pu construire de base militaire dans le pays, Djibouti ayant refusé de « devenir le théâtre d’une guerre par procuration ». Dès la fin 2017, Djibouti a pris conscience qu’une présence russe à Djibouti n’était pas souhaitable, compte tenu des événements en Syrie et en Ukraine notamment. Djibouti a voulu à tout prix éviter une confrontation de deux superpuissances dans la région. 

La visite du ministre des Affaires étrangères de Djibouti en Russie en 2011 est la première visite de ce type depuis l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays en 1978. Cette visite a renforcé le désir mutuel de développer la coopération dans divers domaines et a insufflé un nouveau dynamisme aux relations avec le continent africain dans son ensemble.

En 2011, pour faire face à la sécheresse qui avait frappé la Corne de l’Afrique, la Russie avait alloué une aide humanitaire aux pays touchés, dont 1 million $ à Djibouti.

Le pays n’est pas seulement un marché pour les produits russes, mais aussi une passerelle vers l’Éthiopie, l’Ouganda, le Rwanda, le Kenya, le Soudan, le Burundi et d’autres pays, qui représentent ensemble un marché de plus de 400 millions de consommateurs. Outre son port, Djibouti possède un bon réseau routier et un réseau de télécommunications bien développé.

Djibouti a autorisé la marine russe à accéder à son port afin de lutter contre les pirates. Le détachement russe est parvenu à escorter des navires commerciaux sur les eaux où sévissent les pirates au large de la côte somalienne. Situé au carrefour de l’une des voies maritimes les plus fréquentées du monde, reliant l’Europe, l’Extrême-Orient, la Corne de l’Afrique et le Golfe persique, le port de Djibouti occupe une position stratégique fondamentale.

Selon le ministre de la Défense russe, Anatoly Serdyukov, la Russie a négocié avec la France pour effectuer des vols de reconnaissance à la base française de Djibouti afin de poursuivre la lutte contre les pirates dans la région. Il a ajouté que la France et la Russie menaient déjà « des patrouilles conjointes dans le golfe d’Aden pour lutter contre les pirates des mers ».

Bien qu’elle ait été autorisée à utiliser le port de Djibouti, la Russie n’a pas pu construire de base militaire dans le pays, Djibouti ayant refusé de « devenir le théâtre d’une guerre par procuration ». Dès la fin 2017, Djibouti a pris conscience qu’une présence russe à Djibouti n’était pas souhaitable, compte tenu des événements en Syrie et en Ukraine notamment. Djibouti a voulu à tout prix éviter une confrontation de deux superpuissances dans la région. 

Écrit par
Johan Burger

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