Algérie – Russie : des relations au beau fixe

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rencontré le président Tebboune et la diplomatie algérienne. Le diplomate a, une nouvelle fois, loué la position « pondérée » de l’Algérie dans le dossier ukrainien, tandis que la question du gaz a dominé les échanges.
Par Laurent Allais
C’est une visite courte mais lourde de significations que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a effectuée en Algérie, le 10 mai 2022. Le diplomate s’est entretenu avec son homologue algérien Ramtane Lamamra, et a été reçu par le président Abdelmadjid Tebboune. En effet, la Russie est sur le banc des accusés depuis l’invasion de l’Ukraine, laquelle, entre autres menaces, déséquilibre les marchés de l’énergie et celle des approvisionnements en blé. Pour autant, l’Algérie a adopté une position prudente sur cette question, se voulant davantage médiatrice que partie. Tout comme sa diplomatie a refusé de qualifier de « mercenaires » les troupes de Wagner installées en Afrique subsaharienne.
Plusieurs pays cherchent à réduire leur dépendance des livraisons russes dans le gaz, et se tournent vers l’Algérie ; laquelle clame publiquement qu’elle ne dispose que d’une capacité très limitée pour augmenter ses exportations.
« Nous apprécions beaucoup la position pondérée, objective et équilibrée de l’Algérie sur la question ukrainienne », a lâché Sergueï Lavrov à l’issue de ses entretiens avec ses homologues algériens, ne faisant d’ailleurs que répéter une position exprimée depuis des semaines. Notamment le 7 avril, lorsque l’Algérie avait voté contre la décision de suspendre la Fédération de Russie du Conseil des droits de l’homme.
« L’Algérie et la Russie sont liées par des relations sincères et amicales », a poursuivi le diplomate. Les deux pays célèbrent ensemble le 60e anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques, qui coïncide avec le 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.
La visite a permis de conclure un nouveau document stratégique qui vient renforcer une convention signée en 2001. De plus, « dans le souci de développer les relations au volet politique et pour renforcer la coopération commerciale, économique, militaire, artistique, culturelle et humanitaire », le président russe Vladimir Poutine a convié le président Tebboune à lui rendre visite à Moscou.
Unifier les positions dans le secteur du gaz
Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a atteint 3 milliards de dollars, en 2021 ; « il existe des opportunités pour parvenir à de plus larges perspectives », estime sur ce point Sergueï Lavrov. Pour qui les entreprises russes portent « un intérêt au développement de leurs relations avec les partenaires algériens dans plusieurs domaines dont l’énergie, les mines, l’exploration et l’industrie pharmaceutique ». Toutes ces questions, a-t-il révélé, seront débattues lors d’une réunion intergouvernementale qui se tiendra prochainement à Alger.
Pour le diplomate russe, il s’agissait aussi de s’assurer du soutien d’Alger, ou du moins sa bienveillance, au sein des grandes instances internationales comme les Nations unies ou l’OPEP. Concernant une éventuelle hausse des exportations de gaz, le responsable russe a affirmé que son pays est « en faveur d’une position unifiée dans le cadre du Forum des pays exportateurs de gaz pour honorer les accords précédents. Il en sera de même pour ceux à venir ».
L’Algérie, exportateur de gaz de premier plan, fournit environ 11% du gaz consommé en Europe, contre 47% pour la Russie. Plusieurs pays cherchent à réduire leur dépendance des livraisons russes et se tournent vers l’Algérie ; laquelle clame publiquement qu’elle ne dispose que d’une capacité très limitée pour augmenter ses exportations. Moyen pour sa diplomatie de ne pas froisser son partenaire russe. L’Espagne est reliée à l’Algérie par un gazoduc sous-marin de 750 kilomètres, le Medgaz ; le deuxième pipeline, le GME, a été mis hors service à en novembre 2021 par Alger sur fond de crise diplomatique avec le Maroc, mais n’a pas été démonté. À noter par ailleurs que l’Espagne a certifié que le gaz qu’elle distribuera au Maroc, son nouveau meilleur ami dans la région, ne viendra pas d’Algérie. Cette dernière désirant que sa production ne soit pas « détournée » vers son voisin.
Enfin, interrogé sur la situation au Mali, Sergueï Lavrov a relevé la nécessité de déployer des efforts pour aider les parties à engager un dialogue politique à la lumière de l’accord de Paix et de réconciliation issu du processus d’Alger, estimant qu’ « il est inutile d’annoncer plus de sanctions contre les dirigeants actuels au Mali », indique l’Agence presse service.
@NA