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Diaspora

Les coûts exorbitants des transferts de fonds

Les coûts exorbitants des transferts de fonds
  • Publiéjanvier 13, 2023

À Rabat, une réunion de haut niveau a émis une série de propositions destinées à réduire les coûts de transferts de la diaspora africaine. Ces tarifs grèvent une grande partie des revenus de l’Afrique, qu’il faut davantage canaliser vers l’économie formelle.

 

« Nous sommes tous conscients de l’enjeu du transfert de fonds, puisqu’il s’agit d’un atout fondamental pour les économies africaines, que nous devons tous essayer d’optimiser. » Ainsi s’est exprimé Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, lors d’une réunion sur cette thématique des coûts de transferts qui s’est déroulé à Rabat. Réunion co-présidée par Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères.

Cette réunion s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l’agenda 2021-2031 sur « les racines africaines et la diaspora africaine » des Nations unies. Et plus généralement dans le cadre de la mise en œuvre des ODD (Objectif de développement durable). Chaque année, le rapport de la Banque mondiale sur les transferts de fonds déplore les coûts très élevés, et bien loin des ODD, des transferts de fonds en Afrique et de la diaspora vers l’Afrique.

Les retenues pratiquées par les organismes de transfert peuvent atteindre 15%, représentant ainsi quelque 1,6 milliard d’euros de manque à gagner pour le continent africain. « Cette situation est déplorable et va à l’encontre des objectifs de développement durable et de l’agenda 2063 de l’Union africaine », s’est insurgé Robert Dussey.

La Banque mondiale enregistre chaque trimestre les tarifs d’envoi de 200 dollars : ils demeurent élevés, à 6 % en moyenne au deuxième trimestre 2022 ; 6,3% pour la région Moyen-Orient Afrique du Nord, 7,8% pour l’Afrique subsaharienne. Il en coûte plus cher de passer par les banques que par les opérateurs mobiles (tarifs de 3,5 %), mais ces derniers représentent moins de 1 % du volume total des transactions.

Timide progression des transferts de fonds en 2022

Le Forum s’est achevé sur une série de recommandations. Charge désormais aux acteurs concernés à « transformer la volonté en action concrète », a fait observer le ministre Bourita.

Les travaux ont porté, notamment, sur les nouveaux modèles et canaux innovants, digitaux et inclusifs et la mise en place d’infrastructures adéquates et de cadres réglementaires favorables. Il a semblé nécessaire aux participants d’établir une cartographie de la diaspora africaine dans le monde (effectifs, compétences, liens avec le pays d’origine, etc.) afin d’optimiser et renforcer son implication dans le développement socio-économique de pays africains.

 

L’expérience de Bank Al-Maghrib

Les participants ont accueilli favorablement la création éventuelle d’une plateforme ebusiness qui permettrait de relier la diaspora les apporteurs de projets à impacts. Là encore, l’objectif est de drainer les flux financiers des diasporas vers le secteur formel, tout en faisant appel aux compétences des Africains pour nouer des accords financiers innovants.

En matière de données, l’Observatoire africain des migrations constitue une structure adaptée pour suivre et analyser cette problématique.

La Bank Al-Maghrib a fait valoir son expérience. Son gouverneur, Abdellatif Jouahri, considère que la BAM a œuvré à la réduction des coûts des transferts, en coordination avec les banques commerciales, et à la diversification des canaux de transmission. Les recettes en provenance des Marocains de l’étranger ont enregistré un bond historique de 37% en 2021 et de 13% en 2022, atteignant les 8% du PIB.

L’enjeu est de taille, rappelle l’Union africaine. La contribution de la diaspora africaine est estimée à plus de 150 millions de dollars en 2021, dont les deux tiers est sur le continent africain. On le sait, les transferts sont plus importants désormais que l’Aide publique au développement.

Sur la période 2010-2020, les envois de fonds ont totalisé plus de 610 milliards $ pour la région MENA (1,7% du PIB, sur l’ensemble de la période) et 440 milliards $ pour l’Afrique subsaharienne (2,4% du PIB). Or, seulement 10% des envois de fonds sont investis dans les projets ou produits d’épargne en Afrique.

Sur la période récente, ces transferts monétaires vers le continent se sont élevés à 85,9 milliards $ en 2019 et 78,4 milliards en 2020 et représentent une contribution moyenne comprise entre 7% et 10 % du PIB des différents pays. « Ils représentent plus de 20 % du PIB de certains pays comme le Cap Vert, la Gambie, le Lesotho », a rappelé Robert Dussey dans son discours d’ouverture. En 2021, les principaux pays africains bénéficiaires étaient le Nigeria, le Ghana, le Kenya et le Sénégal.

 

Renforcer les partenariats

Et Robert Dussey de regretter : « Ces transferts sont astreints à des taux exorbitants. » Les retenues pratiquées par les organismes de transfert peuvent, selon certaines études, atteindre 15%, représentant ainsi quelque 1,6 milliard d’euros de manque à gagner pour le continent africain. « Cette situation est déplorable et va à l’encontre des objectifs de développement durable et de l’agenda 2063 de l’Union africaine. »

Le ministre lance un appel pour le renforcement du partenariat entre les institutions financières africaines, les centres de recherches, les incubateurs de talents et les organisations des diasporas africaines, afin d’explorer toutes les options technologiques, opérationnelles et stratégiques. Ce, en vue non seulement d’infléchir les coûts des transferts, mais aussi d’accroître les possibilités des migrants à contribuer au financement des projets de développement dans leurs pays d’origine notamment par l’utilisation des nouveaux instruments pour capter les placements. « Cette démarche doit associer étroitement l’Institut africain pour les transferts de fonds et faire l’objet d’un plan de communication et d’appel à projets innovants », a plaidé le ministre Dussey. Qui songe aux Fintech, Assurtech, Investech, etc., au sein de la diaspora africaine.

Robert Dussey et Nasser Bourita, le 12 janvier 2023.
Robert Dussey et Nasser Bourita, le 12 janvier 2023.

Robert Dussey a annoncé l’intention du Togo d’organiser en 2024 un congrès panafricain traitant des divers aspects économiques et politiques des diasporas africaines. Il aura pour thème « Renouveau du panafricanisme et place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale : mobiliser les ressources et se réinventer pour agir ».

En attendant, les « Conclusions de Rabat » seront soumises au Sommet de l’Union Africaine, prévu en février 2023.

@AB

 

Écrit par
Aude Darc

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