Rabat, capitale du livre

Le 27e Salon international de l’édition et du livre, qui se tient cette année à Rabat, bat son plein ; il se poursuit jusqu’au 12 juin. Le SIEL délivre son lot d’auteurs prestigieux, de polémiques, et ses projets structurants pour la culture africaine.
Par Anne-Marie Lubin
Longtemps repoussé, déplacé de Casablanca à Rabat en raison de la nécessité de préserver des locaux pour répondre à la crise sanitaire, le SIEL (Salon international de l’édition et du livre) a bénéficié de toute l’attention des autorités marocaines. Lors du premier week-end, le Salon avait déjà accueilli 24 000 visiteurs. Pas moins de 128 activités culturelles (présentations de livre, d’auteurs, débats, etc.) sont prévues pour un événement qui accueille près de 460 intervenants et qui insiste, cette année, sur les rapports du Maroc avec le reste de l’Afrique. Au plan intérieur, le Salon permet de relancer l’intérêt culturel de la région de Rabat.
La future ligue africaine des écrivaines africaines permettra de « faire connaître la diversité culturelle, linguistique et ethnique qui constitue une richesse immatérielle pour l’espace africain et à répondre aux besoins insistants et accrus de l’écrivaine africaine, au service de la parité et de l’égalité des chances ».
En effet, « cette organisation constitue une consécration pour la ville de Rabat en tant que capitale culturelle du Royaume, capitale africaine de la culture et capitale de la culture dans le monde islamique pour l’année 2022 », a déclaré le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, Mohamed Mehdi Bensaïd, lors de la conférence de presse inaugurale.
Le budget de l’événement ressort à 20 millions de dirhams (1,9 million d’euros), dont, fait nouveau, 8 millions alloués par la région de Rabat-Salé-Kenitra. Cette hausse du budget permet d’élever la dotation du prix du Livre, remis à cette occasion, à 200 000 dirhams.
Le salon accueille de grandes plumes, tel l’écrivain marocain Abdellatif Laâbi, venu présenter son nouveau livre, La Fuite vers Samarkand, un récit quasi-autobiographique. Une absente de marque, l’auteure franco-marocaine Leïla Slimani. « Son agenda ne le lui permet pas », a regretté Mohamed Mehdi Bensaïd, conscient que ce rendez-vous culturel devra attirer davantage de personnalités connues du grand public, à l’avenir.
L’Afrique dans son ensemble n’est pas oubliée. L’ambassadeur du Cameron, et doyen des ambassadeurs africains, Mouhamadou Youssifou, un habitué du salon, fait part de son ressenti à la presse marocaine : « La culture et la littérature africaines tardent à émerger à l’international, en raison de la faiblesse de la diffusion et de la traduction. » C’est aussi pour cela que le salon a invité plusieurs maisons d’éditions venues de 19 pays africains ; elles ont réussi, ces derniers mois, à faire publier de nouveaux ouvrages, dans un contexte économique devenu plus tendu. À propos du Cameroun, le Salon du Livre de Yaoundé se tiendra comme prévu en 2023, a-t-on appris ; invité d’honneur : le Maroc.
Une ligue des écrivaines africaines
Un salon littéraire qui se respecte doit comporter une dose de scandale ou de polémique. Celle-ci est venue de la censure, à la dernière minute, du livre Les Mémoires d’une lesbienne, de Fatima Zahra Amzkar, édité chez Dar Agora. Une séance de dédicaces avait pourtant bien été programmée au sein du SIEL, pour ce roman qui évoque le poids social de l’homosexualité au Maroc. Sur les réseaux sociaux, divers appels au boycott du SIEL auraient circulé, l’auteure recevant des menaces de mort. Le ministère de la Culture marocain a tenté de justifier l’interdiction du livre en indiquant que ce dernier n’avait pas été validé par les autorités, ce que dément l’éditeur.
D’autre part, le comité préparatoire chargé de la création de la « Ligue des écrivaines africaines » a tenu une réunion, le samedi 4 juin à Rabat, en marge des travaux du Salon. D’après la Ligue des écrivaines du Maroc, le congrès constitutif de cette nouvelle organisation pourrait se tenir au cours de la prochaine rentrée culturelle.
Cette réunion s’est tenue avec la participation de la présidente de la Ligue des écrivaines du Maroc, Badiaa Radi, des membres du bureau exécutif de la ligue et des représentantes du Sénégal, du Gabon, du Burkina Faso, du Bénin, du Madagascar, de la Mauritanie, de la Libye et de l’Égypte.
L’objectif, au moment de la création formelle de cette structure, est de pointer les mécanismes à même de faire associer l’ensemble des pays africains à ce projet, qui vise à unifier les voix culturelles et intellectuelles à l’échelle du continent. Il s’agit de « faire connaître la diversité culturelle, linguistique et ethnique qui constitue une richesse immatérielle pour l’espace africain et à répondre aux besoins insistants et accrus de l’écrivaine africaine, au service de la parité et de l’égalité des chances », précise la Ligue marocaine.
Cette éventuelle structure panafricaine se doublerait, dans chaque pays, de ligues locales des écrivaines, des structures qui constitueront une plateforme de partenariat, de solidarité et de coopération Sud Sud. La Ligue entend « faire connaître la diversité culturelle, linguistique et ethnique qui constitue une richesse immatérielle pour l’espace africain et à répondre aux besoins insistants et accrus de l’écrivaine africaine, au service de la parité et de l’égalité des chances ».
Charge de faire adhérer de grandes figures féminines de la culture à cette « passerelle culturelle qui s’inscrit en harmonie avec l’ensemble des mutations locales, régionales et universelles ».
@NA