Carthage, Carthaginois à travers Salammbô de Gustave Flaubert

Du 01 juillet au 19 septembre 2021, le Musée des beaux-arts de Rouen met à l’affiche l’exposition Salammbô inspirée du roman du même nom (paru en 1862) de l’écrivain français Gustave Flaubert.
Par Serges David, envoyé spécial à Rouen
Dans cette excellente exposition sont imbriqués tour à tour la fureur, la passion, le désir, les trahisons et les éléphants qui traversent cette géniale épopée qui fait voyager en terre punique (Carthage), trois siècles avant J.-C.
« Décrire Carthage, qu’on connaît si peu, était à l’époque de Flaubert et au fond serait encore aujourd’hui, une entreprise presque insensée (…) l’excellence du style fait tout accepter : On demeure ébahi devant ces phrases dont chacune est une pièce d’or ou de bronze pesant de tout son poids, suspendue au fil quelque peu ténu de cette affabulation romanesque sur la fille d’Hamilcar », dixit la romancière Marguerite Yourcenar.
Cette exposition présente au total 350 œuvres issues des collections publiques et privées françaises et européennes, dont le musée du Louvre, la Bibliothèque nationale de France, le musée national d’art moderne du centre Pompidou, le musée d’archéologie méditerranéenne de Marseille, le Cabinet des médailles de Marseille, les musées de Rouen, Munich et Berlin…
Grâce, entre autres, à l’Institut national du Patrimoine de Tunisie, avec lequel le Mucem entretient depuis cinq ans une étroite politique de coopération, des prêts majeurs ont été consentis par les musées du Bardo et de Carthage, permettant au public français de découvrir les trésors archéologiques de l’époque punique.

Cette exposition est une vraie aventure historico-culturelle à travers laquelle Salammbô se pare de ses plus beaux atours et se décline inlassablement sous plusieurs infinis angles.
D’abord comme un voyage entre histoire, invention et illusion avec notamment la création de Salammbô à Carthage, avant Gustave Flaubert ; la genèse de l’ouvrage de l’écrivain français et la connaissance de Carthage à l’époque de Flaubert. Puis l’impact du roman Salammbô dans les arts singulièrement au salon, en musique, au cinéma et de manière illustrée.
Enfin, l’exposition aborde aussi le rapport de Salammbô aux sensibilités contemporaines tout en voguant et en surfant sur des extraits choisis tels que « Carthage ressuscitée par Flaubert », « Salammbô, le défilé de cimaises », « Salammbô à l’opéra », « Salammbô en bande dessinée » et surtout « les joyaux de Salammbô : Inspiration et reconstruction carthaginoises ».
Salammbô, Fureur ! Passion ! Eléphants au Musée des beaux-arts de Rouen (jusqu’au 26 septembre 2021) ; Mucem à Marseille (du 20 octobre 2020 au 7 février 2022) : Musée national de Bardo à Tunis (au printemps 2022).
Cette exposition plurielle donne également l’occasion de connaître tout l’univers de l’écrivain Gustave Flaubert, de la ville de Carthage (Tunisie) et de la vie d’époque.
Elle n’aura pas été, sans doute, possible sans la grande mobilisation du directeur de la réunion des Musées métropolitains de Rouen Normandie, Sylvain Amic, par ailleurs conservateur en chef du Patrimoine. Tout comme sans l’implication de Myriam Morel-Deladalle, conservatrice en chef du patrimoine, Mucem, et Imed Ben Jerania, chargé de recherche, Institut national du patrimoine de Tunisie.
Quoi qu’il en soit, « Salammbô de Gustave Flaubert, Fureur ! Passion ! Eléphants ! », est une des expositions qu’on ne peut se permettre le luxe de rater. Car elle est un condensé de savoir livresque, intellectuel, cultuel et culturel.
Jusqu’au 19 septembre, l’âme, l’esprit et l’impact de Gustave Flaubert ainsi que ceux des Carthaginois flotteront sur le musée des beaux-arts de Rouen. « On ira voir cette exposition », vous venez de répondre à la fin de la lecture de cet article.
SD
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ECLAIRAGE
Deux cents ans plus tard
L’année 2021 est celle du Bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert. Sa naissance et sa vie en Normandie, son attachement à cette région notamment comme territoire d’écriture d’une partie de son œuvre, font de Gustave Flaubert un artiste hors norme dans l’histoire de la Normandie.
De juillet à décembre 2021, de nombreux événements seront proposés au public dans toute la Normandie : expositions, spectacles, conférences, animations pédagogiques, circuits touristiques, promenades théâtralisées…
« Je m’occupe…d’un travail archéologique, sur une des époques les plus inconnues de l’Antiquité, travail qui est la préparation d’un autre. Je vais écrire un roman dont l’action se passera trois siècles avant J.-C., car j’éprouve le besoin de sortir du monde moderne où ma plume s’est trop trempée et qui d’ailleurs me fatigue autant à reproduire qu’il me dégoûte à voir », correspondance de Gustave Flaubert à Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, 18 mars 1857.
L’objectif de cet ambitieux projet est de susciter l’émergence d’un ensemble d’initiatives publiques et privées à vocation régionale, nationale et internationale, de les fédérer et de les valoriser autour d’une programmation concertée et d’une communication commune, sur la base des orientations prises par ses membres dans le cadre d’une coopération et dans une démarche respectueuse des droits culturels.
A SAVOIR
Salammbô au Bardo en Tunisie
Rénové en 2012, le Musée national du Bardo est le plus grand musée de Tunisie. Réputé pour ses mosaïques, il expose les plus belles trouvailles de l’archéologie provenant de fouilles effectuées dans le pays depuis le XIX siècle.
C’est toute la richesse historique et la singularité de la Tunisie que révèlent les collections du Bardo. Le site de Carthage a d’abord été fouillé par Alfred-Louis Delattre (1850-1932). Né à Déville-lès-Rouen, cet ecclésiastique et archéologue fut chargé par le cardinal Lavigerie, dès 1875, de collecter les vestiges archéologiques de l’antique cité.

Le Musée des antiquités de Rouen se fait l’écho des premières explorations archéologiques à Carthage avec l’acquisition, en 1906, d’une dizaine de pièces (un don de Delattre), puis de 128 pièces remises par le ministère de l’Instruction publique. Le site de Carthage a fait l’objet, au cours du XXè siècle, de nombreuses recherches, dont une campagne internationale de fouilles sous l’égide de l’Unesco, entre 1972 et 1992.
Ce sont principalement les maisons du quartier punique de Byrsa, remarquablement conservées bien qu’elles portent les traces de la destruction de Carthage par Rome (146 avant J.-C.), qui permettent d’imaginer la vie quotidienne des Carthaginois à la fin de la période punique. Un trésor inestimable.
SD